Dans une autre vie, le médecin coordonnateur aurait pu être ambassadeur dans un pays difficile. C'est un métier complexe, mais lorsqu'il est pratiqué avec efficacité, il permet de rassembler des cultures différentes », résume non sans humour le Dr Alain Libert, président du syndicat national des médecins généralistes intervenant en Ehpad (SNGIE). Un organisme récent qui entend représenter les généralistes coordonnateurs et les médecins traitants intervenant en Ehpad, en faisant valoir leur rôle complémentaire et leur « compétence spécifique dans l'évaluation, le traitement et le suivi des personnes âgées ». Car depuis 2005 (1), la présence d'un médecin coordonnateur est obligatoire dans tous ces établissements.
Douze fonctions lui ont été assignées - du projet général de soins à la veille sanitaire - que l'on peut regrouper selon trois axes: prise en charge du patient, management de l'équipe et conseil médical du directeur. « Pour les maisons de retraite qui avaient une section de cure médicale, le décret a juste officialisé le statut du médecin. En effet, son rôle d'encadrement de l'équipe sur la partie soins n'était pas clairement défini, explique Laurence Licata, ancienne directrice d'Ehpad, aujourd'hui consultante formatrice spécialisée en gérontologie. Pour les autres, le problème a surtout été d'intégrer des équipes plus étoffées, avec ergothérapeute, kinésithérapeute, infirmier coordonnateur, au sein de la convention tripartite. L'avantage majeur, c'est la sécurisation médicale de l'établissement. »
Disponibilité
Un avis que partagent bon nombre de directeurs d'Ehpad, à commencer par Norbert Navarro, secrétaire national de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), à la tête d'une résidence de 80 lits dans le Puy-de-Dôme. « Les résidants ont le libre choix de leur médecin traitant, mais ce dernier vient quand il peut, et les familles ne le voient pas systématiquement. Le médecin coordonnateur est alors là pour expliquer les soins. » Là aussi pour réduire les conflits entre administratif et médical, justement parce qu'il a « une autre approche vis-à-vis de ses confrères », souligne Maryse Pichon, directrice adjointe chargée des ressources humaines et de l'accueil clientèle à l'Ehpad de Podensac, en Gironde.
Pourtant, les relations avec les médecins traitants sont souvent citées comme une des difficultés profondes de la fonction. Le Dr Jean-Christophe Mouterde, médecin coordonnateur à Fécamp (Seine-Maritime), déplore ainsi l'impossibilité d'établir avec les médecins libéraux un règlement intérieur. Tandis que Patrice Ravaine, directeur d'un établissement de 65 résidants en Moselle, constate le rôle ingrat de son médecin coordonnateur qui doit composer avec 17 médecins traitants aux exigences et compétences différentes.
Rémunération insuffisante
Autre écueil important, le temps de travail du médecin coordonnateur comparé à la faiblesse de la rémunération. Un deuxième décret, paru en 2007 (2), l'a pourtant précisé. Mais il ne prévoit pas plus de 0,5 équivalent temps plein pour une structure à la capacité supérieure ou égale à 100 places avec un niveau de dépendance élevé. « Il est évident que les médecins coordonnateurs sont beaucoup plus présents que ce pour quoi ils sont payés, remarque Norbert Navarro. Le cadre horaire est insuffisant au vu de la multiplicité des tâches. » Et le Dr Libert d'ajouter: « Cela pose parfois problème au moment de la remise du rapport annuel. Car le médecin coordonnateur peut se voir reprocher de n'avoir pas mis en place toutes les mesures qui auraient dû l'être. »
D'où la nécessité de former un triptyque harmonieux avec le directeur de l'établissement et le cadre infirmier responsable de l'équipe de soins, pour faciliter le choix des soins et déléguer.
(1) Décret n˚ 2005-560 du 27 mai 2005 (2) Décret n˚ 2007-547 du 11 avril 2007
Corinne Manoury
Point de vue
Dr Eugène Castelain, médecin coordonnateur dans le Pas-de-Calais
« Le problème essentiel, c'est notre reconnaissance par les directeurs d'établissements à qui nous avons été imposés, mais aussi par les institutions, Ddass et conseils généraux. Cette fonction n'est pas encore intégrée, y compris par les médecins coordonnateurs eux-mêmes. Nous sommes restés dans une mentalité “maison de retraite”, différente de celle de l'hôpital. Il est donc difficile d'avoir des moyens, tant en termes de personnel de soins que de temps alloué au médecin. Ce manque de gratitude se manifeste aussi dans le salaire qui peut varier du simple au double en fonction du secteur public ou privé. »