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Lutte contre la pauvreté
« Choc de solidarité » : de quelle ampleur ?

03/01/2013

Les axes du futur plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale ont été dévoilés en clôture de la conférence nationale éponyme. Une mobilisation d’envergure dont, préviennent les acteurs associatifs, les annonces doivent être confirmées au plus vite.

Le « choc de solidarité » tant attendu aura-t-il lieu ? La question restait entière à l’issue de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale des 10 et 11 décembre derniers. Un rendez-vous qui a accouché des grandes orientations du futur plan de lutte contre la pauvreté, qui devrait constituer le fil rouge du quinquennat de François Hollande. Dont acte, veut croire un monde associatif décidé à ne pas se contenter de simples incantations.

La forme et le fond 

Côté méthode, la manifestation, perçue un temps comme un lot de consolation pour un monde associatif écarté du sommet social de Matignon en juillet dernier, est une réussite. Onze ministres et plus de 200 personnes ont planché sur des solutions d’urgence, alliées à des réponses structurelles. Accès aux droits, santé, logement… Sept groupes de travail ont misé sur une approche globale des situations de pauvreté. Résultat ? Un changement de regard sur le public précarisé, facilité par la présence de membres du 8e collège ad hoc du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE). La fin d’une stigmatisation ?

Pas pour tout le monde, s’agace l’Association de paralysés de France (APF). « Huit millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, or il y a parmi elles de nombreux bénéficiaires de l’allocation adultes handicapés ou de pensions d’invalidité. Une réalité que la conférence a refusé de voir», déplore Patrice Tripoteau, son directeur général adjoint.

Des mesures en direction de publics spécifiques sont prévues, tente de rassurer Matignon, engagé dans « une rupture de méthode, de discours et… de priorités budgétaires ».

Des priorités jugées peu évidentes pourtant. L’enthousiasme général est quelque peu retombé à l’annonce du montant de l’effort prévu : 2 à 2,5 milliards d’euros d’ici à 2017. « Comparés aux 20 milliards pour le choc de compétitivité… Il y a une réelle distorsion entre les discours et les décisions », regrette Jacqueline Saint-Yves, membre du bureau de la fédération Coorace (insertion par l'activité économique).

L’emploi, condition sine qua non

« L’emploi ne règle pas tout, mais le chômage dérègle tout », a rappelé le groupe de travail dédié. La principale mesure dévoilée par le gouvernement est la création, en 2013, dans dix territoires pilotes, d’une « garantie jeunes » destinée aux 18-25 ans en situation de rupture, techniquement appuyée sur le contrat d’insertion dans la vie sociale (Civis).

Une déception pour la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape), partisane de contrats jeunes majeurs « repensés ». « On ne peut se contenter d’un contrat d’un an renouvelable avec le service public de l’emploi, déplore sa directrice générale, Fabienne Quiriau. À moins que ne soient prévus des moyens pour suivre ces jeunes et leur proposer des accompagnements personnalisés. »

Plus globalement, l’importance d’un accompagnement pluridisciplinaire, via le décloisonnement des pratiques, et une « intervention sociale renouvelée », ont été réaffirmées. L’accent devrait être mis sur l’orientation de la formation vers les travailleurs les plus éloignés du marché du travail. « Le sujet ne peut être absent des négociations sur la sécurisation de l’emploi », prévient Louis Gallois, président de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), qui rappelle qu’en 2011, 65 % des embauches ont été réalisées sous forme de CDD de moins d’un mois.

« De bonnes intentions », résume Jacqueline Saint-Yves, qui note, non sans amertume, le « silence radio » sur les contrats aidés. « Ils ne doivent plus être la simple variable d’ajustement du chômage. Il faut en finir avec la politique du stop-and-go. »

Parmi les propositions pourtant sur la table : la sanctuarisation de leur volume, l’augmentation de leur durée ou encore une souplesse dans la gestion hebdomadaire du travail. 

