Pierre Machemie, responsable du centre de ressources de la Fisaf
Les transcripteurs-adaptateurs sont « des artisans contribuant à l'accessibilité des documents pour les personnes déficientes visuelles, mais aussi pour celles atteintes de troubles "Dys" (dyspraxie, dyslexie, dyscalculie, etc.) », résume Pierre Machemie, responsable du centre de ressources de la Fédération nationale pour l'insertion des personnes sourdes et des personnes aveugles en France (Fisaf). Concrètement, ils veillent à ce que des documents pédagogiques (manuels scolaires…), administratifs, culturels ou encore touristiques, en version papier ou numérique, puissent être clairement déchiffrés. Ce grâce à différentes techniques : braille, audiodescription, voire refonte (graphique, organisation…).
Au plus près des besoins
La plupart de ces professionnels exercent dans des centres de transcription rattachés à des établissements sociaux et médico-sociaux. « Leur travail s'effectue au plus près des besoins, en collaboration avec les équipes paramédicales (notamment les orthoptistes) et éducatives, comme avec les enseignants spécialisés », détaille Pierre Petit, directeur de la Fédération des aveugles et amblyopes de France – Languedoc-Roussillon, qui a créé un centre (comptant 3,5 équivalents temps plein) chargé d'adapter les livres scolaires d'une cinquantaine d'enfants, du CP jusqu'aux études post-bac. Mais il existe aussi des centres de transcription indépendants, voire même des postes isolés. « Par exemple, au sein d’un tribunal », illustre Pierre Machemie.
La maîtrise de la PAO
Le métier, qui se développe avec le boom de l'inclusion scolaire, est actuellement à la croisée des chemins. « Les transcripteurs ont longtemps travaillé sur du papier exclusivement, reprend Pierre Petit. On observe une évolution depuis les années 2000 et l'arrivée du numérique qui facilite la réactivité, l'adaptation et la qualité du travail. » D'autant plus qu'il est désormais possible de télécharger les fichiers sources des éditeurs et de les retravailler. Obligeant les professionnels à maîtriser des logiciels de publication assistée par ordinateur (PAO). Mais l'outil informatique ne permet pas que de recréer un nouveau document papier. « La plupart des enfants ont des fichiers numériques qu'ils peuvent utiliser sur ordinateur, poursuit Pierre Petit. Ce qui suppose qu'ils connaissent la solution informatique. » Et que les documents soient adaptés aux outils de compensation disponibles sur PC (zoom, inversion des contrastes, synthèse vocale, etc.). « Il est de plus en plus nécessaire de maîtriser les nouvelles technologies, mais aussi d'aller vers une mutualisation et un partage des compétences entre centres de transcription, ajoute Pierre Machemie. Le transcripteur-adaptateur doit aussi devenir une personne ressource pour ses propres collègues dans la construction d'outils. »
Vers un diplôme ?
Nombreux sont ceux qui exercent sans diplôme spécifique, après avoir appris leur métier sur le terrain. La Fisaf a donc lancé dans les années 1990 une formation spécialisée « pour répondre à un besoin de compétences techniques et développer la capacité réflexive de ces professionnels, détaille Pierre Machemie. D'abord tournée vers la déficience visuelle, elle a été élargie depuis deux ans aux troubles "Dys" suite à la demande des établissements. » Ce cursus, qui devrait devenir diplômant en 2015, est accessible aux titulaires du bac +3 ou bac +2 avec un an d'expérience en transcription-adaptation (des dérogations sont également possibles en fonction de l'expérience professionnelle). La formation dure deux ans. Au programme : la maîtrise du braille, la connaissance des troubles neurovisuels et « Dys », une réflexion pédagogique, l'utilisation des techniques de transcription et d'adaptation de documents (gros caractères, dessins en relief, logiciels de PAO et de transcription, etc).
Dans la convention collective nationale de 1966, les transcripteurs de braille et adaptateurs de documents spécialisés – justifiant d'une licence d'enseignement et du diplôme Fisaf – débutent leur carrière à 1631,84 euros brut pour la terminer à 2865 euros. Dans la fonction publique hospitalière, chaque établissement établit sa propre grille salariale, même si les professionnels sont en général assimilés à des fonctionnaires de la catégorie A, commençant ainsi avec une rémunération d'environ 1590 euros brut. Toutefois, les postes sont essentiellement occupés par des contractuels.
Flore Mabilleau
Point de vue
Marie-Hélène Sarrazy, adaptatrice de documents, centre de transcription et d'adaptation de la Fédération des aveugles et amblyopes de France - Languedoc Roussillon
« Je travaille sur les versions papier de livres scolaires : la moitié des enfants suivis au centre continuent d'apprendre avec ces supports. À partir de fichiers PDF et en utilisant un logiciel de PAO, ma tâche consiste à améliorer le livre, en supprimant les fonds, gênants pour l'œil de l'élève, en rétablissant le colonnage des textes… Un manuel va donc donner lieu à quatre ou cinq volumes ! Pour exercer ce métier, il faut beaucoup de patience et de rigueur, mais également de l'inventivité, car les ouvrages scolaires ont parfois une mise en page fantaisiste difficilement compréhensible pour un enfant avec une déficience visuelle. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 124 - septembre 2014