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« Une nouvelle période d’incertitudes s’est ouverte »

27/05/2020

Comment les établissements et services sociaux et médico-sociaux ont-ils négocié le tournant du déconfinement ? Le point avec Jérôme Voiturier, directeur général de l’Uniopss.

Quels enseignements tirez-vous des premiers jours qui ont suivi le 11 mai ?

Jérôme Voiturier : Jusque-là, les établissements et services faisaient face à une situation certes difficile, mais plus sécurisante en quelque sorte. Depuis, même si la première semaine a été globalement positive, une période d’incertitudes s’est ouverte. La multiplication des messages gouvernementaux, pas toujours très clairs, ne masque pas l’absence de réponses à des enjeux essentiels pour les équipes. En matière de gestion des malades par exemple, dont la mise à l’écart dans le champ « Accueil Hébergement Insertion » (AHI) par exemple revient à tenter de pousser les murs de structures déjà bien remplies. Des craintes légitimes persistent aussi quant à la distribution des équipements de protection individuelle (EPI) dans des structures qui, par définition, accueillent des publics fragiles : même si le sujet est moins prégnant aujourd’hui, la distribution n’est toujours pas optimale. C’est pourtant un problème au moment où les structures retrouvent une masse critique de personnes susceptibles d’entrer et de sortir (retours de résidents, professionnels extérieurs, familles…), autre source de complexité.

Pour cela, ont-elles pu compter sur des effectifs au complet ?  

J. V. Au contraire. Elles ont, en moyenne, dû redémarrer avec 30 % à 50 % d’effectifs en moins, compte tenu du nombre de personnels malades ou en retrait. Cela a conduit les gestionnaires à recourir à de nombreux CDD et intérimaires, ce qui, on l’a vu, n’a pas manqué de poser des questions sur les contours de la responsabilité employeur (1). Au-delà, les témoignages attestent de l’épuisement physique et psychique de ceux restés en poste qui devront, selon toute probabilité, également faire face à un été caniculaire avec tout l’investissement que cela requiert… Il est donc urgent de déployer des solutions de répit pour ces professionnels amenés eux aussi à jongler avec leurs contraintes familiales. Autant d’éléments qui n’ont pas facilité le pilotage des organisations par des directions, dont il faut saluer l’implication.

Au-delà de ces enjeux transversaux, des contraintes spécifiques pèsent-elles sur chaque champ ?

J. V. Absolument, elles sont fonction des typologies de publics. Comment, par exemple, faire respecter les gestes barrières dans une structure pour personnes handicapées psychiques?  Et que dire de la protection de l’enfance où, si la reprise de la scolarisation est un enjeu majeur, les équipes doivent trouver un équilibre entre priorités sanitaire et éducative : la première ne doit pas se faire au détriment de la deuxième, qui reste compliquée à mettre en œuvre quand les enfants doivent rester séparés. Même chose dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), où l’organisation de la vie sociale, cruciale pour éviter le syndrome de glissement, peut se heurter à l’impossibilité de réunir plus de 10 résidents à la fois.

Quels sont les premiers résultats de votre enquête objectivant les surcouts supportés par les gestionnaires ?

J. V. Ils confirment que tous les champs sont concernés. Ces dépenses supplémentaires sont dues à l’achat de matériels (produits d’hygiène, EPI, housses mortuaires, informatique…), au renfort RH (CDD ou intérim) ou encore au surplus d’alimentation ou de frais de gardiennage des établissements contraints de fonctionner 24 heures/24 pendant cette période. Sans compter les pertes enregistrées par les structures financées à l’acte (services d’aide à domicile, Ehpad, établissements et services d'aide par le travail – Esat...). C’est pourquoi, le déblocage d’un fonds national de solidarité s’imposera, sitôt les besoins plus finement estimés. Le sujet ne peut attendre, car c’est la pérennité même de certains qui est en jeu. De premières estimations font état de plusieurs centaines de millions d’euros pour le seul domicile ! Dans l’immédiat, dès la mi-mai, nous avons interpellé le Premier ministre pour réclamer une sécurisation financière des établissements, car l’enjeu est bien interministériel. C’est d’ailleurs l’une des premières leçons à retenir de cette crise : la politique en silo a fait son temps, il faut miser sur l’intersectoriel en particulier sur les territoires.

Quel regard portez-vous sur les dernières semaines de coopération menée avec l’Etat ?

J. V. La crise a demandé à tout le monde beaucoup plus de réactivité, c’est certain. Chaque semaine jusqu’à 3 à 4 réunions avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) permettent de faire le point sur la situation, souvent dans l’urgence. Mais le contexte requiert aussi plus de confiance avec les pouvoirs publics. On a d’ailleurs le sentiment qu’ils ont redécouvert, à cette occasion, l’intérêt des corps intermédiaires en général, et des associations en particulier. A l’issue, il nous faudra tirer un bilan à froid de ces nouvelles modalités de partenariat et d’échanges pour capitaliser au bénéfice du « monde d’après ».

(1) sur le sujet, des précisions ont été apportées par la Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire n ° 2020-546 du 11 mai 2020

Propos recueillis par Gladys Lepasteur






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