« Ordonner le mille-feuille des politiques sociales »

En matière de gouvernance de l’action sociale, l’heure est aussi à la réforme. Le gouvernement se dit prêt à « mettre de l’ordre dans le mille-feuille des politiques sociales » notamment pour « identifier des chefs de file sectoriels ». Une idée à approfondir, selon l’Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas), sensible à la  déclinaison territoriale du plan. « Cela évitera d’avoir des indicateurs nationaux déconnectés de la réalité, se félicite Daniel Zielinsky, son délégué général. Ce sera l’occasion pour chacun de prendre ses responsabilités et de voir qui fait quoi sur son territoire. »

Afin de sécuriser les associations, leurs relations avec les pouvoirs publics seront également revues, grâce au développement des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) et la généralisation des conférences de financeurs.

La politique de l’enfance, la grande oubliée ?

C'est probablement en matière de la politique de l’enfance et de la jeunesse que se situent les plus grands regrets, estime Dominique Balmary, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). En ligne de mire : la « discrétion » sur les projets de territoires proposés, comme sur « la véritable politique nationale » que les acteurs appelaient de leurs vœux. « L’État ne peut s’en désintéresser au motif que ce sont des politiques décentralisées, souligne Fabienne Quiriau. Il y a des disparités locales qui interrogent. En matière d’alternative au placement de l’enfant notamment, il doit dire clairement qu’il encourage des réponses autres que le placement qui dure pour les 150 000 enfants concernés. »

La fin de la « gestion au thermomètre »

Autre dossier attendu ? Celui de l’hébergement, qui devrait trouver sa place dans le futur plan éponyme, en préparation. La fin de la « gestion au thermomètre » est confirmée, avec la création de 8 000 places d’hébergement d’urgence et de centres d'accueil de demandeurs d'asile (Cada). Le signe d’une « nouvelle dynamique, privilégiant la recherche de solutions pérennes (…) sur la logique du court terme, souvent bien plus coûteuse », se réjouit France terre d’asile. Pourtant, dans les rangs de la Fondation Abbé Pierre notamment, le compte n’y est pas. « Quid des enjeux plus structurels, comme la transformation du secteur de l'hébergement, la prévention, ou encore les diagnostics “à 360°” destinés à dresser un état des lieux des situations de mal logement ? », interroge Christophe Robert, délégué général adjoint. Le secteur compte bien obtenir des garanties sur le sujet.

Sitôt terminée, la conférence suscitait donc déjà des attentes. La plupart des mesures évoquées devraient être portées par des projets de loi sectoriels. « Ne risque-t-on pas de noyer les sujets ? », s’inquiétait Dominique Balmary. Autant dire combien les associations bien résolues à exercer leur rôle de « vigies républicaines » faisaient preuve de circonspection.

[1] Le plan quinquennal devrait être adopté le 22 janvier par le comité interministériel de lutte contre l’exclusion.

Gladys Lepasteur

Les premières mesures concrètes

- revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) « socle » de 10 % d’ici à 2017 – à raison de 2 % par an dès septembre 2013 (en plus de la revalorisation annuelle automatique). Le RSA « activité », auquel 70 % des ayants droit n’ont pas recours, sera réformé en lien avec la prime pour l’emploi

- création d’une « garantie jeunes » pour les 18-25 ans en situation d’exclusion, sans emploi ni formation

- relèvement du plafond de la CMU-complémentaire de 7 % dès 2013 (+ 500 000 bénéficiaires)

- création de 8 000 places d’hébergement d’urgence et de centres d'accueil pour demandeurs d'asile en 2013

- 50 millions prévus pour favoriser le logement durable (intermédiation locative, logement adapté, accompagnement dans et vers le logement)

- inscription des centres parentaux dans le code de l’action sociale et des familles

- instauration d’une garantie universelle des risques locatifs

En chiffres

- 14,1 % de la population française (soit 8,6 millions de personnes) vit en-dessous du seuil de pauvreté

- 2 à 2,5 milliards d’euros : montant de l’effort consacré, d’ici à 2017, au plan quinquennal de lutte contre la pauvreté

- plus de 200 personnes (acteurs associatifs, élus, professionnels, personnes en situation de précarité, partenaires sociaux, chercheurs…) ont participé à la conférence

Publié dans le magazine Direction[s] N° 104 - février 2013






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