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5e risque
« Nous avons les moyens d’être au rendez-vous »

17/06/2020

Le 15 juin, la création d’une 5e branche de la Sécurité sociale, avec la Caisse nationale de solidarité (CNSA) à sa tête, a été votée dans son principe au Parlement. De quoi permettre une politique Autonomie ambitieuse… sous conditions, explique la présidente du conseil Marie-Anne Montchamp [1].

© S. Budon/CNSA

Sommes-nous à un tournant historique ?

Marie-Anne Montchamp. Il peut l’être, sous réserve que la 5e branche porte bien un nouveau risque Autonomie et non Dépendance. Avec le Covid-19, le pays a été rattrapé par une évidence : comme toujours dans les crises (climatique, sanitaire, environnementale…), les personnes âgées et handicapées paient le plus lourd tribut, justement parce qu’elles sont les moins autonomes.

Dans une protection sociale contemporaine, nous avons donc besoin d’une grande politique Autonomie, au sens de l’égalité des chances et de la capacité à maîtriser sa vie, qui adresse un risque spécifique. Celui-ci est complexe, car il dépend de la personne elle-même (de son âge, de sa situation, de son handicap), mais aussi du lieu où elle vit. Être âgé à Aurillac, ce n’est pas la même chose qu’à Paris ! Gérer un tel risque nécessite donc des méthodes et des compétences bien différentes de celles requises pour les autres risques de la Sécurité sociale. Il faut compléter le système actuel par une branche « nouvelle génération » susceptible, dans ses modalités d’action, de faire le lien entre la singularité de la personne et la mise en œuvre différenciée de réponses en santé au plein sens du terme (en matière de prévention, d’accès aux soins, d’accessibilité…). Cette mobilisation va bien au-delà des quatre risques existants et doit donc intégrer la politique du logement, celle de l’aménagement du territoire… Elle doit aussi être pilotée différemment par un État agile en mesure d’assembler des politiques disjointes concourant toutes au même objectif.

La gestion de la nouvelle branche sera confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Quelle sera sa plus-value ?

M-A M. Une branche moderne requiert une gouvernance qui l’est tout autant, en associant toutes les parties prenantes. C’est bien dans cet esprit que la CNSA a été créée en 2004. Outre son expertise en ingénierie de financement, elle a fait la preuve de sa capacité à piloter à distance une multiplicité d’acteurs ne dépendant pas tous de la responsabilité de l’État. Lequel a justement, durant la crise, constaté sa difficulté à agir sur tout ce qui se trouve hors de sa chaîne de commandement. C’est pourquoi on doit plutôt miser sur une gouvernance par consensus et par adhésion, dans des logiques partenariales. C’est le nouveau visage de l’État que le président de la République a appelé de ses vœux le 14 juin dernier : plus moderne, en mesure de créer des communautés de vues et d’apporter des réponses personnalisées à chacun.

Pourtant réclamé par le conseil, le fléchage avant 2024 des 2,3 milliards d’euros issus de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) vers la CNSA est compromis. Alors, comment financer les besoins d’ici là ?

M-A M. Des ressources existent déjà en réalité. En annexe du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le programme de qualité et d’efficience agrège l’ensemble des financements publics qui concourent à solvabiliser l’autonomie, au sein comme en dehors du système de protection sociale : soit 66 milliards d’euros qui couvrent donc un périmètre bien plus large que celui de la CNSA (dotée de 27 milliards d’euros). Ce sera à la branche de montrer combien l’effort de la Nation est important, mais aussi de voir comment les curseurs peuvent bouger pour optimiser l’emploi de ces crédits.

Il faudra ensuite prendre en compte l’impact du vieillissement sur la société, faire aboutir cette politique à son budget factuel de 72 à 74 milliards d’euros. Auxquels s’ajouteront, dès 2021, un milliard d'euros annoncé par le ministre Olivier Véran le 15 juin, ainsi que, en 2024, la fraction de contribution sociale généralisée (CSG) fixée par le projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie [2]. Pour cela, une loi de programmation budgétaire est indispensable pour traduire l’engagement de chaque ministère à la montée en charge de ces ressources. Car une politique de l’autonomie ne peut relever de la seule assurance maladie, c’est aussi de l’économie, du logement, du numérique, de l’aménagement du territoire… Seule une plus forte mobilisation de tous les champs permettra de propulser cette politique au rang d’une protection sociale moderne. Ce serait là le signe d’un volontarisme politique. Nous avons les moyens d’être au rendez-vous.

Promise avant la fin 2020, la loi Autonomie se justifie-t-elle toujours dans cette perspective ?

M-A M. Absolument, mais avec un cahier des charges quelque peu différent. Elle doit être une loi d’orientation permettant d’entériner ce changement de paradigme, de fédérer les énergies, de porter la loi de programmation, tout en confortant la nécessaire approche domiciliaire défendue par le conseil [3]. D’ici là, le prochain PLFSS doit donner de premiers gages pour ce qui relève des crédits d’assurance maladie et permettre, via un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) conséquent, des efforts en termes de rémunération notamment.

[1] Invitée par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis)

[2] Adopté en première lecture à l’Assemblée le 15 juin 

[3] Lire Direction[s] n° 171, p. 8

Propos recueillis par Gladys Lepasteur

Publié dans le magazine Direction[s] N° 188 - juillet 2020






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