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Financement de l’EHESP
L’alibi de la simplification ?

19/12/2018

À partir de 2020, les structures de l’hospitalière ne contribueront plus directement au budget de l'École des hautes études en santé publique (EHESP). Décrétée par le gouvernement, la réforme passe mal chez leurs représentants, soucieux pour le futur positionnement de l’école comme pour sa pérennité économique.

© EHESP

Le torchon brûle. En décidant, sans concertation, de réformer le financement de l'École des hautes études en santé publique (EHESP), comme celui du Centre national de gestion – CNG (lire encadré), l’État a crispé les représentants des structures et des personnels de la fonction publique hospitalière. Si les nouvelles modalités, mises en œuvre à compter de 2020, constituent une indéniable simplification administrative, elles ne sont pas sans incidences, en particulier sur le lien de l’école avec les besoins du terrain, font valoir les professionnels. Au risque aussi de menacer sa capacité à former les directeurs demain ?

Question de tuyauterie

Fin octobre, les organisations professionnelles siégeant au conseil d’administration de l’EHESP sont tombées de haut, en découvrant « par voie de presse » le contenu de l’amendement gouvernemental au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 déposé quelques jours plus tôt [1] : la suppression, dès 2020, du principe de contribution des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de l’hospitalière au profit d’un financement direct par l’assurance maladie. Juste une « affaire de tuyauterie financière », selon la ministre Agnès Buzyn, visant officiellement à simplifier la gestion de l’école, sécuriser ses ressources, tout en mettant fin à l’iniquité entre les contributeurs [2].

Car c’est peu dire que la collecte de ces contributions est sur la sellette depuis longtemps. « Un système archaïque, coûteux et générateur d’effets pervers », soulignait dès 2011 l’inspection générale Igas [3]. « Outre la tenue à jour des fichiers, elle implique d’attendre la parution de l’arrêté annuel fixant le montant des contributions, d’émettre 2390 titres de paiement auprès d’autant d’établissements, d’attendre leur retour…, énumère le directeur de l'EHESP Laurent Chambaud. Concrètement, cela occupe à temps plein deux personnes de nos services financiers. » Depuis plusieurs années, des pistes de simplification étaient donc à l’étude, mais rien sur celle finalement retenue, rapporte Pierre de Montalembert, délégué national du syndicat des manageurs SMPS : « Nous pensions donc avoir le temps de la réflexion, au moins jusqu’en 2019. Cette décision met fin à un cercle vertueux : les établissements contribuent au financement de l’école qui a pour mission de former leurs futurs cadres. Ce lien sera maintenant coupé. »

Méthode du fait accompli

Du côté des organisations, on ne digère toujours pas la méthode qui a escamoté toutes les étapes du dialogue social. Y compris au sein du conseil d’administration. « D’autant que pas un mot ne nous en a été dit lors de la séance qui s’est tenue deux semaines avant le dépôt de l’amendement ! rapporte Alexis Thomas, directeur de cabinet de la déléguée général de la Fédération hospitalière de France (FHF). Le rôle des administrateurs a été bafoué. » Une confiance déjà entamée, il est vrai, après la LFSS pour 2018 qui a validé la suppression de la subvention allouée par le ministère de la Santé et mis cette dépense à la charge de… la même assurance maladie.

De là à y voir une éviction annoncée des professionnels des instances de gouvernance, où siègent les financeurs, il n’y a qu’un pas. « C’est sûr que, à l’EHESP comme ailleurs, qui paie décide… », note le sénateur (PS) Yves Daudigny, auteur d’un amendement avorté portant sur la suppression de la mesure. « Qui dit alors que, demain, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) ne voudra pas avoir un droit de regard sur ce qui se passe à l’école ? », redoute Anne Meunier, secrétaire générale du syndicat des cadres Syncass-CFDT. Pas de changement à prévoir, a pourtant cherché à rassurer le secrétariat général des ministères sociaux. Sans convaincre, en particulier sur la future capacité des professionnels à peser sur les orientations. « Elle est pourtant fondamentale, surtout au moment où les transformations du système de santé impliquent de fortes évolutions », relève Alexis Thomas.

Jeu à somme nulle 

Sur le papier, l’opération devrait être financièrement indolore pour la Sécu : au lieu de verser aux structures de quoi s’acquitter de leur dû (32 millions d’euros au total), elle signera elle-même un chèque, toujours prélevé sur l’objectif national de dépenses Ondam. En théorie du moins, car « la mesure générera une dépense supplémentaire de 6,2 millions d’euros pour l’assurance maladie », indique, laconique, l’exposé de l’amendement au PLFSS pour 2019. « Personne ne sait d’où sort cette somme, qui n’a rien à voir avec le montant total des contributions, pointe Pierre de Montalembert. Nous craignons toutefois qu’elle ne corresponde en réalité à un coût additionnel induit par la réforme. En clair, l’État décide seul de simplifier et présente ensuite la facture aux établissements ! » « Même si cela ne sera pas énorme, il faut probablement s’attendre à une baisse des tarifs et des dotations », confirme Anne Meunier.

