Au domicile, à l'école, lors des déplacements de tous les jours… L’intervenant conseil en accessibilité et compensation sensorielle (Icacs) aide les personnes déficientes visuelles à être autonomes dans les différentes situations de leur vie quotidienne. Intégré à une équipe pluridisciplinaire, il évalue les besoins en fonction des habitudes de vie des personnes et les conseille sur les aménagements ou compensations à mettre en place. Si nécessaire, il mobilise d’autres compétences : ergonome, instructeur en locomotion, transcripteur braille.
L'Icacs est un relais entre l'usager et l’offre de services médico-sociaux. « Cet accompagnement transversal centré sur la personne faisait défaut », explique Pierre Machemie, responsable de développement à la Fédération nationale pour l’insertion des personnes sourdes et aveugles en France (Fisaf), qui a œuvré à la création de cette nouvelle fonction. « C'est un artisan de l’accessibilité universelle introduite par la loi Handicap de 2005, et du parcours sans rupture préconisé par la loi Hôpital, santé, patients et territoires, dite HPST, de 2009 », ajoute-t-il.
Un professionnel du geste
Le service d’aide à l’acquisition de l’autonomie et à l’intégration scolaire (S3AIS) de la Vienne, qui s'adresse aux enfants et adolescents déficients visuels et qui favorise leur scolarisation, a intégré ce nouveau profil à son équipe (lire l'encadré ci-dessous). « L’Icacs a un rôle de référent, de fil rouge dans l’accompagnement des jeunes, qui auparavant étaient pris en charge ponctuellement par différents spécialistes, détaille Delphine Devaux, la directrice. Il leur montre les gestes et stratégies pour prendre leurs repas seuls, s’habiller, se déplacer, et il fait le lien avec les différents adultes qui entourent les enfants. » Le centre de rééducation pour déficients visuels de Clermont-Ferrand (CRDV) a, quant à lui, formé une éducatrice à la fonction d’Icacs pour un petit S3AIS situé en zone rurale. « Nous avions besoin d’un professionnel pluricompétent de premier niveau, relate Arnaud Grégoire, directeur du CRDV. Or, cet intervenant peut œuvrer dans le champ éducatif, pédagogique, mettre en place une aide technique, des exercices de rééducation, et il sait trouver les relais ad hoc sur le territoire. »
Un métier « tout-en-un »
Depuis 2010, une licence spécifique créée par la Fisaf et délivrée par l’université Paris 13 Nord prépare à ce métier. La licence porte notamment sur la déficience visuelle, ses incidences et les moyens de compensation, le travail en équipe pluridisciplinaire et en réseau sur le territoire, l’inclusion en milieu ordinaire, l’autonomie sociale et l’accessibilité. La création de cette formation dans sa version initiale avait provoqué la colère et l’inquiétude des représentants des autres métiers de la déficience visuelle, qui acceptaient mal la concurrence de ce diplôme « tout-en-un ». Après débat entre les différentes professions, la polémique semble être retombée. Mais il demeure important, au sein des équipes, de bien délimiter les fonctions de chacun. « Pour les déplacements par exemple, l’Icacs montre quelques stratégies de compensation, mais il n’a pas un rôle de rééducation technique ou d’apprentissage de la canne blanche comme l’instructeur en locomotion », illustre Delphine Devaux.
Sur une cinquantaine d’Icacs diplômés depuis 2010 (éducateurs spécialisés pour l’essentiel, mais aussi ergothérapeutes et psychomotriciens), la plupart se sont formés à la demande de leur employeur. « Outre les établissements médico-sociaux et les centres hospitaliers, qui sont les principaux débouchés, le profil intéresse de plus en plus les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), pour mieux prendre en compte la déficience visuelle de leurs résidants », indique Pierre Machemie. Le métier d’Icacs n’étant pas référencé dans les différentes conventions collectives du secteur, son salaire dépend surtout de sa formation initiale et de son expérience.
Mariette Kammerer
Point de vue
Didier Tache, Icacs, référent accompagnement du S3AIS de la Vienne
« J’aide l’enfant à devenir autonome dans les gestes de la vie quotidienne et dans ses déplacements. Un projet personnalisé d’accompagnement est établi en fonction de ses besoins et demandes et de ses parents, mais aussi des évaluations effectuées par les professionnels du service. Je rencontre l’instituteur, lui explique les incidences du handicap, participe au choix de la place de l’élève dans la classe, demande des aides techniques adaptées… Je veille aussi à ce qu’il puisse se débrouiller seul à la cantine. S’il doit apprendre le braille, j’en informe la psychologue, puis je le fais travailler sur le toucher avant de passer le relais au transcripteur. En outre, j’anime des sensibilisations dans les classes des enfants. J’ai dû faire comprendre aux autres membres de l’équipe que je pouvais être une aide dans plusieurs domaines. Par ailleurs, je réalise ponctuellement des diagnostics d’accessibilité en Ehpad, pour proposer des aménagements et former les professionnels sur les stratégies de compensation sensorielles. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 137 - décembre 2015