A compter du 1er janvier 2009, date d'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs, les délégués à la tutelle deviendront « mandataires judiciaires à la protection des majeurs ». A la clé : un nouveau statut professionnel, une obligation de formation, et des modalités d'évaluation et de contrôle. Une réforme qui unifie le statut de tous les professionnels qui « exercent à titre habituel les mesures de protection des majeurs que le juge des tutelles leur confie au titre [...] de la sauvegarde de justice [...], de la curatelle, de la tutelle et de la mesure d'accompagnement judiciaire ». Autrement dit, les gérants de tutelle privés et hospitaliers, ainsi que les délégués employés des services tutélaires associatifs. Leur mission consiste à représenter, accompagner et administrer les ressources de personnes qui, du fait d'une altération de leurs facultés, ne peuvent défendre seules leurs intérêts. Tous devront désormais satisfaire aux mêmes conditions de moralité, d'âge, de formation « certifiée par l'Etat » et d'expérience professionnelle, qui restent à fixer par décret. De quoi homogénéiser une fonction qui ne dispose d'aucun diplôme propre.
Des exigences renforcées
Alors qu'il mêle accompagnement social, gestion financière et compétences juridiques, ce poste n'exige, en effet, aucun cursus officiel : créée en 1988, la formation d'adaptation à la fonction est restée facultative (1)! Travailleurs sociaux et juristes constituent cependant l'essentiel des troupes dans le secteur associatif. « A la prise de poste, les travailleurs sociaux ont des lacunes sur le plan juridique et les juristes méconnaissent souvent le jargon social et les réseaux. Le travail en équipe nous permet toutefois de mutualiser nos compétences », note Christine Robriquet, déléguée à la tutelle à la Sauvegarde de Vendée. En cours d'élaboration, le contenu de la formation de mandataire visera notamment à pallier ces déficits respectifs. « L'objectif étant de constituer un socle commun important, pour former des professionnels ayant au final des compétences équivalentes », explique Agnès Brousse, chargée du dossier à l'Union nationale des associations familiales.
Quelques grands axes émergent déjà des groupes de travail en cours. La formation pourrait s'articuler autour de quatre modules, respectivement consacrés aux domaines juridique, financier, à la protection de la personne, à l'intervention du mandataire. Excepté ce dernier, tous pourraient faire l'objet d'allégements ou de dispenses, en fonction du profil du candidat. Sur le fond, « les changements les plus prégnants par rapport aux formations existantes concerneront l'approche globale de la personne, pour une intervention mieux adaptée aux profils des majeurs protégés -pathologie mentale, vieillissement... », présume Nicole Guégan, responsable des formations tutélaires à l'Institut régional du travail social de Bretagne. Qui note également « l'importance de la communication avec la personne, notamment dans le cadre de l'entretien d'aide ». Avec l'entrée de l'activité tutélaire dans le champ de la loi 2002-2, un vrai changement de philosophie devrait intervenir. « Il y aura une évaluation de l'intervention, des procédures et des écrits à mettre en œuvre. Il s'agira de faire de l'usager un acteur participatif de son projet », analyse Janine Mathieu, vice-présidente de l'Association nationale des délégués aux tutelles.
Des exigences saluées par les professionnels qui espèrent toutefois bénéficier d'une meilleure reconnaissance statutaire. La fonction de délégué ne figurant pas dans la convention collective (CCN) du 15 mars 1966, ces professionnels sont généralement rémunérés sur la base d'un statut d'éducateur spécialisé -soit 1709,45e bruts en début de carrière. L'instauration d'une rémunération différenciée pourrait donc intervenir dans le cadre de la réforme de la CC de 66. Autant d'avancées pour le secteur qui ambitionne cependant une formation diplômante, synonyme de reconnaissance d'un véritable métier.
(1) Il existe un certificat national de compétence, obligatoire pour les délégués à la tutelle aux prestations sociales. Cette mesure disparaît toutefois dans le cadre de la réforme
Marion Léotoing
Point de vue
François Richir, directeur général de l'Association tutélaire des inadaptés du Nord, Lille
« Le secteur revendique la création d'un diplôme d'Etat de niveau II pour les mandataires. Ce n'est pas ce qui se dessine dans le cadre du décret en préparation, mais la réforme apporte une amélioration majeure en instaurant enfin une obligation de formation. J'applique pour ma part des critères de recrutement exigeants, comprenant le suivi de la formation d'adaptation à la fonction. Mais de grandes disparités existent au niveau national, d'où l'importance de l'unification imposée par la loi. Bien sûr, les employeurs disposeront d'un délai -deux ou trois ans- pour que les personnels puissent s'adapter. »