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Communautés 360
Négocier le tournant

19/08/2020

Après un lancement accéléré pour accompagner le déconfinement, une nouvelle étape délicate s’amorce pour les communautés 360, ces équipes territoriales susceptibles de proposer des solutions d’accompagnement aux personnes handicapées : structurer leur fonctionnement sans l’alourdir, et trouver leur place à côté des dispositifs existants.

En déplacement lundi 3 août dans le Var, Sophie Cluzel a profité d’une visite à l’institut médico-éducatif (IME) de Collobrières (géré par le groupe de l'assurance maladie Ugecam Paca-Corse) pour « féliciter l’ensemble des professionnels » pour leur engagement sans faille depuis le début de la crise sanitaire. L’occasion également de communiquer sur le numéro d’appel national lancé le 5 juin dernier, le 0 800 360 360 : « Il ne s’agit pas d’un dispositif supplémentaire, mais d’une méthode de travail qui permet d’apporter de l’espoir et des solutions via un travail en commun », a martelé la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées (SEPH). Destiné aux personnes en situation de handicap et aux aidants en grande difficulté pendant la crise, sans solution immédiate ou ne sachant pas à qui s’adresser, ce numéro vert les met en relation avec les acteurs locaux de l’accompagnement, réunis en « communautés 360 ». « Trois chiffres symboliques pour un changement d’approche », proclame le dossier de presse du ministère : « Une évaluation à 360° avec la personne de ses attentes et besoins, une coopération à 360° de tous les acteurs, un repérage à 360° des personnes isolées ou sans solution adaptée. » Au début de l’été, une soixantaine de départements étaient couverts.

Simplicité d’accès et égalité républicaine

Pour comprendre les enjeux de ces communautés, il faut remonter au mois de février, lors de la Conférence nationale du handicap (CNH). Dans son discours, le chef de l’État fixe pour 2021 l’objectif de ne plus laisser « aucune personne en situation de handicap seule dans sa recherche de solutions » et annonce la création d’un numéro unique, relayé par 400 « communautés d’accompagnement » dans lesquelles « tous les acteurs se mettent ensemble » – agences régionales de santé (ARS), départements, collectivités, médico-social, sanitaire, ville, droit commun… – et « se débrouillent pour apporter des solutions ». Un projet sous-tendu par deux grands principes : la simplicité d’accès et « l’égalité républicaine ». Des discussions s’engagent alors avec les collectivités et les têtes de réseaux. Mais à partir du 15 mars, tout est ajourné : l’urgence est à la lutte contre l’épidémie de coronavirus.

Les difficultés remontées par les personnes handicapées et leurs proches convainquent toutefois Sophie Cluzel d’accélérer le lancement du numéro unique, en l’adaptant au contexte. Fin avril, dans une perspective d’accompagnement du déconfinement à venir, le secteur est appelé à constituer des communautés « 360 Covid », auxquelles sont fixées quatre missions prioritaires : l’accès aux soins, le répit des aidants, le soutien aux enfants en situation de handicap confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et les interventions renforcées en cas de situation complexe ou critique. Via les ARS, les fédérations, têtes de réseaux, et des dizaines d’acteurs de terrain se manifestent pour en être : le secrétariat d’État recense près de 150 projets de portage ou de contribution.

Le 5 juin, le numéro d’appui est lancé dans six régions pilotes et 24 départements. Soit autant de configurations différentes. Dans la région Grand-Est, ce sont les pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE) qui sont identifiés comme points d’appui. « En place depuis 2018, ils ont déjà développé un large réseau intégrant les acteurs du droit commun, explique Agnès Gerbaud, directrice adjointe de l’autonomie à l’ARS. La coopération, la souplesse des pratiques, l’ouverture à toutes les personnes handicapées – et pas seulement celles titulaires d’une reconnaissance administrative – font déjà partie de leur fonctionnement. » Ailleurs, les communautés sont portées par des gestionnaires, des établissements ou encore la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).

Reconnecter avec le sens premier de l’engagement

D’un territoire à l’autre, l’activité s’avère pour l’instant très variable, témoignant notamment de la maturité des coopérations. « Mais les premiers appels confirment bien la pertinence et la cible » de ce service, estimait Clarisse Ménager, conseillère en charge de la transformation de l’offre d’accompagnement au secrétariat d'État, après un mois de fonctionnement, précisant que « la majorité porte sur des demandes relevant de plusieurs champs d’intervention, auxquelles un acteur seul ne peut pas répondre ». Certains appelants, note-t-elle, « ne sont pas du tout suivis par une structure médico-sociale et ne trouvent pas de porte d’entrée. Grâce au 360, ils peuvent se relier aux acteurs spécialisés comme à ceux du droit commun ». À l’autre bout du fil, les professionnels « témoignent d’une forme de veille sociale et territoriale qui les reconnecte avec le sens premier de leur engagement : apporter un accompagnement personnalisé, en s’appuyant sur la force du collectif », relève-t-elle également.

