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Tribune
Inclusion scolaire : quel rôle pour le médico-social ?

04/04/2012

Les établissements médico-sociaux doivent se repositionner dans le processus d’inclusion scolaire des enfants handicapés. Il leur faut convaincre de la qualité et de l'adaptation des dispositifs, mais aussi favoriser les échanges avec l'Éducation nationale. Aux directeurs d'orchestrer ces évolutions.

Pendant longtemps, les jeunes en situation de handicap sont restés exclus du système scolaire. De nombreuses associations se sont créées pour leur proposer des enseignements adaptés au sein d’établissements médico-sociaux (EMS). Au nom du droit à l’éducation, les écoles se sont ouvertes progressivement. Les pays européens, dont la France, se sont engagés dans un processus d’intégration, puis d’inclusion scolaire au sein des écoles ordinaires. L’éducation inclusive est ainsi considérée « comme le moteur commun de la transformation radicale des écoles ordinaires pour l’accueil de tous, et, complémentairement, de la mutation des institutions spécialisées ». Et la loi du 11 février 2005 reconnaît à tout enfant handicapé le droit d’être inscrit en milieu ordinaire, dans l’école la plus proche de son domicile, ou à défaut dans un autre établissement scolaire s’il nécessite un dispositif adapté.

Si les professionnels du secteur saluent ces évolutions, ils déplorent « l’effet de bascule » en faveur de la « désinstitutionnalisation » qui prônerait, selon certains, la disparition des EMS. En réalité, le débat sur ce thème renvoie plus à une question sémantique et à des contextes européens divers, qu’à une véritable remise en cause du secteur. Dans la loi française, aucun enfant n’est « placé » en raison de son handicap. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ne sont habilitées à se prononcer sur l’orientation d’un jeune uniquement si elles sont saisies par les familles ou par les équipes enseignantes. L’avis de la MDPH ne peut s’imposer au jeune et à la famille, qui dispose de la latitude de refuser l’orientation proposée vers un EMS. Cela implique, pour les établissements, une attention particulière sur les besoins et les attentes des familles, d’autant plus qu’ils se trouvent dans une logique concurrentielle, accentuée par la démarche d’appels à projets.

Les EMS doivent donc aujourd’hui convaincre de l’adaptation et de la qualité de leurs dispositifs. Leur existence n’est donc pas remise en cause fondamentalement, mais leur rôle doit évoluer. Dans ce contexte d’inclusion scolaire et d’affirmation des droits de l’usager, comment les établissements médico-sociaux se repositionnent-ils ? L’Observatoire de la scolarisation des jeunes en situation de handicap en Midi-Pyrénées, installé en 2009 par l’association Agir, soigner, éduquer, insérer (ASEI) et le rectorat de l’Académie de Toulouse, a réalisé, en 2011, une étude sur les dispositifs de scolarisation des jeunes accueillis dans les EMS sur ce territoire. L’ambition était d’analyser l’apport de ces dispositifs et leurs limites, ainsi que de valoriser la coopération entre l’Éducation nationale et le secteur médico-social. Il en ressort des éléments d’analyse intéressants.

De nouveaux modes d’intervention

En fonction des attentes et des capacités, évolutives, des jeunes, les EMS s’adaptent et proposent toute une palette de services. Ils soutiennent l’inclusion scolaire en milieu ordinaire, par exemple avec les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), dont le nombre est en nette augmentation. La scolarité partagée représente, elle, une étape transitoire dans le parcours, soit pour les préparer à l’inclusion totale en milieu ordinaire, soit pour les amener à rejoindre une classe interne lorsque leur situation ne leur permet plus de rester sereinement en milieu ordinaire. Quant à la classe annexée, qui valorise l’inclusion grâce à des temps partagés (cantine, accueil périscolaire…) et des activités communes (en classe ou à l’occasion des sorties scolaires) entre les élèves de l’école et ceux pris en charge par l’EMS, est mis en avant par bon nombre de professionnels. Enfin, les classes internes pour des jeunes sévèrement handicapés qui ont été en échec dans le milieu ordinaire, permettent un accompagnement plus rapproché.

Favoriser un suivi transversal

Toutefois, les EMS doivent s’adapter aux parcours des enfants et adolescents. Les arrivées y sont de plus en plus tardives et le temps laissé pour parvenir à des résultats s’est considérablement réduit. Le plus grand défi réside donc dans l’équilibre des temps scolaires et des prises en charge médico-sociales, sur des périodes plus courtes. Les EMS ont intérêt à diversifier les modalités d’accueil en conservant des temps de médiation. Il faut inventer des dispositifs pour recréer du temps relationnel avec l’enfant, comme le semi-internat à temps partiel, des mini-transferts pendant les vacances, des mercredis après-midi, etc.
Enfin, il faut préparer à l’insertion sociale et à la citoyenneté. L’évolution du public accueilli amène à repenser les objectifs pour les jeunes lourdement handicapés, qui ne pourront préparer les diplômes de l’Éducation nationale, ni prétendre à une orientation professionnelle. Si la scolarisation vise en premier lieu les apprentissages, sa seconde mission est de socialiser et de préparer les jeunes à être des citoyens. Leur implication dans le suivi de leur projet est une façon de les rendre acteurs de leur parcours.

