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13e Trophée - Lauréat
Des salariés acteurs de la prévention des risques

01/12/2017

Chartres de Bretagne (Ille-et-Vilaine). L’association Assia Réseau UNA s’est saisie de l’enjeu des risques professionnels notamment liés aux manipulations et aux transferts. Depuis cinq ans, elle déploie des actions de prévention qui s’appuient sur la formation des salariés et l’intervention de personnes ressources, notamment sur un plateau technique.


Vidéo-reportage - Lauréat du 13è Trophée Direction[s] : Assia Réseau Una (Ille et Vilaine).

« Bonjour Blandine, vous avez bien dormi ? Comment ça va ce matin ? » Linda Gicquel, auxiliaire de vie sociale (AVS), aide Blandine Lucas, en situation de handicap, à se lever. Cette professionnelle du service d'accompagnement et d'aide à domicile (Saad) de l’association Assia Réseau UNA, abaisse le lit médicalisé, se positionne, genoux fléchis, et s'appuie surun guidon de transfert à roulette. « C'est important pour ne pas me blesser et pour rassurer Blandine qui, au départ, ne faisait pas confiance à mon petit gabarit », sourit l’AVS. Avec d’autres collègues, elle a été formée à ces bons réflexes dans le cadre d’une démarche de prévention des risques professionnels initiée par l’organisation, implantée à Chartes de Bretagne, près de Rennes, et qui compte près de 400 salariés intervenant à domicile, mais aussi en établissement.    

En 2012, l'association connaît en effet un pic de la fréquence et de la gravité des accidents et arrêts de travail, en particulier liés aux transferts et aux manutentions, qui représentaient la moitié des déclarations à l’époque. « Nous nous rendons auprès de personnes particulièrement dépendantes, qui nécessitent un accompagnement physique important, explique Ronald Lozachmeur, actuel directeur général, alors en charge des ressources humaines. Dans un secteur où les salariés sont plus touchés par les accidents du travail que dans le BTP, c’est notre rôle d'employeur d'agir. » Il décide alors de sensibiliser et de former les salariés afin de les rendre acteurs de la démarche, en s’attachant plus particulièrement à la question des gestes et postures et à la bonne utilisation des matériels techniques.

Des sessions trois fois par an

Pour maîtriser le calendrier et toucher le plus de salariés possible, Ronald Lozachmeur imagine des formations dispensées en interne. Il présente son projet au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Dont un des membres, François Diquelou (AVS), se porte volontaire pour devenir formateur « Acteur prévention secours (APS), aide et soin à domicile » puis de former à son tour ses collègues. Son cursus, sur trois étapes [1], s'étale sur trois ans, jusqu’à fin 2015. « Cela m'a permis d'acquérir des connaissances de fond et des techniques pédagogiques », explique le salarié. Ronald Lozachmeur n'avait pas imaginé que ce serait si long, « mais cela n'a pas éteint notre envie ».

Désormais, François Diquelou intervient trois fois par an lors de sessions de trois jours auprès de groupes d’une dizaine de professionnels. « Nous abordons d'abord les gestes de premiers secours, adaptés au travailleur isolé, détaille-t-il. Ainsi, leur inquiétude face à une éventuelle situation de détresse diminue. » Les stagiaires revoient ensuite les techniques de transfert et de manutention. « J'ai appris que même si je m'occupe d'une personne, je dois commencer par prendre soin de moi, rapporte Linda Gicquel. François Diquelou leur enseigne aussi à observer leur environnement de travail pour analyser les risques : « Par exemple, ne jamais hésiter à téléphoner à un collègue ou un responsable qui peut les aider à résoudre un problème. Je leur rappelle qu'ils font partie d'un collectif. »

Pendant ces formations, Hélène Chopin, l'ergothérapeute qui a été recrutée à 60 % en 2015 puis à 80 % janvier 2016, prend le relais pour expliquer comment bien se positionner et utiliser le matériel. « Par habitude et pour aller plus vite, on a tendance à faire à la place de la personne. Elle nous encourage donc à nous servir plutôt de ses capacités restantes », pointe François Diquelou. Hélène Chopin rédige également des fiches techniques d'utilisation du matériel, illustrées de photos. « Et j'interviens à domicile sur des situations difficiles pour aménager l'habitat, trouver le matériel adapté ou ajuster une posture d'un salarié », résume-t-elle. Une sangle de lève-personne mieux réglée ou l'installation d'une poignée dans la douche peuvent faire la différence. Elle peut même aider un usager à obtenir un fauteuil roulant électrique.

Lucie Gatel, 21 ans, et Cheyenne Ève, 22 ans, toutes deux aides-soignantes, apprécient ses conseils. « À domicile, on ne peut pas demander le coup de main d'un collègue et les pièces sont souvent encombrées, donc le travail est vite fatigant », raconte Cheyenne Ève, qui s'est déjà blessée à l'épaule. « Ce sont le dos et les bras qui souffrent, renchérit sa collègue. C'est pour cela que nous ne ferons pas ce métier toute notre vie. Notre corps dira stop. »

Du matériel d’essai

Les deux aides-soignantes ont appris à manier un lève-personne, un guidon de transfert ou encore un verticalisateur sur le plateau technique d'Assia. Installée dans les locaux du siège en 2016, cette salle présente le matériel (mis à disposition gracieusement par un prestataire) dont les professionnels peuvent se servir. « Chaque nouveau salarié est formé à leur utilisation par l'ergothérapeute, pendant une demi-journée, précise Ronald Lozachmeur. C'est important, car certains débutent dans le secteur sans diplôme. » Cela les rassure aussi, car parfois, les usagers ne sont pas tendres avec les nouvelles recrues. En outre, tous les professionnels peuvent demander à repasser ponctuellement sur le plateau technique pour vérifier un geste avec l’ergothérapeute. « Nous les mettons en situation d'usager, grâce à des lunettes et à un équipement qui simulent la vieillesse ou le handicap », illustre Hélène Chopin. « Sachant ce qu'ils ressentent, les salariés adaptent leurs gestes et évitent les réactions agressives des personnes », ajoute François Diquelou. 

