Dans l'ombre du métier d'éducateur spécialisé (1), celui de moniteur éducateur doit-il en être l'anti-chambre? C'est la question qui se pose aux 22000 moniteurs éducateurs. Ceux-ci travaillent, en effet, dans les mêmes structures que les éducateurs spécialisés: foyers, centres d'accueil, maisons d'enfants, centres d'hébergement... Ils œuvrent auprès des mêmes publics: enfants, personnes handicapées, personnes en difficultés... et avec des modes d'intervention très proches - accompagnement, aide quotidienne, animation, projets personnels...

Si certains secteurs ont longtemps été réservés aux éducateurs spécialisés, comme la prévention spécialisée ou le milieu ouvert, «les barrières tombent peu à peu et l'on trouve aujourd'hui des moniteurs éducateurs là où exercent les éducateurs spécialisés», souligne Patrick Perrard (1) auteur d'un ouvrage sur le métier de moniteur éducateur.

Aujourd'hui trois éléments majeurs distinguent les deux métiers. Aucun diplôme n'est requis pour préparer le certificat d'aptitude aux fonctions de moniteur éducateur, alors que le bac l'est pour le diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé. La formation est de deux ans pour les premiers, contre trois ans pour les seconds. Dernière différence, et non des moindres, la rémunération est plus élevée chez les éducateurs spécialisés.

Un profil à dessiner

Les compétences? «C'est un vieux serpent de mer», selon Patrick Perrard. La commission de travail qui planche, depuis la rentrée 2005, sur l'avis que délivrera la commission professionnelle consultative sur les référentiels des moniteurs éducateurs et des éducateurs spécialisés s'y attaque aujourd'hui. Claude Noël, directeur adjoint de l'Institut de formation des travailleurs sociaux d'Echirolles (Isère), animateur de la commission «moniteur éducateur» au sein de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social, estime possible de clarifier ces deux profils: «Si on ne le fait pas, comment un directeur peut-il distinguer l'un de l'autre dans son management et justifier l'écart de rémunération dans son équipe? Comment une institution peut-elle expliquer qu'elle a besoin des uns et des autres auprès des financeurs?»

Débats sur la formation

La formation fait aussi l'objet de débats. Selon Edmond de la Morvonnais, chef de projet à la direction «recherche, études et développement» du fonds d'assurance formation Unifaf, c'est là que se cristallisent les difficultés: «La validation des acquis de l'expérience nécessite des référentiels de formation qui se calent sur les référentiels de compétences. Des correspondances doivent être possibles entre les blocs de compétences et de formation».

Or «l'écueil serait justement de créer un tronc commun pour les éducateurs spécialisés et les moniteurs éducateurs, avec des options par métier, relève Patrick Perrard. Cela renforcerait l'idée que les moniteurs éducateurs sont des sous-éducateurs. Alors qu'ils ont des compétences propres, en tant qu'organisateurs de la vie quotidienne».

Dans la convention de 1966, les moniteurs éducateurs, en externat, commencent leur carrière à 1630 euros mensuels pour finir à 2554 euros. Dans celle de 1951, la rémunération s'échelonne de 1805 euros à 2347 euros. Dans la fonction publique, elle est de 1258 euros à 2068 euros, hors primes.

Quant à leur carrière, elle évolue principalement vers des fonctions... d'éducateur spécialisé. Un passage qui reste obligé pour évoluer. Bonne nouvelle: depuis 2005, les moniteurs éducateurs peuvent obtenir tout ou partie du diplôme d'éducateur spécialisé par la validation des acquis de l'expérience, en plus de la voie de la formation continue pour laquelle les diplômés bénéficient d'allégements de formation.

(1) Direction(s), n˚22, p. 47.