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Reportage
Évaluation interne : un défi relevé à 16

06/01/2010

Paris. 16 établissements et services d’aide par le travail se sont associés pour mettre en œuvre une démarche commune d’évaluation interne. Qui préserve toutefois les spécificités de chacun.

Menuisiers, couturières, potiers, peintres... Dans les ateliers de l'établissement et service d'aide par le travail (Esat) de Ménilmontant dans le 20e arrondissement de Paris, près de 150 personnes, présentant un handicap mental léger ou moyen, s'affairent à la fabrication de coussins, de tables basses, de vases, de lampes et de foulards. Des produits artisanaux, vendus sur les marchés de Noël ou dans la boutique de l'établissement. Installé au cœur d'un quartier populaire de la capitale, il fait partie des 16 Esat qui ont décidé de se lancer ensemble dans une démarche d'évaluation interne de leurs activités et de la qualité de leurs prestations, récompensée par le prix « Mise en œuvre d'une démarche évaluative et amélioration des prestations attendues » décerné par Direction(s). « C'est un véritable casse-tête pour des structures ne possédant généralement pas les ressources nécessaires, en termes de temps, de budget et de compétences, pour mener à bien un tel projet », constate Viviane Condat, directrice générale de l'établissement. Au sein de l'Association des directeurs de centres d'aide par le travail de Paris (ADCP), dont elle est vice-présidente, la question était récurrente. D'où l'idée qui a germé, en 2007, à l'occasion d'une réunion de l'ADCP, de se lancer dans l'aventure à plusieurs. 16 des 34 établissements parisiens se déclarent partants. Dans la foulée, un comité de pilotage est mis en place. Sa première mission : étudier les différentes méthodes d'évaluation interne pour déterminer la plus adaptée. « En octobre 2007, notre choix s'est finalement porté sur la méthode Equalis AB, fondée sur une réflexion participative impliquant l'ensemble des salariés », se rappelle Viviane Condat, qui a dû convaincre certains responsables que cette option, quoique complexe et impliquant de faire appel à un consultant, serait la plus efficace. « Une démarche d'évaluation est vraiment réussie si elle est intégrée au cœur des pratiques, au quotidien », assure cette titulaire d'un master spécialisé en management des structures sociales qui, avant de prendre la tête des établissements de Ménilmontant, a été consultante formatrice en démarche d'évaluation interne et en qualité d'organisation.

Une démarche cofinancée

Deuxième étape, et pas la moindre : obtenir le financement de l'opération. « Les sommes nécessaires auraient pu être prélevées sur les budgets de nos plans de formation. Mais, dans cette hypothèse, il aurait été difficile de motiver nos salariés et de les convaincre de s'approprier la méthode s'il avait fallu leur expliquer, au préalable, qu'ils devaient faire une croix sur tout ou partie de leurs demandes de formation », analyse Viviane Condat. Chaque établissement a donc envoyé une demande identique de financement à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) de Paris. Création d'une dynamique commune, diffusion de bonnes pratiques, échanges entre les professionnels des différents établissements : autant d'arguments qui ont sans doute convaincu l'autorité de tutelle de verser 1500 euros à chacun d'entre eux, soit 24 000 euros au total. Un budget suffisamment conséquent pour se faire accompagner par un consultant spécialisé du centre de formation montpelliérain Actif qui a justement développé Equalis AB. Une méthode élaborée pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux, et en particulier les Esat, qui présente l'avantage d'être globale.

