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Droit du travail
La santé au travail révisée

30/11/2016

Le droit de la protection de la santé au travail est en effervescence. Et les services de santé au travail souvent déconnectés des attentes des employeurs. La loi du 8 août 2016 s’est saisie du problème. Passage en revue des principales nouvelles mesures, en vigueur au 1er janvier 2017 [1].

1 Une surveillance médicale rationalisée 

Suppression de la visite médicale d’embauche systématique

Après la disparition de l’avantage individuel acquis, la loi Travail enterre, pour ses 50 ans, un autre pilier des relations de travail : la visite médicale d’embauche généralisée. Elle lui substitue une simple visite d’information et d’orientation, réalisable par n’importe quel membre de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail (SST). Son objet ? Identifier les catégories de salariés nécessitant un suivi médical renforcé,  livrer aux personnes des informations sur la prévention des risques et fixer le cycle de la visite périodique (suivi médical adapté).

Attention. La visite médicale d’embauche obligatoire est maintenue pour les salariés affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, celle de leurs collègues ou de tiers évoluant dans leur environnement immédiat. Des questions restent en suspens : est-ce à l’employeur d’identifier de manière unilatérale les postes à risques ? Dans l’affirmative, à partir de quels éléments et de quelle manière ? Dans le doute, mieux vaut recourir au document unique relatif à l’évaluation des risques (Duer).

Reconfiguration du suivi médical

Disparation aussi de l’obligation d’organiser une visite de reprise au terme d’une période de suspension (accident du travail, maladie professionnelle…). Comme du caractère bisannuel de la visite périodique : au SST de définir une périodicité selon la situation personnelle de chaque salarié. Avec une nuance puisque ce dernier pourra toujours demander à bénéficier d'un examen médical à son initiative afin d’anticiper un risque d’inaptitude. Des décrets en Conseil d’État doivent encore prévoir les modalités d’information de l’employeur sur le sort du suivi médical des salariés temporaires et en CDD.

Ce rééquilibrage du temps médical des SST réinterroge la responsabilité de l’employeur dans l’obligation d'organisation des visites. Actuellement, à défaut de pouvoir démontrer celle-ci pour l'embauche, un employeur voit sa responsabilité engagée, sans pouvoir opposer de cause exonératoire. Ce désengorgement des SST incitera-t-il les juges à placer le curseur de la responsabilité plutôt vers ceux-ci ? Dans cette perspective, un assouplissement de la jurisprudence est à espérer. À noter aussi, un arrêt non publié du 20 octobre 2016 [2] selon lequel le défaut d'organisation de la visite médicale de reprise n’est pas de nature à elle seule à justifier une prise d’acte aux torts de l’employeur.

2 Inaptitude : une procédure simplifiée

Fini le principe des deux examens médicaux, espacés de deux semaines, préalables à tout avis d'inaptitude. Sa constatation est désormais possible lors d’une visite quelconque. Toutefois, elle doit être précédée d'une étude du poste réalisée par un membre de l’équipe pluridisciplinaire du SST et d’un échange (futur concept juridique non identifié et « naturellement source » de contentieux…) entre le médecin du travail, le salarié et l'employeur. Ces allégements imposent toutefois au médecin d’indiquer expressément les possibilités de reclassement, et plus particulièrement les besoins en formation pour les salariés inaptes des suites d’un accident ou d’une maladie professionnelle ou non. L’inaptitude devient explicitement le dernier recours.

Des simplifications bienvenues dans un secteur particulièrement concerné. C'est la fin des avis d’inaptitude courts et lapidaires, qui obligeaient souvent l’employeur à revenir vers le médecin du travail pour obtenir un complément d’information sur le reclassement ou des précisions sur l’avis. Les SST devront donc se conformer en pratique à ses nouvelles prescriptions en matière de rédaction.

3 Le reclassement et le licenciement du salarié inapte sécurisés

Reclassement du salarié inapte harmonisé

Auparavant réservée aux cas d’inaptitude d’origine professionnelle, la consultation des délégués du personnel (DP) est généralisée aux situations des salariés inaptes suite à un accident ou une maladie à caractère non professionnel. Effet mécanique ? La sécurisation d’un contentieux lié à la reconnaissance postérieure d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, puisque la sanction des « douze mois » prévue par l’article L1226-15 du Code du travail sera de fait écartée.

À compter du 1er janvier 2017, l’employeur sera exempté de la recherche de solutions de reclassement lorsque le médecin du travail indiquera expressément que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement ». Une dispense qui s’ajoute à celle déjà créée par la loi dite Rebsamen du 17 août 2015 justifiée par le danger grave que représenterait pour la santé du salarié inapte un maintien dans l’entreprise.

L’obligation de reclassement sera réputée satisfaite dès lors que l'employeur aura proposé un emploi conforme aux préconisations du médecin du travail. Une lecture stricte – « un emploi » – impliquera-t-il que le refus par le salarié d'une « seule » offre de reclassement engendrera à lui seul le respect par l'employeur de son obligation ? Si la réponse des juges est positive, il est alors bien question de sécurisation du licenciement du salarié inapte.

À noter. Les règles particulières d’indemnisation liées à l’inaptitude post-maladie ou accident professionnel demeurent en vigueur, sans être étendues.

Licenciement objectivé

Que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non, la rupture du contrat du salarié inapte en CDI ou CDD sera désormais autorisée dans quatre situations :

  • impossibilité pour l’employeur de proposer un emploi conforme à l’avis d’inaptitude ;
  • refus par le salarié d’un emploi conforme à l’avis d’inaptitude ;
  • si le maintien du salarié dans son emploi est gravement préjudiciable à sa santé ;
  • inaptitude du salarié à tous les postes de l’entreprise.

4 Les voies de recours contre les décisions médicales revues

Actuellement, la contestation d’un avis du médecin du travail est d’abord portée devant l’inspecteur du travail (et le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d'œuvre), puis devant le juge administratif. À compter du 1er janvier 2017, l'employeur ou le salarié devra saisir la formation de référé du conseil de prud'hommes (CPH) pour demander la désignation d’un médecin-expert afin de contester les « éléments de nature médicale » justifiant la décision du médecin du travail. Si la demande est jugée recevable, ce médecin-expert désigné par le CPH statuera au regard de l'état de santé du salarié. Une décision opposable au médecin. Le nouvel avis est contestable devant le CPH, en sa formation classique. Il est pourtant difficilement concevable que ce dernier puisse remettre en cause l’avis délivré par le médecin-expert.

À noter. Le recours ne sera plus gratuit. Les frais d'expertise et de justice seront à la charge de la partie perdante.

Motif de recevabilité d’une demande en contestation ? Un « désaccord ou une difficulté d'appréciation de l'avis sur l'état de santé du salarié ». Une formule abstraite et générale… L'irruption de ce nouveau mode de contestation a de bonnes chances de se heurter à des obstacles. Il pourrait, à terme, accueillir des prétentions irrecevables. En effet, la désignation par la juridiction prud’homale d’un médecin-expert semble être laissée à la libre appréciation des conseillers qui ne disposent pas de compétences médicales… Sans compter un nouveau contentieux pour une juridiction des « référés » déjà trop souvent engorgée.  

[1] et dès la publication des décrets d'application, qui étaient attendus avant la fin de l’année 2016.

[2] Cass. Soc. n° 15-17375 du 20 octobre 2016

Stéphane Picard et Mehdi Gharbi, Picard Avocats, membres du réseau ACC3S

Publié dans le magazine Direction[s] N° 148 - décembre 2016






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