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Convergence tarifaire dans les maisons de retraite / dans les Ehpad
Le secteur demande un moratoire "actif"

07/10/2009

La convergence tarifaire doit permettre de dégager huit millions d’euros en 2009. Mais les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes concernés ne s’avèrent pas si bien lotis... En danger : l’emploi et la qualité des prestations, au détriment des usagers.

Nora Berra entend initier ses relations avec le secteur des personnes âgées sous le signe d'un dialogue « direct et régulier ». En charge des « aînés » depuis trois mois, la secrétaire d'État hérite de quelques dossiers sous haute tension, comme celui de la réforme de la tarification. Un chantier qui, cet été, a particulièrement mobilisé des professionnels échaudés par la mise en œuvre de la convergence tarifaire sur le budget soins. Le 8 septembre, la ministre a donc réuni les organisations afin de fixer un calendrier et une méthode de travail. Cette posture d'écoute – appréciée – et le discours – rassurant – présageraient-ils de quelques infléchissements ?
C'est ce qu'espèrent les fédérations qui restent néanmoins prudentes. Dressant un bilan des plans initiés depuis 2002, la ministre a indiqué que « l'effort sera poursuivi d'ici à 2012 pour permettre de rapprocher la France de la situation des pays scandinaves ». Un objectif dans la lignée du plan Solidarité grand âge (PSGA), voire même au-delà. Mais qui semble incompatible avec la réforme de la tarification (1) telle qu'elle est engagée depuis les lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2008 (fixation de tarifs plafonds sur les budgets soins) et 2009 (modalités de convergence pour les structures les dépassant). « Nous attendons de voir la traduction de l'ambition politique et de la volonté de concertation affichées, note Claudy Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements pour personnes âgées (Fnadepa), car il est indispensable de retrouver de la cohérence entre les engagements politiques et les moyens qui y sont consacrés. »

Convergence contre PSGA

Reprise en main politique de dossiers ultra techniques ? Nora Berra a demandé à la Direction générale de l'action sociale (DGAS) de revoir sa copie suite au tollé (2) suscité par le projet de décret organisant la tarification à la ressource dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Seule certitude : les dispositions prévoyant, pour les résidants non habilités à l'aide sociale, la libre fixation des tarifs par les gestionnaires disparaîtraient. « Dans un contexte de forfaitisation absolue, de verrouillage du tarif relatif aux soins, et à la veille de la réintroduction des médicaments dans ce dernier, on organise de toute façon le report des charges sur la section hébergement...», analyse Alain Villez, conseiller technique à l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Le dispositif sera-t-il opérationnel au 1er janvier, comme le prévoit la LFSS pour 2009 ? Ce calendrier permettra-t-il une réelle concertation ? Suspense.

Une liste non exhaustive

En attendant, toutes les inquiétudes sont focalisées sur la convergence tarifaire, qui a pris des allures concrètes dans les Ehpad. Selon la liste établie par la DGAS, finalement transmises début septembre aux organisations, plus de 700 structures dépassent les tarifs plafonds en 2009. « Seuls 3,5 % de l'ensemble des établissements (soit moins de 300 établissements sur les 8000) présentent un dépassement supérieur à 10 % », nuance la ministre. Ces structures seraient-elles sur-dotées ? « Alors qu'on nous assurait qu'il s'agissait d'une question d'équité et que peu d'établissements seraient concernés, beaucoup sont en convergence, alors même que leur taux d'encadrement soignant n'est pas élevé », s'alarme André Barreteau, responsable du pôle organisation sanitaire et médico-sociale de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui a mené sa propre étude sur le sujet (voir encadré). « Les établissements en convergence ne sont pas au niveau du PSGA, que va-t-on leur enlever ? », s'inquiète Claudy Jarry.

Suppressions d'emplois

Les conséquences pour les structures sont loin d'être neutres : leur dotation d'assurance maladie a progressé de 0,5 % cette année. « Soit moins que l'inflation et la masse salariale. Le PSGA et le processus de médicalisation sont battus en brèche », dénonce Emmanuel Sys, président de la Conférence nationale des directeurs d'Ehpad. Analyse largement partagée par un secteur qui craint des suppressions d'emploi et la précarisation de l'emploi soignant. « Faute de moyens suffisants, soit les établissements ne pourront pas atteindre les objectifs de qualité exigés, soit ils devront jouer sur le prix de journée. Si l'État s'entête, les Ehpad seront en grande difficulté », estime Didier Sapy, directeur de la Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées (Fnaqpa). « Cette résorption de crédits risque d'avoir des effets catastrophiques, alors qu'aucune étude d'impact n'a été réalisée », s'indigne, en outre, Alain Villez. Seule estimation chiffrée : la convergence tarifaire doit permettre de récupérer huit millions d'euros en 2009... Le jeu en vaut-il la chandelle ?

