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Prévoyance dans la CCN 66
Sortie de crise

17/10/2018

Coup de chaud dans la convention collective nationale du 15 mars 1966 (CCN 66). Après trois mois de blocage, un avenant a finalement été signé, permettant de sauver, s’il est agréé, le régime de prévoyance. Pour deux ans. La pomme de discorde ? Le renvoi de la définition des mesures de prévention au niveau de chaque gestionnaire à l’encontre du principe de mutualisation.

© Thomas Gogny

In extremis. Après plusieurs mois d’un bras de fer intense entre les partenaires sociaux, le régime mutualisé de prévoyance de la convention collective nationale du 15 mars 1966 (CCN 66), en déficit chronique depuis 2015, est sauvé… pour l’heure. L’avenant signé par l’organisation patronale Nexem et la CFDT, le 21 septembre dernier lors d’une négociation « de la dernière chance », n’a finalement pas été rejeté. Contrairement au précédent, paraphé le 15 juin par les deux mêmes acteurs et sitôt enterré, la CGT, FO et Sud ayant alors fait valoir leur droit d’opposition. Il faut dire que les assureurs ont remis la pression cet été en menaçant de dénoncer les contrats fin octobre… Un scénario catastrophe qui aurait débouché sur la résiliation de leurs engagements au 1er janvier 2019, et laissé les gestionnaires seuls pour négocier de nouvelles conditions, balayant de   fait le principe de mutualisation des risques  en vigueur depuis 2005. En effet, le régime actuel garantit aux associations qui choisissent un des cinq organismes assureurs recommandés (près de 70 % d’entre elles) de bénéficier des mêmes niveaux de cotisation quel que soit leur taux de sinistralité, tout en confirmant l’égalité de traitement entre les salariés.

Une forte hausse des arrêts de travail

Face au déséquilibre des comptes, les assureurs avaient sonné l’alerte dès septembre 2017 et laissé aux partenaires sociaux jusqu’au 30 juillet dernier pour prendre des mesures permettant d’assurer la pérennité du régime. Objectif ? Redresser un déficit atteignant 27 millions d’euros fin 2017 lié à la hausse régulière de la sinistralité. À l’origine de cette situation, l’augmentation de 4 % des arrêts de travail de plus de 90 jours par an depuis 2010 ou encore l’augmentation des invalidités en fin de carrière. En outre, « les contraintes psychiques restent importantes », témoigne Thibault Noël, responsable Relation et Développement de groupe au cabinet Technologia, dont l’enquête réalisée en 2015 auprès des salariés relevant de la CCN 66 avait identifié les principaux facteurs d’altération de la qualité de vie au travail (QVT). Parmi eux ? Le déficit de reconnaissance, la charge et le rythme de travail, le manque de soutien de la part de la hiérarchie. « Ainsi en 2015, nous pouvions établir un lien entre les arrêts longue maladie et les situations d’exposition élevée à un risque de burn-out. Nous constatons à travers notre accompagnement auprès des associations que ce diagnostic reste d’actualité », relève l’expert.
Sans surprise, les solutions pour rééquilibrer le régime passent par une augmentation de 11 % des taux de cotisation, des employeurs comme des salariés. « Pour un éducateur spécialisé débutant dont le salaire brut est de 1 771 euros, cela se traduit par une hausse du montant de sa contribution de 0,23 %, soit 4 euros par mois », détaille Benjamin Vitel, négociateur pour la CFDT. Quant aux garanties, elles ont été en grande partie préservées, à l’exception du capital décès, passé de 250 % à 200 % du salaire de référence.

« Une réponse comptable »

Contre toute attente, le conflit ne s’est pas polarisé sur ces aspects. Mais sur une proposition de Nexem : la création d’un « investissement prévention ». Le principe ? Imposer à tout employeur de consacrer au moins 0,1 % de sa masse salariale brute par an à des mesures de prévention, devant se traduire par la mise en œuvre d’un plan prévisionnel d’actions soumis pour avis au comité social et économique (CSE). Une disposition qui s’applique à l’ensemble des adhérents à la CCN 66 (et non uniquement à ceux optant pour le régime mutualisé) dans le but « de créer une dynamique de terrain », explique Dorothée Bedok, directrice du pôle Relations sociales de Nexem.
Une obligation, synonyme d’un « renversement de la hiérarchie des normes », qui a cristallisé les mécontentements de la CGT, de FO et de Sud. En cause donc, selon eux, le renvoi au niveau de l’entreprise de la question de la prévention, plutôt qu’au niveau national. En outre, cet investissement est perçu comme une entorse aux principes de mutualisation des cotisations et d’égalité de traitement des salariés, son montant dépendant de la taille de la structure. Les plus petites pourront-elles mener de véritables actions de prévention ? « Cette proposition a le mérite de prévoir une ligne budgétaire spécifique afin de mettre en œuvre une politique de QVT, qui ne peut être efficace que si elle est conçue au plus près du terrain, donc dans le cadre d’un dialogue social local », rétorque Benjamin Vitel de la CFDT, qui réclamait dès l’origine qu’un volet prévention soit intégré à l’avenant. Plus globalement, les non-signataires accusent Nexem de ne « chercher à résoudre le déficit du régime qu’à travers une réponse purement comptable sans s’attaquer aux causes plus profondes de la dégradation des conditions de travail comme les sous-effectifs ou le manque de moyens », pointe Sylvie Goulay, représentante de Sud. Qui, comme la CGT, demandait que le sujet fasse l’objet d’une négociation spécifique.

