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Harcèlement moral
De la méthode de gestion au harcèlement moral

10/03/2010

Pour la première fois, la Cour de cassation admet que certaines méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral.

Cour de cassation, chambre sociale, 10 novembre 2009, n° 07-45.321

« Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Cour de cassation, chambre sociale, 10 novembre 2009, n° 08-41.497

« Le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; (...) que la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié. »

L'analyse. Depuis 2002, le harcèlement moral est interdit par le Code du travail. La loi n'a pas défini le harcèlement lui-même, mais seulement ses conséquences : ce qui est prohibé c'est de faire subir à un salarié « des agissements répétés de harcèlement moral » (1). Pour constituer l'infraction, deux éléments doivent être réunis : la répétition des agissements et les effets entraînés par ceux-ci. Quant aux actes eux-mêmes, ce sont les juges qui précisent, au fil des arrêts, ceux qui relèvent du harcèlement. Le 10 novembre 2009, dans deux affaires distinctes, la Cour de cassation a admis que les méthodes managériales de l'employeur pouvaient caractériser un harcèlement moral.

Infraction avérée

Dans la première affaire, le directeur d'une association de colonies de vacances et œuvres de plein air soumettait les salariés à des méthodes de management particulières : pression continuelle, reproches incessants, ordres et contre-ordres dans l'intention de diviser l'équipe, absence de dialogue. L'ensemble de ces agissements se traduisent, pour l'un des salariés occupant les fonctions d'agent d'entretien, gardien de l'établissement et chauffeur, par une mise à l'écart et un mépris affiché à son égard. Cela entraîne chez lui un état très dépressif et conduit le médecin du travail à le déclarer médicalement inapte. Ce salarié est ensuite licencié en raison de cette inaptitude.

Pour la Cour de cassation, les « méthodes de management » mises en œuvre par ce directeur constituent les « agissements répétés » requis par la loi et comme il est constaté qu'ils ont porté atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altéré sa santé, le harcèlement moral est bien caractérisé.

Intention

Dans la deuxième affaire, les juges de la haute cour ont apporté une autre précision intéressante : dès lors que sont réunis les agissements répétés et les conséquences dommageables à l'égard d'un salarié déterminé, le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur. Dans ce litige, la directrice d'une agence bancaire, estimant avoir été victime d'un harcèlement moral, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle invoquait diverses humiliations et brimades constituées notamment par le déménagement brutal et inopiné de son bureau au sein de l'agence, ainsi que par une rétrogradation vexatoire.

En revanche, il n'y a pas de harcèlement moral caractérisé lorsque l'employeur prend la décision de retrograder un salarié et maintient ce choix malgré les prostestations réitérées de celui-ci. En effet, dans ce cas, il n'y a qu'un seul agissement , la décision de rétrogradation. Le caractère de répétition des agissements fait défaut (2). En revanche, si la décision s'accompagne d'une attitude agressive et dégradatante de la part de l'employeur, ce qui a pour effet de porter atteinte à la santé du salarié en cause, le harcèlement est constitué (3). 

Cela signifie qu'il importe peu que la personne, que ce soit un supérieur hiérarchique dans le cas du harcèlement vertical ou un collègue dans le cas du harcèlement horizontal, n'ait pas eu conscience de nuire, que ses actes n'aient pas été dictés par une volonté de harcèlement. Seuls comptent l'existence des agissements, leur caractère répété, et les effets produits par ceux-ci.

Encore faut-il que le salarié puisse rapporter la preuve des agissements qu'il considère comme du harcèlement devant la juridiction prud'homale. La loi a pour cela aménagé le régime de la preuve en faveur du salarié. Celui-ci doit établir des faits objectifs permettant de présumer l'existence du harcèlement (4). Par exemple, la Cour de cassation a estimé que le fait pour une salariée d'être installée avec une collègue dans un bureau aux dimensions restreintes, d'avoir été laissée pour compte, le travail qui lui était confié se limitant à l'archivage et à des rectificatifs de photocopies, constitue des preuves (5). Une fois ces faits établis, il appartient à l'employeur de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que les décisions ou actes reprochés sont justifiés par des éléments objectifs.

(1) Article L1152-1 du Code du travail (2) Cass.soc., 9 décembre 2009, n° 07-45.521 (3) Cass. soc., 8 avril 2008, n° 07-86.872 (4) Article L1154-1 du Code du travail (5) Cass. soc. 10 novembre 2009, n° 07-42.849
Florence Riquoir, juriste, cabinet Capstan, pôle Santé






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