Des fiches de signalement

Dès 2013, l'ensemble des encadrants de proximité des services et établissements (responsable de secteur, infirmières référentes, coordinatrices) ont aussi bénéficié d'une formation de deux jours sur les risques professionnels (lire ci-dessous) dispensée par la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). « En analysant avec eux les statistiques de l’organisation, nous leur avons fait prendre conscience de leur rôle central dans cette politique de prévention », retrace Éric Jean, contrôleur de sécurité à la Carsat Bretagne. Assia réseau UNA a également mis en circulation depuis 2013 un formulaire de signalement des risques, pour que chaque salarié puisse avertir d'un problème avant qu'il dégénère. « Il peut s'agir d'absence de matériel, de logement insalubre, mais aussi de racisme ou d'insulte de la part de l'usager », énumère Mélanie Le Gall, l’animatrice qualité.

Et les résultats sont là. Entre 2012 et 2015, la fréquence des accidents de travail (AT) a baissé, de même que le nombre de jours d'arrêt de travail. Le taux de fréquence des AT (nombre d’AT avec arrêt pour 1 million d’heures travaillées) a oscillé entre 60 et 70, contre 102 en 2012. Et le taux de gravité (nombre de jours perdus suite à un AT) est passé de 7,63 en 2012 à 5,5 en 2014, et 2,64 en 2016.

« Le problème reste que nos financeurs nous demandent de limiter les heures de sensibilisation sur le plateau technique considérées comme "improductives" », soulève Ronald Lozachmeur. D’autant qu’il souligne un point de vigilance : « Actuellement, il est tellement difficile de recruter qu'en cas d'absence, la difficulté est de ne pas charger les plannings des présents et de ne pas remettre en question les résultats de notre prévention ». Celle-ci coûte moins cher que les arrêts de travail, rappelle-t-il. Le directeur souhaite par ailleurs l'étendre aux salariés travaillant en établissements (foyer de vie et établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – Ehpad). Pour le moment, 95 % des professionnels formés sont ceux intervenant à domicile « car ils sont plus nombreux et davantage soumis au turn-over », explique Ronald Lozachmeur.

Une action qui inspire

Et l’action essaime. Le partenariat avec la Carsat a donné lieu à une démarche régionale sur la prévention des risques impliquant 21 autres structures bretonnes : Par Adom. « Le secteur de l'aide à domicile a besoin de muscler sa politique de santé au travail, observe Éric Jean. C'est compliqué, parce que les travailleurs sont isolés et que l'employeur ne les voit pas au quotidien. C'est aussi un secteur où il est difficile de recruter et qui souffre de problèmes de financement. » Dans ce cadre, Assia a regroupé des personnels volontaires pour analyser des situations de travail, balayer les risques professionnels afin d’aboutir prochainement à un plan d'action. Une façon de conforter les actions existantes et de les formaliser. « Surtout, c'est intéressant car tout vient des salariés, note Mélanie Le Gall. Ils sont acteurs de la prévention ». Un bon moyen de les fidéliser.

 

[1] Formation de sauveteur secouriste du travail, puis de formateur sauveteur, enfin de formateur « Acteur prévention secours » (APS).

Audrey Guiller - Photos : Thomas Gogny

« Je pense autant aux salariés qu'aux usagers »

Solène Chevalier, responsable de secteur au Saad d'Assia

« J'ai été formée à la prévention des risques professionnels des salariés par la Carsat. C'est un enjeu pour nous aussi, encadrants. Pour assurer leur bien-être, les salariés doivent se préserver s'ils veulent durer dans le métier. Et parce que l'absentéisme est compliqué à gérer. J'ai appris à les sensibiliser davantage aux règles de sécurité : ne pas travailler en sandales, par exemple. Quand je mets en place un accompagnement, je suis plus attentive à faire intervenir les professionnels en binôme sur les situations compliquées, autant que possible. Ou alors à faire évoluer le matériel nécessaire selon la perte d’autonomie. Désormais, je pense autant aux risques pour le salarié que pour l’usager. Je leur répète de m’alerter en cas de souci. Même si certains ont peur du jugement et n’osent pas, c’est lorsqu’ils arrêtent d’utiliser le matériel pour “aller plus vite” qu’ils se blessent. Je leur propose donc régulièrement de repasser par le plateau technique. »

 

En chiffres

  • 400 professionnels, dont 270 interviennent à domicile et 110 en établissements.
  • Plus de 3 000 usagers accompagnés chaque année.
  • 16 aides à domicile formés APS.
  • 70 salariés formés sur le plateau technique.
  • 40 à 70 fiches de signalement de risques remontées chaque année.
  • Budget annuel : 13 millions d'euros.

Contact

02 99 77 12 77

Publié dans le magazine Direction[s] N° 159 - décembre 2017

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