C’est l’un des métiers les plus anciens et transversaux du secteur, et la seule profession sociale réglementée. Les assistants de service social (ASS) constituaient en 2009 une cohorte de plus de 45 000 professionnels (95 % de femmes). Si beaucoup exercent dans la fonction publique territoriale (au sein des services sociaux des conseils généraux et dans les CCAS par exemple), ils sont aussi présents dans l’hospitalière, le secteur associatif, en entreprise, dans l’Éducation nationale, la Protection judiciaire de la jeunesse… Les débouchés sont très variés, tout comme leurs missions qui ont connu de nombreuses et profondes mutations en 20 ans.
Extension de la précarité, vieillissement de la population, complexification des dispositifs… Leur champ d’intervention s’est étendu, s’adaptant aux évolutions des politiques et aux nouveaux modes d’organisation de l’action sociale. Non sans conséquences sur les compétences requises. Pour cela, en 2004 puis 2008, le diplôme d’État d’assistant de service social (DEASS), de niveau III, a été remanié en profondeur et ouvert à la validation des acquis de l’expérience (VAE). Principales modifications ? Introduction de la logique de compétences (qui structure les référentiels professionnels de certification et de formation), renforcement des connaissances en politiques publiques, accent mis sur l’intervention collective, l’expertise sociale, la communication professionnelle ou encore le travail en réseau.
Une formation mieux adaptée
Huit ans après, quel bilan ? Si l’on en croit l’évaluation [1] de la réingénierie du DEASS, remise en octobre dernier à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) par le cabinet Geste (lire l'encadré ci-dessous), les nouveaux diplômés sont mieux outillés. La réforme a contribué à hausser le niveau d’obtention du titre et les jeunes recrues sont « mieux à même de participer aux multiples coordinations, conseils, projets de territoires que les politiques contractualisées ont multipliées. »
« Si l’accès à l’emploi s’est un peu durci, le taux d’insertion des diplômés reste élevé », ajoute Chantal Mazaeff, responsable de la commission sur les métiers de niveau III en travail social de l’Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis). Qu’en pensent les employeurs ? Selon l’évaluation du cabinet Geste, « ceux qui peuvent apprécier la réingénierie, insistent souvent sur le "formatage" et l’"instrumentalisation" des jeunes diplômés qui auraient une vision trop technique et pas assez "éthique" de leur métier. [Mais] rares sont ceux qui mettent en perspective les compétences correspondant aux évolutions futures du métier. » Des employeurs qui notent aussi une certaine usure professionnelle, génératrice de demandes de bilans professionnels et de réorientations internes… En effet, pour les ASS, les conditions de travail sont jugées de plus en plus difficiles. « Ils font trop souvent du travail de guichet, sans pouvoir pratiquer l’accompagnement qui leur permet de visualiser les résultats de leur intervention », souligne Françoise Dro, directrice du pôle personnes âgées et personnes handicapées au conseil général du Territoire de Belfort.
Un risque d’usure
L’étude Geste est sans appel : les ASS forment une « profession dévalorisée aux yeux du public et des jeunes en particulier, en raison notamment des conditions d’exercice et de son niveau de reconnaissance salariale ». Alors que les organisations de professionnels réclament une reconnaissance de niveau II depuis la réforme, dans le cadre du processus de Bologne (licence-master-doctorat), le maintien au niveau III contribue à plafonner les grilles de rémunérations. À titre indicatif, les salaires des ASS relevant de la convention collective de 1966 s'élèvent environ de 1670 à 2850 euros brut mensuels. Dans la fonction publique, ils vont de 1514 à 2384 euros brut (hors primes). « Si la territoriale propose sensiblement les mêmes grilles, les conseils généraux sont généralement plus attractifs : primes et autres avantages, évolution professionnelle plus souple », précise Françoise Dro. Reste que selon l’étude Geste, l’ensemble de ces éléments « participent à une rétractation des candidatures à la formation », ce alors que le flux de candidats à la VAE reste faible.
[1] « Évaluation de la réingénierie du diplôme d’État d’assistant de service social », Louis Dubouchet consultant et cabinet Geste, pour la DGCS, octobre 2012.
Catherine Piraud-Rouet, avec N. G.
Avis d’expert
Louis Dubouchet, consultant en évaluation des politiques sociales, coordinateur de l'étude sur l’évaluation du DEASS (Geste-DGCS)
« La réforme du DEASS a produit des diplômés plus aptes à mener des actions collectives, à ordonner des projets de territoire et à maîtriser les écrits professionnels. Toutefois, l’élévation du niveau d’obtention du diplôme le rend moins accessible à une partie des étudiants, ce qui entraîne un véritable risque de désaffection. En outre, la perte d’attractivité du métier peut générer l’acceptation de candidats moins armés théoriquement ou psychologiquement. Ce qui est d’ailleurs un facteur d’usure professionnelle précoce. Une réflexion d’ensemble sur le positionnement du diplôme et des emplois auxquels il conduit est aujourd’hui souhaitable. Il faut aussi vérifier que ses exigences sont toujours comparables avec celles des autres diplômes de niveau III (éducateur spécialisé, conseiller en économie sociale et familiale). D’autant que la mise au point de modules communs de compétences, visant à une transversalité entre ces diplômes n’a pas vraiment abouti à désenclaver les métiers. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 104 - février 2013