L'encadrant technique est aux structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE) ce que le chef d'équipe est à l'entreprise industrielle ou commerciale. Dans les chantiers d'insertion (ACI), régies de quartier et ateliers des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), il manage les salariés en insertion ou en contrats aidés. Il organise l'activité de production (cuisine, construction, plomberie, entretien d'espaces verts…) via la gestion des commandes, du planning de réalisation…
Sous sa houlette, un public fragile et hétérogène, exclu temporairement du marché du travail traditionnel. « Par exemple, une même équipe peut être composée d'un salarié qui a des problèmes d'addiction, d'un autre sans logement et d'un autre encore sans qualification, explique Henri Combi, du groupe d'appui pour l'ingénierie du titre d'encadrant technique d'activités d'insertion par l'économique (ETAIE). L'encadrant participe aussi à leur accompagnement social, en concertation avec les conseillers en insertion socioprofessionnelle, et il doit être capable de former les salariés en situation de travail. » Une compétence d'autant plus importante que le nouveau conventionnement des SIAE par l'État prend en compte, depuis 2009, les objectifs de retour à l'emploi affichés par la structure.
Un recrutement difficile
Les multiples facettes du métier font du « bon encadrant technique » une espèce assez rare sur le marché du travail. « Il y a surtout des profils généralistes d'enseignants ou de formateurs. Je recrute donc en priorité du personnel avec des compétences techniques, formé sur le terrain, en entreprise, par exemple un chef d'équipe dans le bâtiment, patron d'espaces verts… », témoigne Christophe Lauvray, directeur d'Organisation de chantiers d'insertion solidaires (Orchis), à Loches (Indre-et-Loire). Mais faute d'expérience dans l'accompagnement social, certains parcours s'interrompent prématurément. Henri Combi prévient : « Il y a un turn-over important dans les mois qui suivent l'embauche. Même si les encadrants arrivent avec de bonnes intentions, il peut y avoir une forme de désillusion. Et mener à la démission. » Pour faire face à ces difficultés, certains employeurs privilégient la promotion interne au sein des chantiers, en faisant évoluer les salariés en insertion. Ou en développant leurs compétences, grâce à la formation continue.
Vers la professionnalisation
Les titres d'encadrant technique d'insertion (ETI) et d'activités d'insertion par l'économique (ETAIE) – portés respectivement par le ministère de l'Emploi et la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) — sont reconnus depuis 2002. De niveau IV, ils sanctionnent les mêmes compétences aux termes de 350 à 400 heures de formation en alternance et sont aussi accessibles via la validation des acquis de l'expérience (1). À ce jour, plus de 800 encadrants techniques ont obtenu l'une ou l'autre certification.
Les frais pédagogiques, de déplacement ou encore de remplacement peuvent être financés – en totalité ou en partie – sur le plan de formation et/ou sur le fonds de professionnalisation.
Une fois diplômé, la rémunération de l'encadrant technique n'augmente pas, sauf disposition particulière locale. Dans les accords collectifs CHRS, le salaire de base est fixé à 1413 euros brut. Il s'élève à 1658 euros dans la convention nationale des régies de quartier. Enfin, celle des ACI, en passe d'être étendue, prévoit d'aligner la rémunération des encadrants sur celle des conseillers en insertion (de niveau III). Un pas de plus vers la valorisation de la fonction.
(1) La formation ETAIE est organisée par la Fnars et l'Institut social de Lille dans 10 régions, bientôt 13. L'Afpa dispense la formation ETI en Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Picardie.
Aurélia Descamps
Point de vue
Jean-Pierre Hauchard, directeur de l'Œuvre hospitalière de nuit, à Rouen (Seine-Maritime)
« La place des encadrants techniques dans la structure est primordiale car l'organisation de nos ateliers de CHRS et des six chantiers d'insertion leur est totalement déléguée. Il y a une politique forte de l'association pour les inciter à suivre la formation ETAIE, malgré leurs réticences, notament leur crainte de reprendre des études. Mais elle leur apporte un nouvel éclairage sur leur activité, leur donne des clés pour l'accompagnement social et pour le management d'équipe. Les encadrants prennent alors du recul sur leur travail et gagnent en assurance. En termes d'image, la professionnalisation des salariés permet de valoriser nos activités. L'inconvénient, c'est la durée de la formation en alternance, assez longue. Quand les encadrants sont en centre, trois jours par quinzaine, il suffit souvent de réorganiser les équipes. Mais quand on a besoin d'un remplaçant, les choses se compliquent… »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 90 - décembre 2011