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Handicap et accès aux soins et handicap
S'engager et agir

19/10/2016

Lancée en 2014, la charte Romain Jacob est signée aujourd’hui par plus de 2 500 acteurs. Elle fixe une ligne de conduite commune pour améliorer l’accès aux soins des personnes en situation de handicap. Objectif ? Créer une impulsion et mettre tous les professionnels d’un territoire en mouvement.

Lancée en 2006, l’unité mobile du Réseau SBDH-RA, en Rhône-Alpes, a signé la charte en novembre 2014. Ce cabinet dentaire itinérant se rend dans les établissements.

« Unis pour l’accès à la santé des personnes en situation de handicap ». C’est l’intitulé de la charte Romain Jacob [1], qui a vocation à être affichée dans toutes les structures médico-sociales, les hôpitaux voire les cabinets médicaux. Rédigé en juin 2014 par des professionnels de santé et du médico-social de l’Ile de la Réunion, alors réunis sur le thème de l'accès aux soins des personnes handicapées, ce texte pose douze engagements en la matière. Définie par Pascal Jacob, président de l’association Handidactique, auteur de nombreux travaux sur le sujet [2], comme « une partition commune » à tous, la charte doit entraîner une prise de conscience de l’ampleur du chantier. « Contrairement à la population ordinaire, les personnes handicapées échappent aux dispositifs de dépistage, explique Christian Berthuy, directeur général de la Fondation OVE. Il faut changer les mentalités pour que dans les établissements médico-sociaux, on se préoccupe, au-delà de la question du handicap, de la santé des usagers. Il faut aussi former les soignants pour qu’ils acceptent de prendre en charge ce public dont l’avancée en âge engendre des maladies chroniques aux conséquences souvent plus sévères. » La charte n’imposant pas de dispositifs précis, l’enjeu maintenant est la traduction pratique de ces engagements.

Un outil du consensus

En un peu plus de deux ans, on compte plus de 2500 signataires (personnes physiques, organisations…), à l'instar de la quasi-totalité des agences régionales de santé (ARS) ainsi que les grandes fédérations nationales [3]. François Hollande l’a également ratifiée lors de la Conférence nationale du handicap du 19 mai dernier. L’ambition du texte ? Fédérer l’ensemble des acteurs de la santé et du champ du handicap pour lever les freins à l’accès aux soins et déployer un accompagnement spécifique. « Il a l’intérêt d’embrasser tous les acteurs. C’est un bel outil de consensus », souligne Céline Poulet, déléguée nationale Handicap à la Croix-Rouge française, signataire en avril 2016. D’autant qu’il s’inscrit dans un mouvement plus global de décloisonnement et de promotion du parcours sans rupture. « La charte est arrivée dans un environnement propice à son appropriation et à sa diffusion », relève ainsi Muriel Vidalenc-Le Jeune, directrice générale de la fédération d’associations gestionnaires Fegapei.

Ses grands principes ? Que la personne accompagnée gagne en autonomie et puisse exprimer ses besoins, construire une culture commune aux professionnels des champs sanitaire et médico-social, coordonner et fluidifier les parcours à travers des outils de transmission d’information, organiser l’accès à la prévention, adapter l’hospitalisation et le recours aux urgences. En effet, face aux besoins criants : manque de formation de soignants, d’accessibilité des locaux et du matériel médical, retard de diagnostic…, comment faire descendre ses lignes directrices au niveau opérationnel ?

Opération communication

D’abord en mobilisant les troupes. Dans les territoires, la signature donne systématiquement lieu à une grand-messe. À la manœuvre, les ARS réunissent une cinquantaine d’acteurs (associations, hôpitaux, universités, médecins libéraux, collectivités…), souvent pour la première fois, afin de débattre des difficultés de cet accès aux soins et des moyens d’y remédier. Au centre de la cérémonie, Pascal Jacob marque les esprits. Ce militant chevronné [4], père de deux enfants handicapés – dont Romain, décédé peu après l’écriture de la charte –, sillonne la France pour faire la promotion du texte. « Il a une capacité à soulever l’enthousiasme et le don de toucher les gens. À lui tout seul, il aura fait gagner 20 ans au secteur sur ce sujet », s’enthousiasme Dominique Wiart, directeur général des Papillons blancs de Dunkerque, signataire en juin 2015. Un charisme très mobilisateur pour mettre en mouvement les professionnels. « La signature est un moment déclencheur : ce temps permet de créer un lien entre tous les acteurs et d’installer le dialogue », se félicite Christian Berthuy.

Un fil co,ducteur

Reste que la charte n’a aucun caractère contraignant. C’est donc aux acteurs de se l’approprier. À l’instar des fédérations qui s’en sont servies pour lancer des chantiers dans leurs réseaux. « Nous avons pris chaque article pour identifier ce que nous mettions en place », explique Christophe Douesneau, directeur du développement et de l'offre de service à l'Association des paralysés de France (APF). Parmi les thèmes retenus ? L’accueil aux urgences, l’hospitalisation à domicile ou encore l’accès aux soins ordinaires, qui nourriront un plan d’actions attendu pour la fin de l’année. De même à la Croix-Rouge où la charte sert de « fil conducteur pour engager des initiatives », explique Céline Poulet. Après enquête auprès de ses établissements, l'organisation prépare aussi un plan d’actions visant à réduire les délais d’obtention de rendez-vous, en particulier chez les spécialistes.

