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Une maison de retraite toutes portes ouvertes

31/12/2005

Giromagny (Territoire-de-Belfort). La résidence pour personnes âgées Saint-Joseph accueille une crèche, une permanence gérontologique, des groupes de paroles de parents et, bientôt, un atelier de blanchisserie. Une démarche de coopération.

Comment faire d'une maison de retraite un véritable lieu de vie, loin de l'image de mouroir qui lui est traditionnellement attachée? C'est ce à quoi s'est employée, dès 1999, l'équipe de direction de la résidence Saint-Joseph, gérée par l'Association hospitalière de Giromagny (Territoire-de-Belfort). Premiers axes de cette réflexion: la rénovation du bâti, qui n'était plus aux normes, son extension avec la construction d'une nouvelle aile, un projet de création d'une unité Alzheimer, ainsi que la signature d'une convention tripartite en 2001.

Mais Odette Gripoix, la directrice de la résidence à l'époque, épaulée du médecin coordonnateur et du cadre infirmier, veut aller plus loin, en ouvrant l'établissement sur l'extérieur. Sa démarche: mettre le travail en réseau au cœur des pratiques. Et pas seulement parce que le concept figure dans un arrêté du 26 avril 1999 sur la réforme des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. «La gérontologie est en mutation, analyse François Jeanblanc, le médecin coordonnateur. Elle devient de plus en plus une politique de développement local intégrant le processus de vieillissement: il s'agit moins de travailler autour d'un public cible que de réfléchir avec l'ensemble des acteurs aux besoins généraux de la population.»

Place aux petits

Pas question pour autant de déconnecter ce projet des aspirations des résidants. La résidence leur apparaît alors «sans vie». C'est le constat posé par une étudiante en DESS «action gérontologique et ingénierie sociale» lors d'entretiens réalisés auprès d'eux et de leurs familles. Reste à repérer les besoins en termes d'animation et d'équipement sur le territoire du canton. Premier candidat, pour un projet de crèche: la communauté de communes de la Haute Savoureuse. «Dès 1999, nous avions identifié, sur nos huit communes (8500 habitants), un besoin d'accueil pour 55 enfants, raconte Thierry Grosjean, vice-président, chargé du projet. Seule la maison de retraite pouvait nous proposer 190 mètres carrés de locaux neufs, ce qui nous a permis d'installer un multi-accueil et une crèche familiale au même endroit.» La signature d'un bail emphytéotique sur trente ans et d'un règlement de copropriété est venue sceller l'accord, et la crèche halte-garderie Les Papy'llons (18 places) a ouvert ses portes au début de 2005.

Depuis, la directrice s'emploie, autant que faire se peut, à faire du lien entre les générations un élément du quotidien des enfants. Activités manuelles et goûters partagés ou événements plus ponctuels organisés pour la fête des grands-mères, la Semaine du goût et bientôt Noël sont autant de rencontres avec les personnes âgées de la résidence. Et les échos sont bons. «Lors de l'inscription, les parents sont enchantés, témoigne Anne-Sophie Dupay, la directrice du multi-accueil. Certains enfants voient peu ou pas leurs grands-parents. Et une relation particulière s'instaure avec les personnes âgées.» Des pensionnaires souffrant souvent d'isolement affectif et social retrouvent ainsi un peu de leur place dans la société.

Autre partenariat: celui mis en place avec le conseil général, qui tient une permanence dans la résidence. Ses conseillères en gérontologie, basées à la Maison des aînés, le centre local d'information et de coordination gérontologique de Belfort, cherchaient à implanter une antenne locale dans le canton de Giromagny. Le conseil général a donc sollicité la résidence pour trouver un point de chute trois demi-journées par semaine pour ses travailleuses sociales. En échange de l'organisation d'une permanence de la caisse régionale d'assurance-maladie dans les locaux.

Un réseau gérontologique

«L'idée est de pouvoir peu à peu s'appuyer sur les maisons de retraite pour développer un réseau gérontologique, affirme Gérard Carle, en charge de la direction des personnes âgées et des personnes handicapées au conseil général. De manière à faire fonctionner l'aide à domicile, aider les aidants et construire des projets de prise en charge innovants.» Et le département est sur la bonne voie. «Au début, les gens répugnaient à se déplacer à la résidence Saint-Joseph, témoigne Marie-Noëlle Schulz, conseillère en gérontologie. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Comme si la permanence avait permis de dédramatiser la maison de retraite.»

Un endroit où l'on cause

Enfin, le centre socio-culturel intercommunal a sollicité la résidence pour l'organisation de groupes de paroles avec des parents, tous les mardis après-midi. «Nous cherchions un lieu pour nos réunions “Caus'café'', explique Lydie Vigoureux, référente «famille» du centre. Or parler de parentalité dans un lieu qui héberge déjà enfants et personnes âgées apparaissait approprié.» Ces jours-là, six places sur les dix-huit proposées par la crèche halte-garderie sont réservées aux parents qui assistent aux réunions. Et à l'avenir, pourquoi ne pas inviter les personnes âgées à assister aux réunions, pour mettre en perspective leurs expériences avec celles des parents d'aujourd'hui?

