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Quand l'analyse de la pratique enrichit le projet d'établissement

28/02/2006

Plérin (Côtes d'Armor). A Ker Spi, c'est la révolution permanente! L'analyse de la pratique conduit les équipes à réinterroger leur savoir-faire. Un bon moyen de réaffirmer des valeurs communes.

Une fois par trimestre, qu'ils soient éducateur, aide médico-psychologique (AMP), aide-soignant ou bien encore auxiliaire de vie sociale (AVS), les membres du personnel de Ker Spi endossent une blouse de «praticien-chercheur». L'occasion de porter un autre regard sur leur travail au quotidien. Depuis 2003, un cycle d'analyse de la pratique a en effet été mis en route par l'établissement, réflexions et pistes d'action venant alimenter le projet d'établissement. Ker Spi, qui dépend de l'Association départementale des infirmes moteurs cérébraux des Côtes d'Armor (ADIMC 22), comprend un foyer d'accueil médicalisé (25 places dont 3 en appartement intégratif), et un service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS). La structure était déjà familière de cette démarche. Dès les débuts du foyer, dans les années 1990, Pierre Hérissard, qui venait de prendre son premier poste en tant que directeur, l'avait déjà initié: «A l'ouverture de l'établissement, le personnel était peu ou pas formé. Une des difficultés à laquelle j'ai été confronté a été le manque de réflexion et de recul par rapport à la pratique». Une démarche qui avait alors suscité l'intérêt et la mobilisation dans les rangs de l'établissement.

En 2003, Ker Spi fête ses dix ans. C'est aussi le moment de la crise d'adolescence pour la structure, selon l'expression du directeur. «Nous avons voulu voir où en était notre enthousiasme du départ», raconte Pierre Hérissard. Une enquête avait été menée auprès des différents partenaires (usagers, familles, salariés, administrateurs...) afin de faire le bilan et de «poser les jalons pour l'avenir». Parmi les principaux enseignements: l'existence de tensions et de clivages, notamment entre les personnels médicaux et non médicaux. «Nous partions finalement du principe que tout le monde connaissait ce qui faisait nos fondements, concernant, par exemple, le respect des personnes ou la prise en compte de leurs besoins», poursuit-il. Face à ce constat, et sur proposition des professionnels déjà convaincus et rompus à l'exercice, un nouveau cycle d'analyse de la pratique est lancé. Une démarche devant cette fois aboutir à la réécriture du projet d'établissement, en intégrant ces fondements dont l'affirmation faisait cruellement défaut. Objectif: élaborer des références communes pour l'action. L'occasion également d'intégrer les réflexions et études menées lors du précédent cycle, ainsi que les principaux résultats de l'enquête.

Comme le précédent, ce cycle d'analyse, toujours en cours, est conduit avec la collaboration d'un formateur en pratique sociale, avec lequel l'établissement passe une convention chaque année, fixant les objectifs et le nombre de séances (cf. encadré). Ces dernières se déroulent une fois par trimestre, par demi-groupe sur une demi-journée. Des formations collectives financées notamment par le budget Etudes et recherches de l'établissement.

Construire un vrai savoir

C'est un réel effort consenti par la structure, qui doit également organiser les remplacements, et par les professionnels qui peuvent être amenés à conduire des investigations sur des thématiques soulevées en séance. Parmi ces dernières, par exemple, la notion d'adulte, le rythme de la personne accueillie, la vie de couple... «C'est un moment de réflexion qui permet de prendre du recul sur sa pratique, d'apporter des points de comparaison. Nous enrichissons ainsi notre connaissance du public accueilli», résume Lionel Cron, auxiliaire de vie sociale du SAVS. C'est aussi un moment d'échange entre les équipes des différents services. «Car avec la diversification de l'établissement (appartement intégratif, SAVS), les personnels ont des finalités d'intervention différentes», explique le formateur, Pierre Coupey. «Ker Spi a été un peu mon laboratoire en la matière», s'amuse l'intervenant.

Faire confiance

La finalité de l'analyse de la pratique selon lui? «L'amélioration de la qualité et de la pertinence de l'intervention à l'égard de l'usager. En plaçant les professionnels dans des conditions favorables, avec un protocole de travail, ils peuvent construire un vrai savoir professionnel. Et le directeur a tout intérêt à le contractualiser avec son équipe.» Ainsi, à Ker Spi, tous les professionnels, accompagnants, responsables de services et paramédicaux à temps plein doivent participer à ces séances qui font partie du temps de travail.

