Le métier d’enseignant spécialisé est en plein bouleversement. Alors qu'ils travaillaient en classe, face à un ou plusieurs élèves, ces professionnels jouent aussi désormais un rôle de personne ressource pour les autres enseignants et les équipes intervenant auprès des élèves handicapés ou en difficulté. Leurs missions ? Instruire et accompagner dans leur apprentissage scolaire des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers liés à leur handicap, à leur maladie ou à des problèmes scolaires graves. Dans le primaire, ils exercent au sein des classes pour l'inclusion scolaire (Clis) ou des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). Dans le secondaire, on les retrouve dans les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) ou encore les sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa). Ils travaillent également dans les unités éducatives des établissements et services sociaux et médico-sociaux – ESSMS (Itep, IME, CMPP, Camps, Sessad…) ou dans les hôpitaux. Selon l’Éducation nationale, en 2012, ils étaient plus de 5100 dans ce cas. Leur travail s'inscrit dans le projet global de l'établissement, en complément des actions éducatives et thérapeutiques et dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation (PPS) via une pédagogie adaptée.
Un métier en mutation
Ces dix dernières années, ce métier a profondément évolué, notamment sous l’impulsion de la loi Handicap du 11 février 2005 prônant l’inclusion scolaire. « Les élèves handicapés intègrent de plus en plus les classes ordinaires », expose José Puig, directeur de l'Institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INSHEA). Le nombre de professeurs spécialisés dans les ESSMS ou dans des dispositifs particuliers [1] semble donc voué à diminuer. En outre, « historiquement formés à des spécialités correspondant à des catégories de handicap, ils sont amenés à devenir des ingénieurs de l'adaptation pédagogique, des personnes ressources à la disposition des écoles ».
Des mutations qui engendrent de nouveaux besoins de formation. Pour l’heure, il existe deux concours, ouverts aux professeurs titulaires. Dans le premier degré, il s’agit du certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (Capa-SH). Dans le second degré, du certificat complémentaire pour les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (2CA-SH). Ces deux titres, qui proposent de nombreuses options liées au type de handicap, devraient être mis à jour par l'Éducation nationale afin de tenir compte de ces nouveaux besoins.
Un travail en équipe
Des besoins d’autant plus fort que de nombreux postes sont actuellement occupés par des professeurs non titulaires d’une des deux certifications. Effet d’une crise de vocation ? « Le travail dans un ESSMS est peu attractif, notamment en raison de sujétions spéciales (travail le mercredi, une partie des vacances…) liées au rythme de l’établissement, détaille Dominique Leboîteux, chef de projet du domaine social et médico-social de la fédération générale des PEP. Pour recruter et fidéliser un enseignant spécialisé, il faut mettre en avant le travail avec une équipe pluridisciplinaire (éducative, médicale et paramédicale) qui constitue une véritable richesse. »
Parmi leurs perspectives d’évolution ? Outre accéder à un poste de direction d’établissement spécialisé [2], ils peuvent devenir enseignant référent, une mission qui a fait son apparition avec la loi de 2005. Ce professionnel, enseignant spécialisé de formation, est chargé de suivre et de coordonner, sur un secteur déterminé, le parcours des élèves, voire de proposer un plan personnalisé de scolarisation à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
[1] Le nombre de postes en Rased a baissé de 33 % depuis 2008, selon les chiffres de la fédération nationale des associations des rééducateurs de l'Éducation nationale (Fnaren).
[2] Via le diplôme de directeur d'établissement d'éducation adaptée et spécialisée (DDEEAS).
Flore Mabilleau
Point de vue
Jean-Christophe Pitussi, enseignant spécialisé, CMPP Decroly V, association Alefpa à Armentières (Nord)
« Au sein des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), on nous appelle les psychopédagogues. Mon travail se situe au carrefour de la pédagogie et de la psychologie, en collaboration avec une équipe pluridisciplinaire (psychologue, psychomotricien, pédopsychiatre, assistante de service social, orthophoniste). Nous nous adressons à des enfants confrontés à des problématiques variées (troubles de la conduite, des apprentissages, psychomoteurs, psychiques…). Mon rôle est d'accompagner l'enfant dans sa globalité vers les savoirs de l'école, le réconcilier avec les apprentissages et lui redonner du plaisir à apprendre, ce qui passe beaucoup par le jeu. Généralement, je reçois les enfants individuellement, durant deux ans en moyenne à raison d'une fois par semaine, et travaille parallèlement sur des ateliers ou des groupes thérapeutiques. Je fais aussi le lien avec l'école. Pour exercer ce métier, il faut avoir de l'empathie, une grande qualité d'écoute et savoir faire preuve de créativité. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 114 - décembre 2013