Effets pervers

Les arguments justifiant un tel mécanisme (résorption des écarts injustifiés de ressources d'assurance maladie et « optimisation » des deniers publics) semblent donc ébranlés. La liste des Ehpad concernés, qui comporte des données manquantes et erronées pointées par les organisations, met davantage en lumière les effets pervers du dispositif. La validation des coupes Pathos est un préalable pour déterminer le pathos moyen pondéré (PMP) et la dotation soins. « Mais moins de 60 % du parc est "pathossifié". Des établissements, dont la coupe n'a pas encore été validée, dépassent artificiellement les plafonds à cause de l'application du PMP standard (168). Ériger cette grille d'évaluation en outil de tarification est prématuré et dangereux vu les problèmes de cotation rencontrés », explique Alain Villez. Ce que confirme Isabelle Sarciat-Lafaurie, secrétaire nationale D3S (directeurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux) du Syncass-CFDT : « La validation des coupes n'est pas homogène selon les départements. Et certains fixent arbitrairement des plafonds de PMP ! » Les organisations s'inquiètent aussi de coupes à la baisse, justifiant des moyens... à la baisse. La FHF, avec d'autres, pointe des changements dans la cotation de certaines pathologies, comme les troubles du comportement, et dénonce un mélange des genres puisque le « coteur » (médecin de l'assurance maladie) est aussi le payeur... « Dans le cadre du conventionnement tripartite, comment négocier des objectifs si, dès le départ les moyens sont plafonnés trop bas ? La démarche qualité est annihilée », proteste Didier Sapy.

Moratoire « actif »

C'est dans ce contexte que les organisations ont été reçues, le 16 septembre, par le cabinet de Nora Berra afin d'étudier les modalités d'application de la convergence. Position marginale : celle de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (Fehap), « consciente du déficit de l'assurance maladie ». Elle demande l'instauration d'une marge de prudence de 15 % au-dessus des plafonds, afin de prendre en compte les erreurs et difficultés d'appropriation de la réforme. « En réponse au goulot d'étranglement dans le processus de médicalisation, nous demandons que la coupe Pathos estimée par l'établissement soit celle validée en l'absence de réponse dans les trois mois suivant sa transmission. Ce serait un message de confiance adressé aux directeurs », détaille Marine Darnault, directrice du secteur social et médico-social de la Fehap. Mais les autres organisations ne l'entendent pas ainsi. « Nous ne voulons pas parler des modalités d'application sans évoquer avant ses principes, ses objectifs, et le sens même de la réforme », insiste Virginie Hoareau, adjointe au responsable du pôle organisation sanitaire et médico-sociale de la FHF. « Une réforme de la tarification qui n'a jamais dit son nom, et qui n'a jamais été concertée », ajoute Maïwenn Lhostis, conseillère technique de l'Uniopss. La quasi-totalité des organisations demande donc un moratoire « actif ». « Ce n'est pas une désertion. Nous souhaitons réfléchir à la question des tarifs, des créations de places, du recrutement, de l'efficience et du management dans le secteur, afin de retrouver des principes d'action lisibles et partagés », développe-t-elle. Le secteur est à un tournant. Le projet de LFSS pour 2010 permettra-t-il d'inverser la vapeur ? À suivre.

 

(1) Lire Direction(s) n° 61, p. 4 (2) Lire Direction(s) n° 66, p. 13
Noémie Gilliotte

Près de 40 % des établissements publics concernés

La Fédération hospitalière de France (FHF) a mené sa propre étude pour appréhender l'impact de la convergence tarifaire dans son réseau. 543 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics ont répondu, représentant 66 473 lits. 38 % sont en situation de convergence cette année. Par projection de ces données, la FHF estime que 1047 Ehpad publics seraient concernés. Sur les structures en convergence répondantes, environ 62 % sont tarifées sur la base de l'outil Pathos. Et 35,3 % ont un taux d'encadrement inférieur à 0,3 soignant (aide-soignant, aide médico-psychologique et infirmier) pour un résidant. Pour 58,8 %, il est compris entre 0,3 et 0,6. Mais aucun Ehpad autonome en convergence n'a un taux supérieur à 0,6 et seuls 6 % des structures rattachées le déclarent au-dessus de ce niveau. En outre, l'étude du groupe iso ressource moyen pondéré (GMP) et du pathos moyen pondéré (PMP) met en exergue des charges en soins et des niveaux de dépendance importants.






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