Profil singulier chez les travailleurs sociaux, puisqu'il appuie sa pratique d'éducateur sur une culture et un savoir-faire techniques, l'éducateur technique spécialisé (ETS) est celui qui, par définition, « contribue à l'intégration sociale et professionnelle de personnes présentant un handicap ou des difficultés d'ordre social ou économique par la mise en œuvre d'apprentissages techniques.» Un rôle que l'ETS tient auprès d'enfants, d'adolescents ou d'adultes, et reconnu depuis l'automne 2005 par un diplôme d'Etat (DEETS).
« A travers l'apprentissage de gestes techniques même simples, les ETS apportent des compétences transversales: respect des horaires, tenues de travail adaptées et bien entretenues, outils, consignes de sécurité et organisation d'activités », explique Véronique Delanghe, directrice de l'institut médico-professionnel (Impro) Le Manoir, dans les Yvelines. Leurs qualifications d'ordre plus technique leur permettent de préparer les adolescents à des stages en établissements et services d'aide par le travail (Esat), ou en entreprises.
Même constat à l'association La Clé pour l'autisme, dans le Val-d'Oise, qui doit ouvrir une structure destinée aux jeunes adultes: « L'idée était de s'inscrire dans la continuité de l'Impro pour s'adresser à des personnes pour qui l'entrée en Esat intervient un peu tôt. Le profil de l'ETS nous a intéressés, parce qu'il transmet un savoir-faire », précise Thomas Rioton, responsable de ce centre d'initiation au travail et à la vie sociale (CITVS).
Questions sur la formation
Gérard Mauffet, responsable des ateliers à l'institut médico-éducatif dunkerquois pense lui aussi que les ETS sont des professionnels appréciés: « Aujourd'hui, nous assistons à un rééquilibrage entre psys, éducateurs spécialisés et ETS », déclare-t-il. Mais si l'existence du DEETS est saluée par les directeurs d'établissements, elle ne va pas sans poser de questions. Certains en tirent avantage, comme ce moniteur d'atelier en espace vert dans un service psychiatrique, qui utilise sa formation pour défendre sa place et sortir de l'image caricaturale de jardinier qu'on lui prête parfois.
De plus, avec l'accès au diplôme par voie directe, d'autres ETS, plus jeunes et au bagage moins conséquent, vont arriver sur le marché. Or « l'expérience professionnelle est aussi une expérience de vie qui a valeur d'exemple », explique Bertrand Bourloton, directeur de l'établissement et service d'aide par le travail (Esat) La Montagne du Parisis dans le Val-d'Oise, où il a fait le choix de « métiers porteurs de sens », tels que la reliure ou la menuiserie. Autre question encore, celle du financement d'une formation sur trois ans pour des candidats qui ont déjà commencé leur vie professionnelle...
Enfin se pose le problème des débouchés naturels. « Alors que leur mission correspond aux options politiques du moment, et notamment celles de la loi de 2005 sur la participation des personnes handicapées, les ETS trouvent moins leur place dans les Esat, explique Dominique Balestrino, animatrice de la commission métier certification pour les ETS à l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social. C'est avant tout un problème de financement, mais il faut aussi faire le choix de suivre individuellement les personnes. »
Un constat que partage en partie Yannick Boulet, ancien directeur de l'association des centres d'aide par le travail de Paris: « Si pour le directeur, il y a un intérêt à embaucher un ETS, mieux formé qu'un moniteur d'atelier, et à lui confier une mission de pronostic et de conseil, pour le financeur, les ETS coûtent cher. Et la première mission des Esat est la mise au travail, pas l'apprentissage. » Contraintes de la production, pression économique..., nombreux sont les ETS à se tourner vers des missions plus éducatives, là où ils pourront mieux transmettre « un savoir, un savoir-faire et un savoir-être pour mieux savoir devenir », conclut Gérard Mauffet.
Corinne Manoury
Point de vue
Antoine Cordente, responsable de formation à l'institut Saint-Simon, Toulouse
« La profession d'ETS a parfaitement son sens aujourd'hui. Et la question n'est pas de savoir où il travaille, mais où on devrait le rencontrer: en milieu ordinaire. Les personnes accueillies en Esat sont discriminées par rapport aux personnes handicapées aidées par l'Agefiph. Alors qu'on pourrait parfaitement imaginer des ETS au sein des entreprises pour les faire sortir des structures médico-sociales. De même à l'ANPE, dans les missions locales... Ils pourraient développer l'accompagnement à la validation des acquis de l'expérience, comme cela a été testé avec succès en Midi-Pyrénées. Ils ne seraient alors plus différents, mais simplement compétents. »