En pédopsychiatrie, l'essentiel du travail se fait dans le médico-social ». Pour Marc Maximin, pédopsychiatre partageant son temps entre un hôpital de jour pour enfants et un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), le médico-social est, par excellence, un secteur « passionnant ».
Difficultés de recrutement
Pourtant, nombreux sont les directeurs d'établissements, dans les domaines du handicap mental, psychique et de l'enfance en danger, qui peinent à recruter ces praticiens. « Nous avons eu jusqu'à dix équivalents temps plein, mais, nous n'en comptons plus que quatre et demi », déplore Jean-Paul Guillotteau, directeur général d'un CMPP. « Le problème n'est pas le manque de moyens ou de subventions, mais bien de candidatures. » Les salaires proposés - environ 4500 euros bruts mensuels en début de carrière dans les conventions collectives de 1951 et 1966 - soit moins que ce que les psychiatres peuvent espérer en libéral, ne sont pas la principale cause de cette pénurie.
La multiplication des postes à temps partiel, les publics souvent difficiles, les contraintes du salariat et le prestige, moindre en médico-social qu'en hospitalier: autant de facteurs propres à décourager les psychiatres, par ailleurs très courtisés, tant leur nombre est insuffisant sur le territoire. « À l'hôpital, le psychiatre est un peu son propre chef et bénéficie d'une certaine aura, surtout quand il dirige un service, souligne Marc Maximin. Dans le secteur médico-social, sa position est plus ambiguë: en matière de soins, il est le seul responsable, mais pour le reste, c'est un salarié soumis aux mêmes règles que les autres, noyé dans un collectif. » Une ambiguïté que la double dimension, médicale et institutionnelle, de la psychiatrie en médico-social ne fait que renforcer. Cette particularité constitue la richesse du secteur, mais les études de psychiatrie n'y préparent pas: les internes n'ont pas la possibilité d'effectuer de stage en établissement spécialisé. Et les seules formations propres, des diplômes universitaires en psychothérapie institutionnelle, n'ont aucun caractère obligatoire.
Pilotage et évaluation
Pourtant, le secteur fait appel à des qualités spécifiques. En plus de sa mission de prescripteur de soins, le psychiatre doit, notamment, effectuer tout un travail de pilotage des équipes, qui garantit la dimension thérapeutique de la prise en charge. « J'anime des réunions hebdomadaires, afin d'apporter un éclairage psychopathologique sur les usagers et leurs troubles. J'aide le personnel à comprendre certains comportements déroutants auxquels il est confronté », détaille Jean-Pierre Garret, psychiatre exerçant deux demi-journées par semaine dans un établissement et service d'aide par le travail.
Autre mission spécifique, l'évaluation. « Avec le glissement vers une prise en charge de l'enfant non plus individuelle, mais pluri professionnelle et en réseau, leur mission a évolué, analyse Jean-Paul Guillotteau, directeur général du CMPP d'Indre-et-Loire. Ils doivent désormais concevoir, en amont, un réseau et un système de soins global, puis, en aval, effectuer un travail de surveillance et d'évaluation du dispositif. »
En binôme avec le directeur
Du fait des multiples facettes de son métier et de sa place particulière dans l'organigramme, la qualité du travail du psychiatre varie selon la relation qu'il entretient avec le directeur d'établissement. « Avec le chef de service, ce sont les deux cadres qui ont une position importante », détaille Marc Maximin. « Pour que chacun puisse exercer sereinement dans sa sphère de compétence, il faut qu'ils forment un binôme de qualité. C'est l'une des conditions sine qua non de la bonne marche de ces structures ».
Tiphaine Boucher-Casel
Point de vue
Roger Salbreux, pédopsychiatre, président du syndicat CFE/CGC des psychiatres salariés
« Pour que la prise en charge en établissement soit véritablement thérapeutique, le travail du psychiatre, en consultation, ne suffit pas. Il doit se combiner avec celui du personnel présent au quotidien aux côtés des usagers. Il est donc essentiel, pour que ces équipes deviennent vraiment soignantes, qu'une collaboration s'instaure et que des bilans réguliers soient faits. C'est ce qui avait fait la fortune du secteur dans les années 1960 et 1970. Malheureusement, on assiste depuis à un appauvrissement médical et psychiatrique du médico-social: les restrictions budgétaires, combinées au glissement des structures vers des modes de pilotage plus gestionnaires, aboutissent trop souvent à la réduction drastique des temps de présence des psychiatres. Marginalisés, alors qu'ils devraient être au cœur du processus, ils se détournent alors souvent d'un secteur pourtant très intéressant. »