Sur le terrain, la signature a d’abord donné de la visibilité aux actions menées, comme le plateau médical mis en place depuis quatre ans par l’Association de parents d'enfants inadaptés (APEI) de l’Aube pour prendre en charge des parcours de santé de l’ensemble de ses 23 établissements (1260 usagers). « Nous nous sommes ensuite appuyés sur la charte pour reprendre contact avec les services des urgences », illustre Jean-Luc Messager, président de l’association.

La charte sert aussi de levier pour lancer de nouvelles initiatives. Dans le Nord, une convention de coopération qui en reprend plusieurs éléments, a été signée le 21 septembre dernier entre trois hôpitaux publics et cinq associations gestionnaires d’établissements médico-sociaux, dont les Papillons blancs de Dunkerque. Désormais, l’admission de leurs usagers à l’hôpital devra donner lieu à un contact préalable entre la structure et le service hospitalier, et à la rédaction d’une fiche médicale partagée.

Quelle évaluation ?

Issue du terrain, cette charte a donc poussé les pouvoirs publics à s’emparer du sujet. Les ARS jouant un rôle moteur tant dans son déploiement que dans son suivi. Certaines, comme celle des Pays de la Loire, ont décliné des plans d’actions régionaux ; en Auvergne Rhône-Alpes, un programme de dépistage des cancers du sein et colorectal fait l’objet d’une convention entre l’agence et trois gestionnaires (APF, Urapei et OVE). Signataire dès février 2015 l’ex-ARS Champagne-Ardenne (aujourd'hui Grand-Est) a rapidement réalisé un bilan de la mise en œuvre de la charte, sur la base d’un questionnaire adressé aux acteurs du territoire. On y trouve un état des lieux des actions d’ores et déjà engagées (comme les bilans de santé annuels organisés dans sept structures médico-sociales sur dix) et des axes de travail prioritaires. Exemple ? Inciter les établissements à établir un relevé des besoins spécifiques de la personne (médicaments, communication, conduite à tenir…). D’autres ARS se lanceront-elles dans cette démarche ? Oui, espère Pascal Jacob qui précise que plusieurs d'entre elles ont repris le questionnaire.

Inscrite dans la charte, l’obligation d’évaluer son application doit en effet lui permettre de « gagner en opposabilité », insiste David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF). Qui voit dans les groupements hospitaliers de territoires (GHT) [5], le moyen de déployer localement des actions dans tous les établissements de santé (accès des personnes handicapées aux urgences, formation des soignants, mise en place de la télémédecine…). Alors que le passage aux grandes régions éloigne encore les instances de décision du terrain, ces GHT « pourraient être un bon appui pour mettre en œuvre la coopération entre les secteurs sanitaire et médico-social et faire avancer l’accès aux soins », espère Jean-Luc Messager. Et éviter que le soufflé ne retombe ?

 

[1] À télécharger sur www.handidactique.org

[2] Dont le rapport « L’accès aux soins et à la santé des personnes handicapées », juin 2013.

[3] La Guadeloupe devait la signer le 19 octobre. L’ARS Ile-de-France est en attente d’une date pour le faire en présence du Premier ministre.

[4] Également réalisateur de plusieurs films sur le handicap « Si tu savais » (décembre 2012), « Si on voulait » (mai 2013), « N’ayez pas peur !» (septembre 2014).

Noémie Colomb

Repères

  • 30 % des personnes handicapées interrogées n’ont pas bénéficié de l’accompagnement souhaité. (Source : enquête Handidactique/Handifaction)
  • 80 % des personnes handicapées admises aux urgences repartent entre 12 et 24 heures plus tard sans avoir reçu de soins. (source : rapport Jacob, 2013)
  • En 2012, 11 % des personnes handicapées mentales interrogées déclaraient avoir renoncé à des soins. (source : Livre blanc de l'Unapei, 2013)

« Les professionnels parlent désormais le même langage »

Pascal Jacob, président de l'association Handidactique

« La charte Romain Jacob est à la fois un outil de sensibilisation et un guide de bonnes pratiques commun dans le but d’inciter les acteurs à faire plus d’humain que de technique. Les signataires s’engagent à soigner une personne handicapée comme toute autre personne valide, à mener des actions de prévention, à accepter l’accompagnement souhaité par la personne, à coordonner les soins et à écouter les aidants… Les progrès sont réels : les professionnels connaissent les difficultés des usagers, parlent désormais le même langage et sont prêts à s’entraider. Plus de 9500 personnes handicapées ont déjà répondu à notre enquête en ligne pour témoigner et, d’une certaine façon, évaluer la mise en œuvre de la charte. Nous sommes encore loin du but ! »

Publié dans le magazine Direction[s] N° 147 - novembre 2016






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