Un cercle vertueux

Le nouvel avenant entend corriger le tir sur tous ces fronts. L’utilisation du 0,1 % par l’employeur sera « encadrée au niveau national », assure Benjamin Vitel. D’abord parce que les associations devront transmettre leurs plans d’action et leurs accords QVT à la commission nationale paritaire. « Ce qui va nous permettre de piloter la politique de prévention », salue-t-il. Et ainsi « d’enclencher un cercle vertueux entre le terrain et le niveau national », complète Dorothée Bedok.
De plus, les actions devront répondre aux orientations définies par les partenaires sociaux dans le cadre du fonds de solidarité prévu par le précédent avenant du 4 décembre 2015. Ce fonds vise à financer des actions de prévention des risques et la prise en charge de prestations d’action sociale. Toujours en gestation, il est toutefois alimenté depuis janvier 2016 par une fraction des cotisations prévoyance (2 %). Cette enveloppe viendra compléter celle issue du nouvel investissement prévention. Objectif ? À l’horizon 2020, un opérateur unique sera chargé de collecter ces contributions pour tous les gestionnaires, y compris hors régime mutualisé, afin d’effectuer une mise en commun à plus grande échelle. « Ainsi, toutes les structures et tous les salariés de la CCN 66 pourront en bénéficier », explique Dorothée Bedok. Celui-ci devrait être opérationnel dès la fin de l’année pour proposer aux structures des services clés en main en matière de prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS), des risques psychosociaux (RPS), des phénomènes violents et un service de soutien psychologique au salarié.
Mi-octobre, un obstacle restait encore à franchir : celui de l’agrément [2]. Une formalité selon Nexem. Néanmoins, le sursis n’est acté que pour deux ans : dès 2020 l’appel d’offres quinquennal obligera les partenaires sociaux à revenir à la table des discussions. « Si la sinistralité continue à augmenter, le risque sera de devoir encore négocier à la hausse les cotisations et baisser les garanties », prévient déjà François Caspary, représentant CGT. À moins que l’impulsion en faveur de la prévention n’ait déjà porté ses fruits…

[1] Les nouveaux taux de cotisation des salariés s’appliquent au 1er octobre 2018. L’obligation « investissement prévention » entre en vigueur au 1er janvier 2018, et l’enveloppe peut être utilisée dans le cadre du plan d’actions élaboré pour 2019.
[2] L’avenant devait être examiné par la commission nationale d’agrément (CNA) le 19 octobre.

Noémie Colomb

« La prévention, une priorité de la BAD »

Manuela Pinto, directrice des relations sociales à l'union d'aide à domicile UNA

 « Dans la branche de l’aide et des soins à domicile (BAD), le régime 100 % mutualisé de prévoyance a été modifié en 2014 suite à une alerte des assureurs pointant un déficit de 24 millions d’euros liés en partie à la hausse des arrêts de travail. Pour équilibrer le régime, il a fallu baisser certaines garanties et augmenter les taux de cotisation, des employeurs comme des salariés, de 2 %. Parallèlement, nous avons fait de la prévention une priorité de branche. Et mis en place une série de mesures pour agir sur la pénibilité. Ainsi un référentiel de branche a été homologué par la Direction générale du travail en mai 2017. Nous avons aussi travaillé le sujet dans le cadre d’un engagement de développement de l’emploi et des compétences (Edec) qui a abouti à un guide pour outiller les employeurs. Il leur permet de recenser poste par poste les facteurs de pénibilité et de mettre en place des mesures correctives notamment en termes de formation et de sensibilisation des salariés et des employeurs. Le régime est aujourd’hui à l’équilibre. »

Repères

  • 27 millions d’euros, c’est le montant du déficit du régime de prévoyance dans la CCN 66 fin 2017.
  • 16,5 % des salariés de la CCN 66 sont à un degré élevé ou très élevé d’exposition à l’épuisement professionnel (Source : enquête Technologia 2015).
  • Avril 2019. À cette date à laquelle les partenaires sociaux doivent ouvrir une négociation sur la mise en œuvre, par l’employeur, de la subrogation concernant les indemnités journalières supplémentaires.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 169 - novembre 2018






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