À chaque Esat son organisation

C'est le 20 juin 2008 que se tient le séminaire de présentation de la méthode aux 16 comités de pilotage qui comptent, en moyenne, quatre représentants de l'État. Il sera rapidement suivi d'une journée d'accompagnement dans chaque Esat, pour initier le début des travaux. « Ensuite, le comité de pilotage s'est réuni tous les deux mois, pour faire le point sur l'avancement des uns et des autres, maintenir la motivation, raconte Viviane Condat. Mais il s'agissait aussi de tenir le rôle d'une plate-forme de ressources, pour que personne ne soit bloqué par les difficultés. » Ce qui n'excluait pas, entre ces réunions, des échanges plus informels entre les responsables d'établissements et le consultant, par téléphone et par courriels. Début 2009, un nouveau séminaire permet de réaliser un bilan d'étape. Le prochain, qui se déroulera en juin 2010, sera consacré à la rédaction du rapport d'évaluation interne.
Si la démarche est collective, chaque Esat s'est organisé en fonction de ses impératifs et de son mode de fonctionnement. À l'Esat de Bastille, qui compte 125 personnes souffrant de troubles psychiques, les usagers ont activement participé à la démarche. « Nous les avons associés à l'élaboration de chaque référentiel. Cette implication a nécessité de nous adapter à leur demande en trouvant un langage commun, compréhensible par tous, loin du jargon médico-social. Les salariés ont ainsi émis le souhait de se réapproprier leur projet professionnel », indique Pierre Dromard, directeur de l'établissement. À l'Esat de la Banque de France, situé au sein de l'établissement bancaire, qui compte 22 personnes handicapées souffrant de déficiences intellectuelles et six salariés, toute la difficulté a été de libérer du temps pour participer aux groupes de travail. « La démarche a un coût caché non négligeable, relève Daniel Yvert, directeur de l'établissement, le temps consacré aux différentes réunions durant lesquelles les ateliers ne fonctionnent pas. Deux de nos éducateurs ont participé aux réunions et ont restitué le contenu des débats à leurs collègues. » Sans compter les heures perdues à ne pas rechercher de nouvelles activités pour les travailleurs handicapés, en l'occurrence des travaux de bureaux (archivage, envois de courriers, classement, saisie) auprès des différents services de la banque. À l'Esat Maurice Pillod, en revanche, l'évaluation reprendra au second trimestre. « Pour l'instant, nous n'avons pas commencé, reconnaît Béatrice Ansellem, directrice de l'établissement. La démarche est complexe à mettre en place. Nous devons y réfléchir. »

Les usagers au cœur du projet

Toutefois, pour ceux qui ont franchi le pas, les premiers effets sont déjà visibles, autant pour le personnel que pour les salariés. « Notre quotidien, c'est d'abord l'action, constate Olivier Oet, moniteur principal des ateliers d'art plastique de l'Esat de Ménilmontant. Cette réflexion sur nos pratiques nous a permis de prendre du recul et de nous réinterroger sur notre mode d'accompagnement. » Premier changement concret, la mise en place du projet personnalisé dont bénéficie chaque travailleur. Présenté sous la forme d'un document écrit, il permet de formaliser les objectifs annuels des usagers, d'identifier les moyens de les atteindre et de s'assurer qu'ils l'ont été. Tous les membres de l'équipe sont impliqués et s'engagent, tout comme le travailleur concerné, en le signant. Par ailleurs, des référentiels métiers ont été élaborés. Objectif : lister pour chaque métier, qu'il s'agisse de la menuiserie, de la couture ou encore de la poterie, l'ensemble des tâches effectuées, depuis le bon de commande jusqu'à la livraison.
À l'Esat de Bastille, salariés et usagers préparent la réécriture du projet d'établissement. Avec plusieurs points positifs pour Pierre Dromard : « Tout d'abord, elle a permis de faire tomber les barrières. Quel que soit le handicap des publics accueillis, nous pouvons désormais parler d'une même voix auprès des organismes financeurs et des pouvoirs publics. Nous avons aujourd'hui plus de visibilité. ».

Les Esat parisiens : 01 40 52 81 10
Jean-Marc Engelhard

En chiffres

Les 16 Esat :

- 450 travailleurs handicapés

- 640 salariés
- 16 directeurs d'établissement
« Les salariés sont davantage acteurs de leur projet »

Éric Chaumont, moniteur principal de l'atelier menuiserie, conditionnement et souvenirs de Paris

« La mise en place du projet personnalisé a vraiment changé la donne. Auparavant, il y avait déjà une réflexion sur le parcours et les évolutions envisageables des usagers. Mais ce projet co-élaboré, qui permet de confronter le ressenti du salarié et celui des encadrants, est d'abord un prétexte à la rencontre et à l'échange. L'élaboration d'un document écrit unique, utilisé par tous les membres de l'équipe, qu'il s'agisse des moniteurs, du conseiller en économie sociale et familiale ou du psychologue, rend l'accompagnement beaucoup plus interactif. La formalisation des objectifs permet également, en cours d'année, de s'assurer qu'il n'y a pas de dérive trop importante, et également de responsabiliser les travailleurs, en leur rappelant les engagements qu'ils ont pris. La plupart d'entre eux ont aujourd'hui des projets beaucoup plus précis ».






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