Irrationnelle, l'art-thérapie ? Souvent décriée, cette pratique qui se définit par ses disciples, comme l'exploitation du potentiel artistique dans une visée humanitaire et thérapeutique, a fait une percée dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Elle est exercée par des professionnels issus d'horizons très variés. Ce sont les psychiatres qui ont été les premiers à expérimenter cette thérapie au début du XXe siècle. Puis, ils ont été rejoints par des psychologues mais aussi par des artistes et des paramédicaux. Aujourd'hui, les art-thérapeutes sont considérés comme exerçant un métier aligné sur les professions paramédicales officielles.
Généralement, ils sont spécialisés dans une technique artistique (musique, danse, arts plastiques). Ils peuvent également être experts dans la prise en charge d'une pathologie spécifique (autisme, maladie d'Alzheimer et apparentées...). Mais tous n'ont pas suivi une formation. Elle est pourtant indispensable à une pratique dans un cadre strict comme le souligne Richard Forestier, directeur pédagogique de l'école d'art-thérapie de Tours. « C'est-à-dire sur indication médicale, au sein d'une équipe pluridisciplinaire et selon un projetpersonnalisé défini qui doit faire l'objet d'une évaluation ». Et d'ajouter : « Les débouchés sont en l'occurrence plus rares pour les professionnels diplômés d'écoles non reconnues par le milieu médical ».
Des formations reconnues
Ces écoles sont au nombre d'une dizaine. Parmi elles, quatre situées à Poitiers, Lille, Grenoble et Tours préparent au diplôme universitaire (DU) d'art-thérapie et sont adossées à l'Association française de recherches et applications des techniques artistiques en pédagogie et médecine (Afratapem). Les candidats qui souhaitent suivre la formation doivent avoir une pratique artistique confirmée et un niveau licence ou « une pratique professionnelle dans les milieux sanitaires, sociaux, culturels ou éducatifs relevant d'un intérêt et d'une compétence en accord avec l'objectif de la formation ». Les cours se répartissent en 210 heures d'enseignement théorique (médecine, biologie, psychologie...) et d'activités spécialisées pratiques ( observation et évaluation en art-thérapie, études de cas...) et 105 heures de stages d'observation en milieu professionnel. Leur objectif est de former des intervenants spécialisés en art-thérapie c'est-à-dire de « donner aux personnes ayant une compétence artistique les connaissances théoriques et méthodologiques nécessaires à l'exploitation de l'art dans un processus de soin ou d'assistance aux personnes malades, handicapées, souffrant de troubles psychologiques et/ou physiques ou ayant des retards dans les acquisitions et le développement de leur personnalité ».
Le certificat délivré en fin de formation donne l'entrée au DU d'art-thérapie (équivalent master 2) de la faculté de médecine de Tours ou de Poitiers, Grenoble ou de Lille.
Lieux d'exercice et rémunération
Dans le secteur social et médico-social, l'art-thérapeute peut exercer à l'hôpital, en maison de retraite, en centre médico-psycho-pédagogique, en Institut médico-éducatif voire à domicile dans le cadre d'un service de soins infirmiers à domicile. Les ateliers sont proposés de façon individuelle ou collective. L'objectif étant de favoriser la communication, sortir l'usager de l'isolement et de dépasser ses souffrances. Cette démarche s'inscrit dans une prise en charge globale, en concertation avec les équipes médicale et éducative. La profession n'étant pas inscrite dans les conventions collectives et non réglementée par le Code de la santé publique, la rémunération de l'art-thérapeute est basée sur celle des professions paramédicales et le plus souvent de l'ergothérapeute. Soit environ 45 euros bruts de l'heure pour un salarié et jusqu'à 70 euros de l'heure sur facture.
Estelle Nouel
Point de vue
Patrick Gaillard, directeur de la Mecs Les Planètes, à Villieu Loyes Mollon (Ain)
« J'ai choisi de faire intervenir un art-thérapeute dans l'établissement pour donner aux enfants accueillis la possibilité de s'exprimer dans un registre autre que ceux proposés par l'accompagnement socio-éducatif et le soutien psychologique traditionnels. En effet, les expériences similaires que j'ai pu mettre en place antérieurement, dans d'autres maisons d'enfants à caractère social (Mecs), ont montré que l'approche singulière développée par l'art-thérapie permet de solliciter et d'exploiter des potentialités restées étrangères aux autres modes d'action. Stimulant la partie "saine" de l'individu, hors des enjeux éducatifs ou du travail sur la souffrance, force a été de constater que cette pratique est venue modifier, de manière originale, le regard des usagers sur eux-mêmes et celui des autres. Rien de miraculeux dans tout cela. S'il est de la compétence de l'art-thérapeute de trouver les supports, individuels ou collectifs, les plus adaptés aux usagers (arts plastiques, pratiques musicales et instrumentales, activités théâtrales...), son action vient s'inscrire dans un cadre pluridisciplinaire. La clé de la réussite est également à rechercher dans la collaboration étroite et permanente développée par tous les professionnels concernés. Reste que la ligne budgétaire n'est pas extensible ! Notre art-thérapeute est pour l'instant un stagiaire. »
En savoir plus
Tout savoir sur l'art-thérapie, Richard Forestier, éd. Favre, 2000
Publié dans le magazine Direction[s] N° 76 - août 2010