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12e Trophée - Mention Participation des usagers
Deux services répondent aux questions des parents

04/04/2017

Rennes. L’association Ar Roc’h a créé Allo parlons d’enfants, une ligne d’écoute anonyme pour répondre aux proches, mais aussi aux professionnels, confrontés aux problèmes de comportement d’un enfant. Puis, en 2014, elle est allée plus loin et a mis sur pied un service de développement des savoir-faire parentaux.

Au téléphone, Élise Lainé, psychologue auprès de l'association Ar Roc'h, écoute et rassure une maman dont le fils adolescent vient de sortir de garde à vue. Un peu plus tôt dans la matinée, elle a répondu à une femme préoccupée par sa fille, déscolarisée, qui souffre de troubles de l'alimentation. Ces deux mères ont appelé Allo parlons d'enfants (APE), un numéro anonyme non surtaxé, où tout parent mais aussi tout professionnel peut poser une question au sujet d'un enfant. Ce dispositif a été créé en 2009 par l'association Ar Roc'h, gestionnaire de sept établissements médico-sociaux pour enfants en situation de handicap, en Ille-et-Vilaine.

« À la suite d'un reportage télévisé sur nos structures, nous avons reçu une centaine d'appels de parents qui cherchaient un lieu d'écoute et des réponses éducatives », retrace Vincent Mousset, directeur de l’institut médico-éducatif (IME) Le 3 Mâts et du pôle Parentalité. Un comité de pilotage réfléchit alors à un service d'écoute pour tous. APE s'installe dans le sous-sol réaménagé de l'internat d'un des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) d'Ar Roc'h. Ouvert en semaine, l'après-midi et en soirée, et plus largement le mercredi, la ligne est tenue par une dizaine d'écoutants : des salariés recrutés exprès, des professionnels des structures dont le planning a été aménagé et des bénévoles. Ils utilisent une base de données de 1000 références pour orienter les appelants vers un service adapté.

L'anonymat facilite la parole

Allo parlons d'enfants reçoit environ 1000 appels par an, d'une durée moyenne de 45 minutes. Il est souvent question de développement de l'enfant et de dépistage d'éventuels troubles. Mais la majorité viennent de mamans d'adolescents, seules à les éduquer. L'anonymat facilite la liberté de parole. « Au téléphone, contrairement à un entretien d'aide classique, il faut tout de suite tisser la confiance, pour accompagner la problématique que la personne dépose directement », explique Vincent Mousset.

Les professionnels écoutent et rassurent. « L'appelant est entendu et reconnu dans ses difficultés, détaille Pascal Augeard, écoutant APE et éducateur spécialisé de formation. Exposer son problème lui permet de mieux le comprendre. » Il s'agit aussi de libérer les émotions de la personne « pour qu'elle puisse ensuite mieux réfléchir », souligne Élise Lainé. Et de l'appuyer dans ses choix.

Valoriser le parent bénéficie à l'enfant

Forte de cette expérience d'accompagnement téléphonique, Ar Roc'h a souhaité repenser son soutien aux parents des enfants qu'elle accueille. Certains subissaient un quotidien familial lourd et culpabilisaient que leur fils ou fille progresse davantage en institution. « On sait que ces enfants mettent à mal la parentalité, entraînant parfois leurs parents dans une espèce d'exclusion, remarque Lionel Deniau, directeur général d'Ar Roc'h. L'expérience a montré que le contact direct avec les parents, quelles que soient les compétences qu'on leur reconnaît, est très riche. Quand on les valorise, le rapport à leur enfant en bénéficie. » [1]

En 2014 naît le service de développement des savoir-faire parentaux (SDSFP), qui vient remplacer l'intervention systématique d'assistantes sociales d'Ar Roc'h dans les familles. « Nous avons longtemps été formés à pointer ce qui dysfonctionnait ou à juger les parents pas suffisamment capables, déplore Hervé Clech, coordinateur du pôle Parentalité (SDSFP et APE). Nous voulions désormais identifier leur potentiel. » Le service, présenté aux parents à chaque rentrée, accompagne 20 % des familles, sur leur demande. Transversal à tous les établissements de l'association, il permet aussi de faire tiers, si nécessaire, entre une famille et une équipe éducative.

Les trois professionnels du service accompagnent un membre ou toute la famille, à la carte, souvent au domicile. « Le SDSFP est un espace d'écoute et d'échange, non jugeant, pour repenser les liens parents-enfants », résume Pascal Augeard, également intervenant au SDSFP. L'équipe n'est ni gendarme ni magicien : « Nous ne les évaluons pas et nous ne leur imposons pas d'outils », poursuit-il.

Jeux de société et génogrammes

Cet après-midi, Élise Lainé et Pascal Augeard reçoivent une famille autour d'un jeu de société : « On utilise parfois des jeux coopératifs pour travailler sur les émotions ou des activités manuelles pour que les parents nous voient entrer en relation avec leurs enfants. C'est plus concret qu'un discours et cela leur permet d'expérimenter quelque chose qui change de leurs habitudes. » Le but est de recréer des liens dans une famille qui reprend du plaisir à être réunie.