Le choix du moment n’est pas neutre pour l’EHESP, en proie à un déficit budgétaire chronique découlant de la transformation en 2008 de l’ex-École nationale de la santé publique (ENSP), juge Anne Meunier : « Au moment de sa diversification, l’EHESP n’a pas réussi à mettre en place une comptabilité analytique permettant de voir ce que coûtait la valence universitaire, qui aujourd’hui a pris le pas sur la formation professionnalisante à laquelle nous sommes attachés. » Résultat ? « Depuis 2013, nous devons faire face à un effet ciseau, explique Laurent Chambaud. Avec d’un côté, la réduction des ressources allouées par le ministère des Solidarités et de la Santé et, de l’autre, l’augmentation du nombre d’élèves fonctionnaires hospitaliers, et donc des salaires et indemnités à verser sur lesquels nous n’avons pas de marges de manœuvre. » Une fois encore, le fonds de roulement devra-t-il être mis à contribution pour boucler le prochain budget présentant un solde déficitaire de 4,18 millions d’euros ? Un expédient auquel l’école ne pourra recourir longtemps, vu l’état de ses réserves.

Pari risqué ?

Dans ce contexte, substituer une ressource fluctuant, chaque année, en fonction de l’Ondam à une recette stabilisée de longue date ne peut-il s’avérer risqué ? « L’important est de raisonner globalement, reprend Laurent Chambaud. Que ce soit par dotation ou par contribution, l’enjeu est d’assurer à l’école un financement pérenne lui permettant de développer toutes ses missions. » Ce sera tout l’objet de son plan stratégique 2019-2023, dont la version finalisée est attendue pour la fin du premier trimestre 2019, comme de son contrat d’objectifs et de performance prévu dans la foulée. Et donc, du résultat de ses discussions avec l’État. « Dans n’importe quelle structure, on détermine d’abord les lignes stratégiques, avant d’envisager ce qui en découle, en particulier en termes de modèle économique et budgétaire, souligne Alexis Thomas. Là, les pouvoirs publics ont mis la charrue avant les bœufs. » En attendant, « la mobilisation est maintenue », prévient Pascal Martin, secrétaire général adjoint du syndicat CH-FO, malgré l’adoption de la LFSS début décembre. « L’idée est surtout de prendre l’État au mot, avance Pierre de Montalembert. Si tout cela revient juste à un détail technique, alors pourquoi ne pas prendre le temps d’en discuter ? »

[1] Amendement n° 1080 au PLFSS pour 2019, à consulter sur www.assemblee-nationale.fr

[2] La contribution des structures sanitaires est proportionnelle au nombre de lits autorisés ; celle des autres étant assise sur la masse salariale.

[3] "Bilan perspective de l’EHESP", rapport, juin 2011

Gladys Lepasteur

CNG : une réforme très contestée

Ambiance tendue, fin novembre, pour le vote du budget du CNG, dont le financement sera lui aussi réformé en 2020. « Pour 2019, le plafond d’emplois (–2 ETP) et le niveau de la dotation de l’assurance maladie (–4,1 millions d’euros), arrêtés par les autorités de l’État sont sans commune mesure avec les précédents exercices », alerte le Syncass-CFDT. « Comment croire le ministère lorsqu’il assure que la réforme n’emportera pas une baisse des ressources, si dans le même temps, il décide une telle ponction dès l’an prochain ? » souligne Alexis Thomas (FHF). Pour la première fois, le CNG a vu son projet de budget rejeté par des administrateurs décidés à « témoigner de leur préoccupation pour son évolution et son avenir », rapporte le SMPS. Alors qu’une nouvelle réunion était prévue le 21 décembre, la crise de confiance est profonde.

Repères

  • 54 % : c’est le poids des contributions au sein du budget de l’EHESP.
  • Selon le ministère, « la réforme bénéficiera en particulier aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dont la contribution est imputée sur le tarif hébergement. Ce montant sera désormais compensé par l’Ondam et intégré à la dotation de l’EHESP ».
  • Rejeté le 18 décembre, « le budget de l’EHESP pour 2019 traduit une insupportable fuite en avant, avec une chute de la trésorerie sous le seuil prudentiel et du fonds de roulement », selon les acteurs.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 171 - janvier 2019






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