Alain Grévot, administrateur ad hoc
Comme son nom l'indique, l'administrateur ad hoc (AAH) opère ponctuellement et dans un but précis. Lequel ? Représenter des mineurs victimes dans des procédures pénales et civiles, lorsque leur intérêt est opposé à ceux de leurs représentants légaux. Mandaté par un magistrat, l'AAH intervient sur des questions de maltraitance, de filiation, de succession… Mentionnée dès 1910, la fonction s'étoffe régulièrement à partir de la loi du 10 juillet 1989. Dernière évolution en date : les AAH peuvent être désignés pour exercer les droits des mineurs isolés étrangers en zone d'attente et dans le cadre de la demande d'asile depuis 2002.
Entre judiciaire et éducatif
Tout au long de la procédure, l'AAH peut, avec le jeune, demander la désignation d'un avocat, des expertises, exercer un recours, réclamer des dommages et intérêts… Mais pas seulement. « Son rôle est aussi d'accompagner le mineur et de lui rendre ce parcours plus supportable, ajoute Aude Camagne, coordinatrice de la formation AAH à l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (Inavem). Il doit être disponible, très pédagogue, et être en contact régulier avec le référent social, qui connaît la famille. Clé de voûte entre le judiciaire et l'éducatif, c'est un facilitateur. » Mais la loi ne s'épanche pas sur ses missions. Conséquence : les pratiques sont variables.
Le cadre d'exercice également. Pour être inscrit sur les listes des administrateurs ad hoc dressées par chaque cour d'appel, le candidat – ou les membres de l'association qui souhaite être « habilitée » – doit remplir certaines conditions, d'âge et de compétence entre autres. Ainsi, les AAH sont souvent juristes ou intervenants sociaux de formation. Outre les indépendants, on trouve notamment des AAH – bénévoles ou salariés – dans les conseils généraux et les associations familiales (Udaf), de Sauvegarde ou d'aide aux victimes. Les deux grands réseaux du secteur, la Fédération nationale des administrateurs ad hoc (Fenaah) et l'Inavem en recensent environ 120 pour les mandats civils et pénaux. « Mais il n'y a pas de lisibilité totale sur l'activité. Et même s'il existe des formations de base (1), il manque un statut et une qualification », déplore Alain Grévot, président de la Fenaah.
Un financement problématique
Également directeur du service d'interventions spécialisées d'action éducative (Sisae) de l'association Jeunesse culture loisirs technique (JCLT) dans l'Oise, Alain Grévot emploie une cadre, un salarié et encadre deux bénévoles pour la mission d'administration ad hoc : « De tels services spécialisés sont rares. Souvent, les administrateurs exercent d'autres fonctions en parallèle (conseil juridique...). En effet, le financement est problématique. Malgré la refonte de l'indemnisation en 2008 (2), qui a surtout revalorisé les procédures les plus lourdes, les tribunaux restent de très mauvais payeurs. » À l'image de quelques autres, si le service existe, c'est grâce aux subventions du conseil général, qui couvrent les dépenses salariales.
Dans le cadre du Sisae, l'administration ad hoc ne relève pas de la loi 2002-2 relative à la rénovation de l'action sociale, mais c'est la convention collective nationale de 1966 qui s'applique aux deux employés, avec une rémunération de base de 1623 euros brut (2543 euros pour la cadre). Mêmes salariés, les AAH ont un statut particulier : « Il y a une responsabilité personnelle très forte dans leur activité, précise le directeur. Sans compter qu'ils ont une charge de travail variable en fonction des étapes de la procédure, ce qui implique certains aménagements du temps de travail. » Bien que « ad hoc », la fonction ne rentre décidément pas dans une case.
(1) Notamment organisées par l'Inavem, France terre d'asile, Chrysallis formations ad hoc
(2) De 50 à 450 euros par mandat
Aurélia Descamps
Point de vue
Laurent Delbos, chargé de mission mineurs isolés étrangers à France terre d'asile
« L'association a toujours employé des professionnels spécialisés dans l'accompagnement juridique des mineurs isolés étrangers (MIE). Mais avec la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, nous devions passer par un administrateur ad hoc (AAH) intermédiaire, pour lui faire signer les documents de demande d'asile. Afin de simplifier les choses, l'association a été désignée AAH en 2004. Depuis, dans deux de nos trois services juridiques, un salarié exerce cette fonction. Nous suivons la plupart des jeunes qui nous sont confiés et ceux que l'aide sociale à l'enfance nous envoie. En général, les AAH qui travaillent avec des MIE sont des personnes indépendantes. L'avantage lorsqu'il s'agit d'une association ? Nous assurons un encadrement, nous avons une expertise en droit des étrangers et des financements. Ce dernier critère est essentiel quand on sait que chaque mandat est indemnisé 150 euros par la Justice… pour quatre jours complets de travail en moyenne. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 93 - mars 2012