Née de manière spontanée dans les années 1980, l’activité de médiateur social et culturel est le plus souvent exercée par des femmes issues de l’immigration qui assurent une fonction d’interface entre des personnes de culture étrangère et les institutions. Elle s'est, depuis, développée avec la création d’associations de « femmes-relais », et s’est professionnalisée dans les années 2000 grâce à la création d’un référentiel métier, d’une charte de déontologie et d’une formation qualifiante ouvrant sur le diplôme de « technicien médiation service » de niveau bac, créé par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).
En appui aux travailleurs sociaux
Selon le référentiel métier, le médiateur social et culturel est un tiers impartial, indépendant et sans pouvoir institutionnel. Son rôle ? Aider au règlement des conflits, favoriser l’accès aux droits et la compréhension des institutions. Il contribue à la communication entre des personnes de langues, de cultures et de systèmes de valeur différents. Il sait trouver la bonne proximité avec les intéressés, s’appuie sur la négociation, le libre consentement et l’égalité entre les parties. Soumis au secret professionnel, le médiateur garantit la confidentialité des échanges.
Parfois recrutées directement par un service social ou une collectivité locale, les médiatrices sont le plus souvent employées par une association de femmes-relais qui travaille en partenariat avec la caisse d’allocations familiales, le service de la protection maternelle et infantile, un centre de santé ou bien encore la préfecture. Ainsi, pour faciliter le contact avec les familles africaines, le service de prévention spécialisée de Seine-Saint-Denis de la fondation Jeunesse Feu vert, emploie deux médiatrices. Leurs missions : traduire, mettre en confiance, expliquer le travail des éducateurs, les attentes de l’école, dénouer des conflits parents-enfants. « On s’appuie sur leur connaissance du quartier, des populations et des codes culturels, explique Yann Bourhis, le directeur. Pour nous c’est un plus, car les travailleurs sociaux peuvent se concentrer sur l’accompagnement des jeunes, tout en ayant une meilleure perception des situations familiales. »
Besoin de professionnalisation
La plupart des professionnelles sont engagées en contrat aidé à durée déterminée, rémunérées au Smic, dans le cadre du dispositif de politique de la ville des « adultes-relais ». Les enjeux ? La pérennisation de ces postes, ainsi que la reconnaissance et la professionnalisation de ce métier. La fondation Jeunesse Feu vert a, pour sa part, réussi à pérenniser l’un d'entre eux sous le statut de moniteur-éducateur.
L’intervention ou l’arrivée d’une médiatrice dans un service social nécessite de bien délimiter et articuler les missions de chacun afin d’éviter rivalités ou méfiance de la part des autres travailleurs sociaux. La maison des parents et de la famille de Bondy (Seine-Saint-Denis) emploie cinq médiatrices, agents de catégorie C. Elles aident aux démarches administratives, en lien avec les services publics locaux, animent des réunions d’information, de prévention santé, ou bien encore des ateliers d’insertion. « Elles n’ont pas vocation à remplacer les assistantes sociales, mais les rencontrent régulièrement pour évoquer des situations délicates ou accompagner un usager à un entretien », explique Sabah Amara, directrice de ce service municipal. Par ailleurs, l’une d’elles accompagne les parents dans leurs relations avec l’école, pour traduire le bulletin scolaire, participer aux entretiens, éviter une exclusion ou un décrochage. « Le but est de valoriser les personnes dans leur rôle de parent et de les rendre autonomes », ajoute la directrice.
Mariette Kammerer
Avis d’expert
Danièle Onesti, formatrice à l’IRTS de Paris
« La déontologie et le processus de formation sont importants pour légitimer le travail des médiatrices aux yeux des autres intervenants. Dans le champ du travail social, ce métier se distingue par un positionnement très spécifique : une proximité géographique, culturelle, sociale avec les personnes accompagnées, une approche plus compréhensive qu’éducative, et une position de tiers impartial sans pouvoir institutionnel. Toute la difficulté était d’inventer une formation et un diplôme pour des compétences reposant avant tout sur un savoir personnel, culturel et une expérience migratoire. La formation de "technicien médiation services" dure 420 heures. Les médiatrices sont invitées à réfléchir sur leur pratique et à délimiter leur champ d’action. À partir de leur expérience, nous leur apportons des outils sur la relation d’aide, la conception de projets, les aspects juridiques, les partenariats, les écrits professionnels, et l’analyse de pratique. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 97 - juillet 2012