Parallèlement, une commission-projet a été mise en place, sorte de trait d'union entre les réflexions émanant des séances d'analyse de la pratique et le projet d'établissement. Son rôle? Assurer la dynamique d'actualisation permanente de ce dernier, composé de fiches informatisées (regroupées en six catégories: conception du projet, présentation de l'établissement, fondements, cadres et supports de l'intervention, éléments de règlement et orientations). Cette instance est animée par un membre permanent fixe, le chef de service, dont le rôle est essentiel selon le formateur: «Maintenir le rythme, se porter garant de ce que la pratique dans sa dimension routinière ne submerge pas la dynamique de projet». La commission est composée, au minimum, de quatre autres membres permanents, délégués par leurs collègues (un représentant pour le foyer, un pour l'appartement intégratif, un pour le SAVS et un pour le personnel para-médical), et renouvelés par moitié tous les ans. Et pour le moment, les candidats n'ont jamais manqué! Chargée de susciter de nouvelles fiches quand cela s'avère nécessaire (chacune devant faire l'objet d'une révision au moins annuelle), la commission se réunit environ quatre fois par an. Mais ce n'est pas elle qui rédige le projet d'établissement. Chacun, en fonction de son intérêt, de ses fonctions ou de ses responsabilités peut ainsi y participer activement. Par exemple, la fiche concernant les fondements de l'association a été demandée au conseil d'administration et celle sur le budget a été réalisée par le directeur. Un groupe de travail planche actuellement sur les fiches de poste. Et le bilan est positif: «Chacun s'est approprié l'outil et contribue à son élaboration. Partir de la pratique des équipes pour construire le projet d'établissement concourt à la reconnaissance de cette même pratique. Pour moi chaque personne est responsable et doit être soutenue. Il faut faire confiance, reconnaître leurs compétences et leurs responsabilités», prône Pierre Hérissard. On est loin du projet d'établissement rédigé par le directeur isolé dans son bureau! « Notre but était que ce soit également un référentiel du quotidien», complète-t-il. C'est l'objet du chapitre «cadres et supports de l'intervention» qui aborde des questions diverses: travail en équipe, conception des lieux collectifs, activités ou information sur les pathologies.

Un projet évolutif

Le projet d'établissement n'est donc pas un document figé. «Toute sa richesse, c'est qu'il est évolutif. Toute la difficulté, c'est qu'il ne sera jamais terminé!», constate Thierry Robert, chef de service et animateur de la commission projet. C'était bien là l'objectif du formateur! «Je me bats pour que ce projet d'établissement ne soit pas un document écrit une fois pour toutes, figeant la démarche», explique-t-il. Le système d'utilisation informatique du projet d'établissement est en cours de finalisation. L'objectif est qu'un poste informatique lui soit spécifiquement consacré afin que chacun puisse accéder plus facilement à ce «référentiel pour l'intervention». Autre chantier pour 2006: établir le lien, en collaboration avec le Centre régional pour l'enfance et l'adolescence inadaptée (CREAI) de Bretagne, avec la démarche qualité et l'auto-évaluation. A suivre...

Noémie Gilliotte

Chiffres clés

Ker Spi: 1 association, l'ADIMC 22

1 foyer d'accueil médicalisé (25 places dont 3 en appartement intégratif depuis 1998)

1 service d'accompagnement à la vie sociale (8 «locataires»), ouvert en 2002

33 usagers

33 salariés équivalents temps plein (ETP), hors contrats aidés, dont 1 directeur, 1 chef de service... Budget 2005 : 1,9 millions € (2,1 millions demandés pour 2006)

1 commission-projet composée de 7 professionnels, 1 projet d'établissement comportant à ce jour 48 fiches informatisées

Trophée Direction(s)

Cette initiative a reçu le prix «Mobilisation des ressources humaines» dans la catégorie « Management» lors du premier trophée Direction(s), remis le 17 novembre 2005 à l'Hôtel de Ville de Paris.

L'analyse de la pratique

Concrètement, l'analyse de la pratique se déroule lors de séances de travail de quelques heures, toutes les cinq à six semaines environ. Pour Pierre Coupey, formateur en pratique sociale, le protocole est précis:

«Un des professionnels raconte devant le groupe une situation récente représentative des questions auxquelles il est confronté de façon récurrente.Puis les participants posent des questions, qui sont recensées, et auxquelles le professionnel répond ensuite. Elles servent ainsi de support au développement de sa réflexion. Puis, les participants prennent des notes et préparent leurs commentaires: ce qu'ils veulent en dire, ce qui les marque, ce à quoi ils l'associent... Les pistes pour l'action sont évoquées en toute fin de séance.»

Les règles du jeu sont claires: régularité dans le temps et protocole garantissant la liberté de parole.

Contact

Foyer Ker Spi: 0296792479

www.kerspi.com





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