La première promotion vient d'entrer en formation. Dans deux ans, une quinzaine de professionnels formeront la première génération de techniciens en accessibilité et compensation sensorielle (Tacs). Conçue au sein de la Fédération nationale pour l'insertion des personnes sourdes et des personnes aveugles en France (Fisaf), cette nouvelle spécialité, sanctionnée par une licence en sciences de l'Éducation de l'université Paris 13, remplace celle de rééducateur en autonomie de la vie journalière (AVJ). D'une durée de 24 semaines réparties sur 22 mois, la formation comprend un stage pratique et un voyage d'étude en Europe. Tarif : 11 000 euros, sans compter les frais d'inscription à l'université.
Reconnu par la CCN 66
Actuellement, quelque 120 « avéjistes » exercent dans les établissements médico-sociaux : sections d'éducation et d'enseignement spécialisées, services d'intégration pour adultes, centres de rééducation fonctionnelle, maisons de retraite… Généralement ergothérapeutes, psychomotriciens ou éducateurs spécialisés, ils peuvent aussi être infirmiers, orthoptistes, kinésithérapeutes, voire conseiller en économie sociale et familiale. Spécialité complémentaire d'une compétence initiale, la profession est seulement reconnue par la convention collective nationale de 1966 – CCN 66 (10 points supplémentaires).
Comme l'Avéjiste, le Tacs est un expert de la réadaptation et de la rééducation fonctionnelle, qui vise l'autonomie de la personne malvoyante ou aveugle. Habillement, cuisine, démarches administratives, rangement, courses, téléphonie, lecture, loisirs… Dans tous les domaines de la vie quotidienne, il s'appuie sur un bilan des besoins et capacités motrices, sensorielles, cognitives et psychosociales de la personne. Objectif ? Lui apprendre à utiliser au mieux son potentiel visuel, ou à déployer des techniques de compensation. « Il n'y a pas de rééducation type, témoigne Claire Cantenot, psychomotricienne et avéjiste au Centre Witkwoska à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône) (lire ci-dessous). Les aspects relationnels sont très importants : créer un lien de confiance avec la personne puisqu'on entre dans son intimité, la soutenir dans son cheminement pour assumer le handicap, respecter son rythme d'acquisition, travailler en lien avec les proches… »
Demande des collectivités
La formation de Tacs comprend deux nouveaux volets : l'autonomie dans les déplacements et la préconisation d'aides techniques. Pour Patrick Faivre, directeur de Santifontaine, centre d'éducation pour déficients visuels de Nancy, l'intérêt est évident : « Les collectivités nous demandent des dispositifs souples, moins coûteux et de proximité. Actuellement, il nous faut sept ou huit professionnels pour animer un service d'accompagnement à la vie sociale [SAVS]. Avec des profils plus complets on peut fonctionner à trois ou quatre. » Si certains instructeurs en locomotion et avéjistes redoutent un « détricotage » des spécialités, cette évolution s'impose selon la Fisaf. « Avec le vieillissement de la population, les besoins des personnes déficientes visuelles s'élargissent, au-delà de l'accompagnement des jeunes aveugles congénitaux auprès desquels nous travaillons historiquement, souligne aussi Vincent Brouard, avéjiste à l'Institut Montéclair d'Angers (Maine-et-Loire) et formateur. L'approche traditionnelle hyperspécialisée devient insuffisante : désormais, pour intervenir à domicile auprès d'une personne âgée, on pourra s'adresser à un seul professionnel. »
Clémence Dellangnol
Point de vue
Jean-Michel Abry, directeur du Centre Witkowska, Sainte-Foy-les-Lyon (Rhône)
« L'avéjiste intervient dans tous les services du centre : l'Esat pour personnes aveugles et malvoyantes, en hébergement, à domicile dans le cadre du SAVS, dans les appartements externalisés… C'est une personne ressource. Je l'ai consultée lorsque nous avons engagé des travaux dans les salles de bains. Elle m'a conseillé sur les éclairages, l'accessibilité, la signalétique… Elle connaît très bien la gestuelle des personnes aveugles ou malvoyantes. Depuis vingt ans qu'elle exerce, elle s'était formée sur le tas. J'ai donc souhaité qu'elle puisse suivre la formation. C'est assez lourd pour l'établissement (environ 34 000 euros de frais pédagogiques et d'hébergement sur deux ans, financés par l'organisme paritaire collecteur agréé Unifaf). Sans compter les longues absences pendant lesquelles je n'ai pas pu la remplacer. Mais il était important que ses compétences soient reconnues. Et sa technicité étayée par un bagage plus théorique. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 86 - juillet 2011