Laurent Garcia, psychologue
« Il n’y a pas de fiche de poste type : le psychologue adapte sa pratique à ce que la structure attend de lui. Sa particularité ? Placé sous l’autorité du directeur, il n’a aucun lien hiérarchique avec les équipes. » Ces propos de Laurent Garcia, psychologue-clinicien et formateur, résume le défi de la fonction de psychologue dans le secteur social et médico-social : comprendre les enjeux propres à un établissement ou à un public, tout en gardant sa liberté d’exercice. Défini par la loi du 25 juillet 1985, son statut est le même quel que soit son secteur d’exercice. « Il existe un code de déontologie attaché à la profession datant de 1996, qui a été actualisé en 2011, explique Nicole Marut, secrétaire générale de la Société française de psychologie (SFP). Nous cherchons actuellement à le rendre juridiquement opposable, en l’inscrivant dans la loi. »
Vers un intitulé unique ?
Du côté de la formation, le métier est encadré : tout psychologue doit justifier d’un master 2 professionnel ou de recherche en psychologie, diplômes proposés par de nombreuses universités. « Selon les établissements d’enseignement, il existe pléthore d’intitulés pour ces titres, souligne Nicole Marut. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche consulte actuellement la profession pour simplifier l’offre de formation et n’en garder qu’un seul. » Dans les faits, les cursus offrent parfois certaines spécialisations : gérontologie, psychologie clinique et psychologie de l’enfant sont celles qui intéressent le plus les professionnels amenés à pratiquer dans le secteur.
Dans la fonction publique hospitalière (FPH), une circulaire récente [1] précise les conditions d’exercice. Les psychologues bénéficient d’heures réservées à la formation, l’information et la recherche – dits « temps FIR » –, représentant au maximum un tiers du temps de travail. « Les non-titulaires, de plus en plus nombreux, ont du mal à dégager ces heures, souligne Gilles Métais, coanimateur du collectif national des psychologues Ufmict-CGT. Leur situation précaire les pousse à travailler plus, alors que ce sont eux qui ont le plus besoin de formation. » Autre difficulté dans la FPH, le niveau des rémunérations en classe normale qui s’échelonne entre 1 616 euros et 3 047 euros brut pour un temps plein. « Ces montants n’ont pas été revalorisés depuis 20 ans ! », poursuit le responsable syndical.
Des prestations ponctuelles
Au-delà des salaires, la précarité concerne l’ensemble de la profession. « Très peu ont un poste à temps plein. La plupart cumulent plusieurs contrats à temps partiel, souvent en CDD. Les jeunes en particulier ont du mal à trouver un emploi », commente Nicole Marut. Selon l’Ufmict-CGT, des contrats sur 1/5e à 1/3e de temps ne sont pas rares, en particulier en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Une situation difficile donc, en décalage avec les besoins du terrain. « Le secteur social et médico-social représente environ 80 % à 90 % de l’emploi des psychologues, pointe Laurent Garcia. Par ailleurs, la montée en puissance des troubles psychiques et du polyhandicap fait que ces besoins vont grandissant. » Dans les structures, ce paradoxe s’accompagne souvent d’un certain manque de reconnaissance. « Leur mission reste mal connue, alors que ces éclairages cliniques sont indispensables », poursuit le formateur.
Selon Gilles Métais, la contrainte budgétaire conduit de plus en plus d’établissements, publics ou non, à recourir à des professionnels libéraux pour des prestations ponctuelles. Face à des équipes qui peinent à accompagner certains publics fragiles, le rôle du psychologue tend à s’intensifier. « Il est fortement sollicité pour restaurer du sens, remettre l’humain au cœur des pratiques », conclut Laurent Garcia.
[1] Circulaire n° DGOS/RHSS no 2012-181 du 30 avril 2012
Catherine de Coppet
Point de vue
Marie-Dominique Texier, psychologue et formatrice au centre hospitalier gériatrique du Mont d’Or, Albigny-sur-Saône (Rhône)
« L’appel aux psychologues extérieurs pour analyser la pratique se généralise car il y a de réels besoins. Par exemple, je travaille beaucoup auprès d’aides-soignantes s’occupant de personnes âgées. Des équipes qui, notamment à l’hôpital, sont en demande de soutien. Dans le secteur médico-social, les publics sont très différents. D’une certaine façon, notre rôle est à inventer à chaque fois, en fonction des problématiques et des structures. Personnellement, je bénéficie d’une grande autonomie, d’une certaine créativité même. En matière de formation, il est toutefois nécessaire d'en suivre régulièrement. Malgré les stages, en sortant de l’université, nous sommes encore trop éloignés de la réalité des pratiques. J’ai choisi des sessions complémentaires : l’une sur le "massage sensitif" (une technique d’écoute corporelle), l’autre à la communication non violente, un outil spécifique très intéressant à utiliser dans le rapport aux usagers. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 117 - février 2014