L'équipe propose aussi des outils de la thérapie familiale systémique comme le génogramme, qui permet à la famille d’identifier les étapes heureuses de son histoire. « On peut aussi les inviter à lister les bons moments qu'ils passent ensemble ». Mathilde [1] L., dont le fils de 11 ans est en Itep, a trouvé dans le SDSFP un soutien psychologique : « Leur approche est simple et adaptée à chacun : je les vois en individuel pour parler, mon mari préfère un accompagnement plus ludique autour des jeux. On a fait des ateliers de loisirs créatifs avec une autre famille. Ils m'écoutent et me déculpabilisent, alors que je n'ose plus parler aux parents "ordinaires", qui ne comprennent pas mes difficultés. »

Communiquer encore

À son lancement, le SDSFD a généré certaines craintes dans les établissements : les professionnels redoutaient d'être dessaisis du travail avec les parents. Vincent Mousset s'est donc déplacé dans chaque structure pour expliquer le protocole d'intervention du service et le soutien que celui-ci pouvait apporter aux équipes. Il a aussi proposé à ceux qui le souhaitaient de devenir écoutants pour APE. « Pour fédérer les écoutants, nous organisons une réunion mensuelle de coordination et de l'analyse de pratique », explique-t-il.

Le directeur a donc passé beaucoup de temps à communiquer. D'abord, pour se légitimer auprès des autres acteurs de l'accompagnement à la parentalité : « Nous venions du médico-social et nous proposions un dispositif de droit commun : nous avons mis du temps à nous faire accepter », relate Vincent Mousset. Puis, pour réussir à toucher les professionnels de l’enfance et de la santé qui n’ont pas de lieu pour s’exprimer sur leurs difficultés ou qui n’osent pas en parler en équipe. « Il nous appartient de communiquer davantage via les partenaires institutionnels et notamment l’Éducation nationale, détaille Vincent Mousset. Il nous faut aussi convaincre les décideurs des différentes institutions de l’intérêt du service pour qu’ils diffusent l’information. » Et ainsi faire connaître la ligne d'écoute au grand public. « Un membre du conseil d'administration nous a aidés à monter un plan de communication : distribution de plaquettes, articles dans les journaux, habillage visuel de nos véhicules, réalisation d'un film. Passer à la télé a été le plus efficace. »

Le financement d'APE en dépend. Car si le SDFSD vit sur le budget global de l'association, la ligne d'écoute repose sur les fonds propres associatifs et le cumul de petits financements ponctuels : mécénat d'entreprise ou du Rotary Club, crowfunding, dons et legs sur le fonds de dotation « Éducation et Parentalité ». L'idée est de vendre le service à l'extérieur. « Une mutuelle nous verse une cotisation annuelle pour que ses professionnels puissent appeler la ligne et s'exprimer de manière anonyme, détaille Vincent Mousset. Nous intervenons aussi auprès d'un bailleur social pour la gestion des problématiques des familles logées. Grâce à une convention, l'Association d'aide et de soutien aux personnes handicapées mentales et à leur familles (Adapei) propose à ses résidents devenus parents d'appeler APE. » Mais l'équipe aimerait un financement pérenne de l'agence régionale de santé (ARS), afin d'élargir ses créneaux et se développer géographiquement. « Il faut que nos financeurs apprennent à subventionner la prévention », espère Lionel Deniau.

 

[1] Lire dans ce numéro p. 40

[2] Prénom d'emprunt.

Iris Briand. Photos : Brieg Naël

« On veut développer l'entraide entre parents »

Élise Lainé, psychologue, écoutante à APE et intervenante au SDSFP d'Ar Roc'h

« Le SDSFP souhaite développer les temps collectifs entre les familles, autour d'activités ou de jeux. Nous croyons beaucoup dans la pair-aidance, car les parents sortent de leur isolement et sont valorisés lorsqu'ils s'apportent mutuellement des solutions. Leur faire des conférences sur ce qu'il faut faire et ne pas faire nous semble inefficace. En revanche, que des parents et des enfants s'échangent des conseils résonne différemment. Les familles s'aperçoivent qu'il y a plusieurs façons de bien faire les choses. Qu'il n'y a pas ceux qui savent et les autres. Ensuite, en entretien individuel, on s'appuie sur leurs idées. On n'indique pas à une famille ce qu'elle doit faire, mais on peut lui dire : je connais des familles qui ont essayé telle ou telle astuce. Du temps est nécessaire avant de mettre ces échanges en place. Il faut d'abord connaître les familles, pour bien les associer, puis faire coïncider leurs agendas et les secteurs géographiques. Mais cela vaut la peine. »

 

En chiffres

  • Équipe de l'association Ar Roc'h : 150 professionnels, dont Allo parlons d'enfants (APE) : 2,5 équivalents temps plein (ETP) répartis sur une dizaine d'écoutants et le service de développement des savoir-faire parentaux (SDSFP) : 2,3 ETP.
  • 6000 appels à APE depuis 2009, dont 10 % de professionnels (médecins, enseignants, assistantes maternelles).
  • Une trentaine de familles accompagnées par SDSFP depuis 2014.
  • Budgets annuels de fonctionnement : 100 000 euros pour APE et 130 000 euros pour SDSFP.

Contact

Allo parlons d'enfants : 02 99 55 22 22

Publié dans le magazine Direction[s] N° 152 - avril 2017

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© Brieg Naël

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