Le psychothérapeute reçoit ses patients en cabinet ou en institution et a recours, pour les aider à résoudre leurs difficultés psychiques, à différentes pratiques allant du travail psychanalytique jusqu'aux techniques de psychothérapie : comportementale, cognitiviste, transactionnelle ou programmation neurolinguistique (PNL). Dans le secteur social et médico-social, il exerce principalement dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), les centres d'action médico-sociale précoce (Camsp), les centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), mais également dans les instituts médico-éducatifs (IME) et les instituts éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques (Itep) auprès des enfants et adolescents handicapés. Il peut être psychiatre, psychologue, psychanalyste (lire À savoir) ou, jusqu'à la réforme récente qui encadre ce métier, exercer sans aucun diplôme ou titre reconnu. C'est pourquoi, il est difficile de chiffrer le nombre exact de psychothérapeutes travaillant dans le secteur social et médico-social. « En général, les établissements et services embauchent des psychiatres et des psychologues cliniciens en leur demandant de mettre en place des psychothérapies. On peut évaluer leur nombre à 25 000 pour les psychologues et 5 000 pour les psychiatres », précise Daniel Gacoin, consultant et directeur du cabinet Proéthique Conseil.
Un nouveau cadre
Le décretdu 20 mai 2010(1) pourrait bien bouleverser la donne. Il prévoit que l'usage du titre de psychothérapeute est désormais réservé aux professionnels inscrits au registre national, décliné en listes départementales. Cette inscription est subordonnée à la validation d'une formation en psychopathologie clinique de 400 heures au minimum. D'après l'arrêté du 8 juin 2010 (2), elle doit permettre de valider ou d'acquérir « les fondamentaux de la psychopathologie clinique, son histoire, ses méthodes de recherche et ses dispositifs de prise en charge ». Quant au stage pratique, d'une durée de cinq mois, il doit être accompli notamment dans un établissement privé ou public agréé par l'agence régionale de santé. Daniel Gacoin estime que cette réforme est la bienvenue. « Ce décret a le mérite de clore le débat autour de pratiques thérapeutiques qui faisaient parfois courir un risque majeur aux patients : pratiques abusives, sectaires ou sans contrôle clinique. Il permet aussi de résoudre l'exigence de formation complémentaire pour pouvoir faire usage du titre de psychothérapeute. »
Un débat autour de la formation
En revanche, de nombreuses associations de professionnels se sont émues des dispenses accordées à certains et ont dénoncé une médicalisation de la fonction (lire Point de vue). En effet, contrairement aux psychologues et psychanalystes qui sont soumis à une obligation de formation complémentaire (3), par exemple 150 heures pour les psychologues cliniciens, les psychiatres bénéficient d'une dispense totale de formation et de stage.
Une autre conséquence du décret concerne le financement des formations. « Il existe un risque que les établissements et services ne souhaitent pas, ou ne puissent pas, s'engager dans ces dépenses. Ils contourneront les obligations, en parlant d'activités de soutien plutôt que de psychothérapies, sans grand engagement des psychothérapeutes concernés, opposés au décret », s'inquiète le consultant Daniel Gacoin.
(1) Décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute (2) Arrêté du 8 juin 2010 relatif à la formation en psychopathologie clinique conduisant au titre de psychothérapeute (3) Théories se rapportant à la psychopathologie ; principales approches utilisées en psychothérapie ; critères de discernement des grandes pathologies psychiatriques.
Estelle Nouel
Point de vue
Roland Gori, professeur de psychologie clinique à l'université d'Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône)
« Les dispenses de scolarité totales ou partielles sont prévues par une annexe du décret du 20 mai 2010. Non seulement cette annexe établit insidieusement une hiérarchie arbitraire des professions et une médicalisation de la psychothérapie normalisée par le modèle du psychiatre, mais encore, elle inscrit les conditions de formation aux pratiques dans un dispositif sanitaire au sein duquel le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) a un pouvoir exorbitant d'agrément et de nomination (1). Quant aux employeurs, ils risquent progressivement d'exiger des psychologues qu'ils vont recruter le titre de psychothérapeute. Ces derniers ainsi que les étudiants en psychologie vont être tentés par cette formation complémentaire avec un risque de montée en charge de son coût. À l'inverse, la formation universitaire des masters de psychopathologie clinique suivie par les psychologues cliniciens va être sous-évaluée.
(1) Les établissements souhaitant dispenser la formation en psychopathologie clinique doivent, en effet, adresser un dossier de demande d'agrément au directeur général de l'ARS.
À savoir
Le psychiatre est un médecin. Il s'occupe des maladies mentales et des troubles pathologiques graves en utilisant des techniques d'entretien et de psychothérapies. Il peut également prescrire des médicaments. Le psychologue, dont la profession est encadrée par la loi du 25 juillet 1985, mène des entretiens et utilise les tests psychologiques pour évaluer et diagnostiquer les problèmes de ses patients. Il peut aussi mettre en œuvre des psychothérapies.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 77 - octobre 2010