Philippe Baudassé, adjoint au responsable du pôle Hébergement et réservation hôtelière (PHRH) du Samu social de Paris
Pendu au téléphone ou devant ses mails, les yeux rivés sur son écran d'ordinateur, il cherche des places libres dans les hôtels pour des familles sans logement. « Interface entre les demandes des plateformes qui prennent en charge les familles sans abri et les hôtels qui peuvent les accueillir, nos opérateurs de réservation hôtelière assurent l’adéquation entre les requêtes des premières, concernant par exemple la composition de la famille à héberger, le lieu où elle est accompagnée socialement… et les disponibilités des seconds », détaille Philippe Baudassé, adjoint au responsable du pôle Hébergement et réservation hôtelière (PHRH) du Samu social de Paris, en charge du recrutement de ces professionnels.
Nouveaux besoins, nouveau profil
Si le métier existe depuis longtemps dans le secteur du tourisme, c’est au milieu des années 2000 que le Samu social l’a adapté à ses besoins, dans le cadre de la création d’un pôle spécifique. Celui-ci assure l’hébergement des familles sans logement au sein d’un parc hôtelier francilien.
Sa fonction est issue d’un double constat : le manque de places en centres d’hébergement d’urgence collectifs et l’explosion, depuis la fin des années 1990 à Paris, du nombre de parents avec enfants se retrouvant à la rue. Cette situation a entraîné un besoin de professionnalisation des structures d’accompagnement et la création de ce nouveau profil.
Ses missions au quotidien ? Rechercher les chambres vacantes, formaliser et mettre en œuvre l’ensemble des réservations. Technicien informatique, il contrôle l’effectivité de la place en hôtel ainsi que l’envoi des bons de réservation dans le respect des délais prescrits. Il tient à jour la base de données des prises en charge, tant au niveau des hôtels que des familles, et produit l’ensemble des documents administratifs relatifs à l’hébergement (actualisation, prolongation, clôture des dossiers).
Autonomie et réactivité
Il n'est toutefois pas en contact avec les usagers. Ses interlocuteurs sont les hôteliers et les associations et structures d'aide aux familles sans logement. Disposant d'un parc de près de 500 hôtels en Ile-de-France, la quinzaine d’opérateurs du PHRH (avec un renfort de six personnes en hiver) traitent l’ensemble des demandes d’hébergement émanant du 115 de Paris et de Seine-Saint-Denis, ainsi que de l’Association pour l'accompagnement social et administratif des travailleurs migrants et de leur famille (APTM), de la Coordination de l'accueil des familles demandeuses d'asile (Cafda) ou encore de l'Ordre de Malte France (OMF).
Un métier qui nécessite « rigueur, autonomie et réactivité », reprend Philippe Baudassé. Car les requêtes sont nombreuses (26 500 personnes sont logées chaque soir en hôtel) et souvent urgentes. Il est aussi nécessaire pour ces jeunes professionnels (ils ont en moyenne 27 ans) d’avoir « une grande capacité d’écoute et un bon relationnel car les hôteliers peuvent parfois être mécontents », détaille le responsable. En outre, ils travaillent en roulement sur une grande amplitude horaire (8 heures-22 h 30) et doivent pouvoir assumer un travail répétitif sur une longue période.
Le Samu social de Paris étant un groupement d’intérêt public (GIP) rattaché à la fonction publique d’État, les opérateurs de réservation hôtelière sont rémunérés selon la grille de la catégorie B, soit environ 1 500 euros brut par mois au premier échelon. Ils sont pour la plupart recrutés au niveau bac, bac pro ou BTS dans le domaine du secrétariat et de la comptabilité (maîtrise des logiciels de bureautique). « C’est souvent leur première expérience professionnelle, reprend Philippe Baudassé. Elle leur permet d’accéder à d’autres postes dans le secteur administratif et comptable. D’autres aussi ont envie d’aller ensuite sur le terrain. »
Flore Mabilleau
Point de vue
Stéphanie Jucourt, opératrice de réservation hôtelière, Samu social de Paris
« J’occupe cette fonction depuis un an et demi. Les référents des plateformes nous téléphonent ou nous envoient des mails pour des cas de familles qui sortent d’un hôtel, ou qui doivent en changer, ou encore qui ont besoin d’une prolongation de séjour, etc. Dans nos propositions, et suivant les disponibilités des hôtels, nous essayons toujours d’être cohérents et de permettre aux familles d'être logées dans le département où leur suivi social est effectué. Pour exercer ce métier, il faut être polyvalent et savoir s’adapter rapidement, car les différents partenaires n’ont pas forcément la même méthode de travail. Il faut aussi être très organisé car nous recevons énormément de mails, qu'il faut traiter au fur et à mesure en sachant repérer ceux qui sont très urgents. Nous devons aussi être à l’écoute des hôteliers, concernant les problèmes qu’ils peuvent rencontrer avec certaines familles. Et donc savoir prendre sur soi et garder son calme, lorsqu'ils sont mécontents. »
En savoir plus
L’hôtellerie sociale, un nouveau marché de la misère ? Le cas de l’Ile-de-France, Erwan Le Méner, in Politiques sociales et familiales n° 114 Cnaf, décembre 2013, téléchargeable sur www.caf.fr, rubrique Études et statistiques
Publié dans le magazine Direction[s] N° 122 - juillet 2014