Sollicitées dès le mois d’avril, les représentants du secteur ont d’abord regretté la précipitation du projet, ainsi qu’un timing inadéquat pour les établissements et services plongés dans la gestion de la crise et la préparation du déconfinement. Ce qui n’empêche pas de « laisser sa chance au produit », résume Marie Aboussa, directrice du pôle Gestion des organisations de la fédération Nexem : « Au regard des besoins des personnes et de l’engagement des acteurs, on ne peut pas être contre. » Pas question cependant de laisser ce nouvel objet se déployer « les yeux fermés ». D’autant que, comme le précise le SEPH, « les communautés 360 Covid constitueront des laboratoires in vivo pour la mise en place en 2021 des communautés territoriales d’accompagnement ». Avec quelle gouvernance ? Quel pilotage ? Quel périmètre ? Quelles missions ? Quel financement ?  Conformément au cadre fixé initialement dans l’accord de confiance signé à la CNH avec les départements et les organisations du secteur, « toutes ces questions feront l’objet d’une concertation basée sur un retour d’expérience » préparé par l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap), indique Clarisse Ménager.

Éviter les télescopages

Censées s’ouvrir en septembre, les discussions s’annoncent denses, tant il reste de points à éclaircir et d’ambiguïtés à lever. « Des évolutions profondes et importantes sont déjà à l’œuvre. Les communautés 360 doivent les intégrer pour éviter le télescopage », avertit Marie Aboussa, citant pêle-mêle la réforme Serafin-PH, le chantier de la transformation de l’offre, la modernisation des systèmes d’information, la création d’un cinquième risque…

Pas question non plus qu'elles deviennent « l’alpha et l’oméga » de la politique du handicap, prévient Gwenaëlle Sébilo, conseillère technique Autonomie et citoyenneté des personnes handicapées à l’union d'associations Uniopss, pour qui « l’articulation d’ensemble » demeure à clarifier : « Quelle cohérence avec les dispositifs existants, la réponse accompagnée pour tous, les PCPE, les territoires 100 % inclusifs, les plans territoriaux de santé mentale… ? » Parmi les plus dubitatifs, le président de l’union Unapei s’interroge sur la portée de ces communautés. « Quand vous avez une liste d’attente de 200 noms ou que le PCPE cale déjà sur les propositions,ce n’est pas le 360 qui va régler quoi que ce soit, critique Luc Gateau. Est-ce que c’est ça l’accompagnement de qualité, complet et durable qu’on veut demain pour les personnes ? Des petits bouts de solution d’urgence, dont la responsabilité est déléguée aux associations, sur fond de désengagement de l’État ? »

Ces inquiétudes, le SEPH les entend et les explique par « l’ambition » du chantier : « Il s’agit d’une révolution totale de l’approche : des personnes, de l’environnement, de l’accompagnement, pour une transformation de l’offre en continu, à partir des attentes réelles », défend Clarisse Ménager. Qui assure que les réticences devraient « se décanter » à l’épreuve des faits.

Clémence Dellangnol

« Travailler dans une dynamique adaptée et évolutive »

Patrick Clémendot, directeur général de l’association Juralliance

« Pendant le confinement, avec une dizaine d’autres directeurs généraux et le soutien de l’ARS, nous avons créé Relais handicap 39, une plateforme téléphonique accessible 7 jours sur 7. Trois coordinateurs et 20 référents Covid, mis à disposition par les différents partenaires, ont assuré une bonne trentaine de suivis. Il était logique que l’ARS nous sélectionne quand le SEPH a lancé les communautés 360 Covid. Tout l’enjeu est de passer d’une organisation de crise informelle, totalement horizontale, sans concurrence, à quelque chose de plus structuré, intégrant tous les acteurs – sanitaire, collectivités, MDPH, droit commun… –, chacun dans sa fonction et sa mission. Ce qui suscite des questions de légitimité, de financement, de pouvoir… Bien sûr, il faut un cadrage. Mais pas de lourdeur administrative. Ce que nous voulons, c’est continuer à travailler ensemble, dans l’ouverture, et à gérer les problèmes dans une dynamique adaptée et évolutive. Pas de l’institution et de la technostructure. »

Repères

  • Emmanuel Macron devant la CNH, le 11 février 2020 :« Il faut, pour les personnes en situation de handicap, que l’on n’ait plus ce chemin de combattant où il faut aller de la DPH à la CAF, au Pôle emploi ou voir le DASEN, pour obtenir ce à quoi on nous dit qu’on a droit. »
  • 13,9 millions d'euros : c’est le budget mobilisé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) pour la mise en œuvre de solutions dans le cadre des communautés 360, auxquels s’ajoutent 10 millions pour le fonctionnement.
  • 5/06/2020 : c’est la date de lancement du numéro d’appui 0 800 360 360 dans six régions pilotes et 24 départements.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 189 - septembre 2020






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