Reconfigurer les organisations

Il convient ainsi aujourd’hui d’encourager une élaboration pluridisciplinaire pour favoriser des projets individualisés qui ne soient pas seulement une addition de volets pédagogiques, thérapeutiques et éducatifs, mais qui correspondent à une prise en charge globale et concertée de chaque jeune selon ses capacités. La mise en place de procédures et de dispositifs pratiques de suivi-évaluation de ces projets reste à consolider à travers des réunions et des bilans partagés associant l’ensemble des intervenants, le jeune
et sa famille.

La coopération avec l’Éducation nationale tarde à se mettre en place. La signature des conventions d’unités d’enseignements n’est pas effective partout. Pourtant, l’ensemble des professionnels reconnaît sa nécessité. La formation des enseignants et la sensibilisation du personnel intervenant dans les écoles, avec le concours des équipes médico-sociales, sont un axe de collaboration prioritaire entre les deux secteurs. Mais l’implantation géographique des EMS, parfois éloignée des centres urbains, des écoles et des entreprises, limite les possibilités d’inclusion. S’ouvrir sur l’extérieur par des partenariats avec les entreprises et le développement de tutorats est à encourager.

L’individualisation des parcours et l’ouverture sur l’extérieur modifient la prise en charge du jeune et, du même fait, le rôle des établissements médico-sociaux, qui n’ont plus une simple fonction d’accueil. L’enfant passe de l’école à la famille, à l’EMS, aux hôpitaux à travers des prises en charge discontinues. Et donc peu structurantes pour des jeunes qui ont besoin de repères. Il faut refaire du lien et créer des espaces d’échanges entre les différents acteurs et intervenants. Les EMS se positionnent comme plates-formes de services en coordonnant les différents interventions internes et externes.

Accompagner les professionnels

Ces changements structurels amènent à repenser les missions des professionnels et leurs modes de collaboration au sein des structures et vers l’extérieur, par le développement de nouvelles compétences et le renforcement du travail pluri­disciplinaire.

Le rôle du directeur, dans ce contexte, est bien d’orchestrer les changements auprès des jeunes, des familles et des professionnels. Il s’éloigne du terrain et s’implique plus sur un plan politique et stratégique pour développer les réseaux et les partenariats mis en avant dans les processus d’inclusion. La capacité à gérer des projets et à animer des réseaux est désormais indispensable pour les directions.

De la même façon, les professionnels qui accompagnent les jeunes ont également vu leur métier se transformer. Les compétences requises évoluent en termes de suivi individualisé, rédaction de comptes rendus, animation de réunions, connaissance des dispositifs de scolarisation, etc. Il convient alors d’accompagner les personnes en poste via la formation continue, et de leur donner des outils de travail appropriés. La pluridisciplinarité des équipes, avec des cultures professionnelles radicalement différentes entre le secteur médico-social et l’Éducation nationale, et avec des priorités parfois discordantes, complique les liens. Les rythmes d’un EMS et d’une école sont très différents, du fait de la prise en charge alternée des jeunes entre les structures. Une forte demande d’échanges est néanmoins relayée entre les équipes médico-sociales et les enseignants pour un suivi individualisé. Des temps de réunions collectives réguliers les faciliteraient. De même que la mise à disposition d’outils informatiques protégés et partagés.

Les textes sur l’inclusion scolaire, l’égalité des chances et la participation des personnes handicapées ont eu des répercussions positives en encourageant le secteur, qui évoluait parfois en vase clos, à s’ouvrir vers les familles et vers l’extérieur. Si certaines associations avaient déjà initié une dynamique en ce sens, nul doute que les lois ont eu un effet d’accélérateur. Six ans après la loi de 2005, les responsables du secteur assistent à une forme de régulation et d’équilibre. L’inclusion scolaire en milieu ordinaire participe aux
mutations du secteur où la régulation de l’État se fait plus présente, notamment en période de crise économique. D’abord considéré avec appréhension, ce processus
apparaît aujourd’hui comme un nouveau défi à relever par les associations.

Domitille Duplat-Saunier (auteur de la thèse "Quel repositionnement pour les établissements médico-sociaux dans le processus d’inclusion scolaire en milieu ordinaire ?", ESC Toulouse) et Philippe Jourdy, directeur général de l'ASEI

Publié dans le magazine Direction[s] N° 95 - mai 2012






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