Le cadre législatif et réglementaire du secteur social et médico-social évolue, les missions du directeur administratif et financier (DAF) aussi. Historiquement, le DAF avait un rôle essentiellement opérationnel, voire d'exécution, avec une responsabilité en matière d'achat et de gestion du patrimoine, ainsi que la tenue et la validation des comptes de l'association, chaque établissement tenant les siens. « Mais depuis deux à trois ans, le secteur a vu la mise en place des contrats d'objectifs et de moyens et les groupements de coopération, à quoi il faut ajouter un nouveau cadre réglementaire et comptable », explique Anne-Valérie Dommanget, responsable du département gestion, évaluation et financement à la Fegapei. Autant de nouvelles réglementations qui ont peu à peu élargi les missions, demandé des compétences nouvelles et repositionné le DAF au sein de la direction. « Aujourd'hui, on raisonne de manière transversale et globale au niveau du siège », résume Martine Pin, DAF de l'Association régionale des infirmes moteurs cérébraux de la région Rhône-Alpes (26 millions d'euros de budget). Fini donc le temps du DAF technicien, bienvenue au DAF stratège! Exemple : « On est passé d'une politique de remplacement des biens et des matériels à une politique d'anticipation et d'adaptation de la réponse aux besoins », explique Martine Rollin, DAF de l'Association familiale de l'Isère pour enfants et adultes handicapés intellectuels (100 millions d'euros de budget). Elle confirme ainsi que les contrats d'objectifs et de moyens obligent à s'engager sur la durée et sur des objectifs partagés avec le financeur.
Un excellent communicant
Des objectifs qui doivent, en outre, être mesurables via des indicateurs. La dimension de contrôle de gestion prend ainsi une place essentielle afin de produire à tout moment une photographie précise de la situation financière et comptable. « Aujourd'hui, nous suivons les budgets de chaque établissement. Nous devons donc développer des outils pertinents comme des tableaux de bord. Ils sont présents dans le privé mais encore peu utilisés dans notre secteur », explique Martine Pin. De plus, en supervisant désormais la gestion des établissements en lien direct avec les directeurs, le DAF doit également posséder des qualités de manager et être un excellent communicant.
Cette complexité de la fonction peut-elle alors nécessiter de recruter des professionnels venant du monde de l'entreprise? « Il peut effectivement être intéressant d'importer des techniques du privé », estime Thérèse Bony, DRH de l'association Chrysalide à Marseille qui vient d'embaucher une nouvelle DAF, venue d'un cabinet d'expert comptable. L'année précédente, elle avait commandé à un cabinet de conseil une étude sur les savoir-faire essentiels des postes stratégiques, qui lui a permis de dresser un portrait-robot du candidat idéal pour ce métier.
Master en gestion
Aujourd'hui, le destin tout tracé des comptables ayant fait carrière dans le secteur et devenant DAF est de plus en plus incertain (1), sauf à être régulièrement et sérieusement formés au cours de leur parcours professionnel. Des profils universitaires de type master en gestion ou ayant au minimum un diplôme d'études comptables et financières sont désormais courtisés. Encore, faut-il pouvoir les attirer sur le plan financier. Selon la Fehap, la fonction de DAF n'est pas répertoriée dans la convention collective de 1951. Dans la pratique, les établissements négocient au cas par cas, en fonction du profil et de leurs moyens. En revanche, la convention collective de 1966 reconnaît la fonction depuis 2001 pour un salaire de base d'environ 3300 euros bruts, hors compléments de rémunérations. Ce revenu ne permet pas encore de concurrencer le secteur privé. Mais étant donné l'intérêt sucité par la fonction, celle-ci pourrait attirer de jeunes diplômés, ou des candidats plus expérimentés, désireux de donner un nouveau sens à leur carrière.
(1) Lire Direction(s) n˚ 16, p. 39
Manuel Jardinaud
Point de vue
Rose Crocilla, directrice administrative et financière de l'Adapei Ardèche
« Aujourd'hui, nos financeurs sont de véritables techniciens qui ont une bonne formation en comptabilité et en gestion. Si nous n'avons pas les mêmes compétences et la même expertise, nous ne pouvons pas répondre à leurs questions, souvent ardues. Nous nous devons de produire des réponses chiffrées et argumentées. Cet aspect-là est nouveau dans le secteur. C'est l'une des raisons pour lesquelles les associations ont besoin de profils pointus et formés ».