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Droit du travail
Fusion et gestion prévisionnelle du statut collectif

21/12/2016

Fusion, cession, scission ou changement d’activité… La boîte à outils des services en charge des ressources humaines a été complétée par la loi Travail du 8 août 2016 lors d'opérations entraînant la mise en cause d’un ou plusieurs accords collectifs.

La mise en cause d’un accord collectif s’apparente, du point de vue de ses effets, à sa dénonciation pure et simple. Toutefois, dans cette hypothèse, aucune formalité n’est nécessaire : la réalisation de l’opération, comme la fusion ou le transfert d’une entité économique autonome, sera le déclencheur de la période de survie provisoire (généralement d’une durée de 15 mois) du texte conventionnel ainsi « mis en cause ».

Pendant cette période de survie, l’article L2261-14 du Code du travail fixe une obligation de moyen d’ouvrir des négociations au sein de l’entreprise d’accueil visant :

  • soit l'adaptation des dispositions mises en cause aux dispositions nouvellement applicables ;
  • soit l'élaboration de nouvelles dispositions applicables au nouvel ensemble.

Jusqu’à il y a peu, la sanction du non-aboutissement des négociations consistait dans le maintien des avantages individuels acquis par les salariés transférés au titre des dispositions conventionnelles mises en cause. La loi Travail du 8 août 2016 a mis un terme à cette sanction en supprimant la notion d’avantage individuel acquis et en y substituant celle du maintien du seul niveau de la rémunération.

Avant le 10 août 2016, les options offertes à la direction des ressources humaines (DRH) étaient relativement simples : elle devait nécessairement attendre l’effectivité de la fusion avant de pouvoir lancer officiellement les négociations sur un éventuel accord collectif d’adaptation ou de substitution, et attendre encore un préavis de trois mois pour que cet accord puisse entrer en vigueur.

Dans un souci de sécurisation de cette période où les inconnues sont nombreuses, la loi Travail instaure, aux articles L2261-14-2 et L2261-14-3 du Code du travail, deux nouveaux outils d’anticipation.

Passer à une négociation à froid

Dorénavant, la DRH peut réaliser une gestion prévisionnelle du statut collectif applicable après l’opération de fusion. D’une négociation à chaud, il est désormais possible de passer à une négociation à froid, lorsque l’opération de fusion (ou le transfert d’une entité économique autonome) est simplement envisagée.

Ces nouveaux outils d’anticipation sont de deux ordres. Tout d’abord, un accord applicable aux seuls salariés transférés : il s’agit d’un accord de transition, à durée déterminée, pour un groupe « fermé ». Ce dispositif est une pure création de la loi Travail. Il ouvre aussi la possibilité pour l’accord prévu par l’article L2261-14 d’être négocié avant l’opération de fusion. À l’inverse de l’accord de transition, l’accord d'adaptation ou de substitution anticipé a pour finalité de couvrir l'ensemble des salariés du futur nouvel ensemble.

Des partenaires différents selon la négociation

L’accord d’adaptation ou de substitution d’anticipation implique une négociation avec l’ensemble des partenaires sociaux des structures en présence. Il s’agit d’une négociation quadripartite.

De son côté, l’accord de transition est négocié au sein de l’entreprise dont le transfert est envisagé, en présence d’un représentant de la future structure d’accueil. Par conséquent, les organisations syndicales de l’entreprise d’accueil sont exclues de cette négociation.

Pour cet accord de transition, le périmètre d’appréciation des taux de représentativité est celui de l'entreprise ou de l'établissement employant les salariés dont les contrats de travail sont transférés. Pour l’accord d’adaptation ou de substitution anticipé, c’est celui de chaque entreprise ou établissement concerné.

À noter. À compter du 1er janvier 2017 (et jusqu'au 1er janvier 2019), deux régimes de validité des accords coexisteront : celui de l’accord majoritaire, pour les seules dispositions relatives aux congés et à la durée du travail, et celui des 30 %, pour les autres.

Mandat de gestion et négociation d’anticipation : duo gagnant ?

L’effet utile de la négociation d’anticipation, qu’elle soit de transition ou de substitution, impose un luxe dont le champ social et médico-social est avare : le temps.

Toutefois, cette négociation pourrait trouver un intérêt tout particulier dans l’hypothèse, très répandue dans le secteur, du mandat de gestion. Celui-ci est très souvent utilisé comme l’antichambre de la fusion-absorption. Il est par lui-même une période de transition et d’anticipation d’un futur nouvel ensemble. Dans de nombreux cas, il arrive même que le mandat de gestion soit poussé dans ses derniers retranchements avec, par exemple, une présidence des instances représentatives du personnel (IRP) assurée par le mandataire et même une animation du dialogue social. Dans ce cas, les négociations d’anticipation, quelles qu'elles soient, pourraient être une combinaison gagnante avec un véritable effet utile. En effet, le futur employeur serait d’ores et déjà in situ auprès des salariés concernés par le probable transfert. De même, il bénéficierait du temps nécessaire pour s’approprier cette négociation d’anticipation.

Transition et potentielle rupture d’égalité ?

La logique de sécurisation gouvernant les accords de transition reste ambiguë. L’accord de transition n’aura, in fine, un intérêt que s’il se rapproche du statut prochainement applicable. En ce sens, les services supports de l’entreprise d’accueil auront vite compris l’intérêt de ne pas maintenir deux statuts complétement différents pendant trois années. Or, les salariés et leurs représentants auront, à l’inverse, une tendance naturelle à vouloir conserver leur statut pourtant mis en cause. De cette tension c’est bien la cohésion entre les salariés qui pourrait être mise à mal par l’accord de transition, notamment sur la thématique de la rupture d’égalité. La pédagogie dans la négociation sera plus que jamais la clé de la réussite.

En conclusion, le mandat de gestion, pratique ancienne du champ, présente aujourd’hui toutes les qualités pour être le socle idéal d’une expérimentation de la négociation prévisionnelle du statut collectif. Enfin, alors que le secteur découvre les vertus de l’audit préalable à tout projet de fusion, la négociation d’anticipation, qu’elle soit de substitution ou de transition, pourrait en être un parfait complément.

 

Stéphane Picard, Picard Avocats, membre du réseau ACC3S

L’accord de transition, une portée limitée pour les seuls salariés transférés

Le Code du travail dispose expressément que l’accord de transition s'appliquera à l'exclusion des stipulations portant sur le même objet des conventions et accords applicables dans l'entreprise dans lequel les contrats de travail sont transférés. Le principe de faveur n’est ainsi pas applicable pour la négociation de transition lorsqu’il s’agira de comparer les textes conventionnels en concours. Celui de l’entreprise d’accueil aura, dès l’instant qu’il porte sur le même objet, la priorité. Les négociateurs, pour contourner cette notion « de même objet », devront faire preuve d’une créativité importante et l'apparition d’un nouveau et futur contentieux semble évidente.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 149 - janvier 2017






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