Longtemps cantonné au rôle d’infirmier général, le directeur des soins (DS) dispose aujourd’hui de missions bien plus larges et stratégiques. Dans la fonction publique hospitalière (FPH), ce professionnel de catégorie A, issu d’un corps de direction [1], exerce essentiellement en établissement sanitaire, où il coordonne les soins infirmiers, la rééducation et les activités médico-techniques. Ses attributions n’y sont plus seulement d’ordre opérationnel : il occupe une fonction de manager et de gestionnaire sur les plans tant techniques qu’économiques et financiers. Mais à la faveur des enjeux de décloisonnement entre les secteurs sanitaire et médico-social, des perspectives s’ouvrent pour ce profil.
Des débouchés en Ehpad
En effet, au regard des nouveaux besoins des usagers (vieillissement, polypathologies, maladies chroniques…) et du système de santé (coopérations, réseaux…), la profession poursuit sa mutation. Si bien que le DS franchit parfois les portes du monde sanitaire pour se rapprocher du médico-social, et intégrer des équipes de direction. Essentiellement dans le champ des personnes âgées. Une évolution favorisée par la « mise en place des communautés hospitalières de territoire [CHT], des groupements de coopération sanitaire [GCS] et de différents modes de collaboration entre les acteurs de santé », rappelle le référentiel publié par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). S’il relève d’un corps de direction de la FPH, le DS peut aussi sortir de son cadre d’emploi initial. « Il a les compétences pour gérer les métiers du champ médico-social et, statutairement, il y est autorisé, souligne Cécile Kanitzer, conseillère paramédicale à la Fédération hospitalière de France (FHF). Toutefois, sa formation à l'École de hautes études en santé publique [EHESP] ne le dispense pas de contenus relatifs à la gestion des activités de pilotage de ces structures, contrairement à celle des directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux [D3S] qui fournit toutes les compétences requises. » Même observation de la part de Claude Lescouet, secrétaire national au syndicat Syncass-CFDT : « Les DS n’occuperont pas les fonctions des D3S ou des directeurs d’hôpitaux [DH]. Mais du fait de l’évolution des besoins de coordination notamment, ils vont avoir une implication plus importante. C’est le sens de l’histoire. »
Entre crainte et intérêt
En parallèle, le Centre national de gestion (CNG) constate « un fort taux de postes non pourvus par des DS » en 2012 dans la FPH. Ainsi, « sur 140 postes proposés, seules 51 nominations ont été prononcées, soit 36 % ». Difficile d’évaluer si ce phénomène s’opère au profit du médico-social. Reste que, sur le terrain, certains professionnels notent l’arrivée de ces profils très sanitaires. Avec crainte ou intérêt. « Avec l’accroissement du groupe iso-ressources [GIR] et de l'outil Pathos moyen, le périmètre des prestations soins des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [Ehpad] augmente. Les DS peuvent occuper une place majeure dans le pilotage du pôle soins, estime Jean-Claude Bernadat, directeur de la Résidence Madeleine Verdier, à Montrouge (Hauts-de-Seine). Dans ce sens, la nécessité pour les grosses organisations d’avoir un DS devient même de plus en plus prégnante. » Du point de vue de Cécile Kanitzer aussi, « dans des structures comptant plus de 200 lits médico-sociaux, il pourrait être pertinent de positionner des DS, en plus de l'encadrement de proximité, en ligne hiérarchique des infirmiers diplômés d'État [IDE] coordonnateurs et sous l'autorité administrative d'un directeur. »
Au-delà du secteur public, le profil du DS pourrait également séduire le secteur associatif, notamment dans le monde du handicap. En témoigne Patrick Contois, directeur général de l'association marseillaise Séréna, gestionnaire d'établissements pour des enfants présentant des inadaptations scolaires et psychiques. « C’est un métier encore peu connu dans le champ, confirme-t-il. Mais cette fonction peut fournir une réponse à nos besoins, par exemple en hôpital psychiatrique pour adolescents. »
[1] Trois arrêtés du 7 janvier 2014 toilettent les statuts du corps des DS : création d’un emploi fonctionnel, conditions de nomination et d'avancement, revalorisation indiciaire en deux fois (au 10 janvier 2014, puis au 1er juillet 2015) portant l’échelon terminal à l’indice brut 1015.
Marjolaine Dihl
Avis d’expert
Sylvie Amzaleg, coordonnatrice du pôle Ressources humaines de la Fehap
« Même s’il existe des DS dans des établissements relativement vastes, il n’y a pas de critère de taille. Cette fonction incombe parfois au médecin, parfois aux administratifs, souvent à des cadres de santé avec des compléments de rémunération en fonction de l’encadrement et des responsabilités particulières. Il s’agit d’un choix organisationnel des structures, selon leurs besoins, leur projet d’établissement et leur organigramme. Le métier n’est pas répertorié en tant que tel dans la convention collective nationale (CCN) de 1951. Pour autant, ce n’est pas un frein au recrutement de ces professionnels puisque la liste des métiers dans la CCN n’est pas exhaustive. Nos adhérents peuvent alors les classer par assimilation à d’autres métiers. D'ailleurs, nous sommes en train de redéfinir, avec les organisations syndicales, la hiérarchie infirmière et paramédicale dans la classification. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 118 - mars 2014