Une fois n'est pas coutume, la principale difficulté n'a pas été financière. Le défi était de convaincre l'ensemble des protagonistes, nombreux dans le cas d'une expérience de travail en réseau. Intéressés, les personnels et les usagers ont été associés, via les réunions du conseil de la vie sociale et la constitution d'un comité de pilotage. «Mais c'est le conseil d'administration qui a été le plus gros obstacle au projet, regrette Odette Gripoix, l'ancienne directrice, qui a débuté sa carrière dans la sphère de l'entreprise. Le monde associatif a tendance à ronronner et certains administrateurs acceptent mal le changement.»

Dans le cas du projet de création d'une blanchisserie, en partenariat avec l'institut médico-éducatif (IME) Perdrizet, de la Fondation Arc-en-ciel, ceux-ci ont été particulièrement difficiles à convaincre. «Les administrateurs ont pour réflexe de protéger le public dont ils s'occupent, explique Denys Laruelle, actuel directeur de la résidence. Or la proximité de jeunes handicapés en insertion professionnelle avec les pensionnaires âgés de la résidence ne les enchantait pas.» Le temps des bénévoles n'étant pas celui des professionnels, il aura fallu de la patience pour les persuader. Et les encouragements du conseil général, des visites dans des établissements qui, via la coopération, ont mis en place une blanchisserie, ainsi que l'accompagnement d'un cabinet de conseil.

Un atelier d'insertion

C'est désormais chose faite: au 1er janvier 2006, les jeunes de l'IME traiteront le linge des résidants de la maison de retraite dans le cadre d'un atelier de blanchisserie. La résidence Saint-Joseph n'aura ainsi pas à rénover sa lingerie, devenue vétuste, ni à racheter des machines. Elle louera ses locaux à l'IME, qui pourra concrétiser son projet d'unité de préparation à l'insertion sociale et professionnelle en milieu ordinaire. «D'abord, il s'agira de douze places dépendant de l'IME pour des jeunes relevant des “amendements Creton'' (1), précise Thierry Novelli, le directeur. Mais nous aimerions ensuite monter à trente places en élargissant l'accès de la blanchisserie à des travailleurs handicapés peu déficients.»

En attendant, le directeur de la résidence prévoit le redéploiement du poste de la responsable de l'ancienne lingerie: celle-ci sera présente au démarrage de la blanchisserie pour identifier les éventuels problèmes de circuit du linge, puis travaillera au nouveau salon de coiffure de l'établissement. Denys Laruelle est confiant dans l'avenir: les partenariats n'impliquant aucune imbrication des structures dans leur fonctionnement sont assurés de leur pérennité. «Il faudra réaliser une évaluation annuelle de toutes ces initiatives pour les ajuster, reconnaît-il pourtant, et s'ouvrir à d'autres partenariats.»

(1) A défaut d'une place dans un établissement pour adultes handicapés, un jeune majeur peut être maintenu dans l'éducation spéciale.
Marie Duribreux

Trophée Direction(s)

Cette initiative a reçu le Premier Trophée Direction(s), le 17 novembre 2005, et le prix «Coopération entre le secteur social, médico-social et sanitaire», dans la catégorie «Travail en réseau».

Echange de bons procédés

Jouer gagnant-gagnant. C'est l'argument à développer pour convaincre des partenaires potentiels.

La résidence Saint-Joseph devient le pivot d'un système de coopération à l'échelle du canton. Dans le futur, elle pourrait imaginer d'autres services pour les habitants, au travers de ce nouveau maillage établissement-ville-domicile.

L'institut médico-éducatif Perdrizet bénéficie de locaux à proximité et propose du travail à douze de ses jeunes. En échange, il rénove les lieux et traitera le linge des résidants de la maison de retraite.

La communauté de communes de la Haute Savoureuse change d'image: après avoir été baptisée «la communauté des tuyaux», elle prend un visage humain en gérant une crèche.

Le conseil général offre des services de proximité grâce à son point d'ancrage à Giromagny. Après l'institution, en 1993, d'une Conférence de gérontologie, organe associant les partenaires du secteur personnes âgées dans le département, c'est un pas supplémentaire dans la culture partenariale développée depuis. «Dix ans auparavant, avoir une permanence dans un établissement aurait été impensable, atteste Gérard Carle, le directeur aux personnes âgées et personnes handicapées. Le conseil général ne risque plus de passer pour l'œil de Moscou!»

Contact

Résidence Saint-Joseph: 03 84 27 14 61





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