Laurence Mercier, intervenante sociale au commissariat d’Ermont (Val-d’Oise)
Affaires de mœurs, violences intrafamiliales, phénomènes de drogue et fugues d’adolescents, vols avec violence, conflits de voisinage… Les quelque 225 intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie (ISCG) accueillent et accompagnent des personnes en situation de détresse sociale, ils s'occupent donc de problèmes qui n'ont pas vocation à être examinés par les agents. Le premier poste a été créé en 1989. « 60 % des cas signalés à la police ne relèvent pas d’une procédure pénale. Ils n’étaient donc pas pris en charge », rappelle la sociologue Nicole Chambon.
Suscitant méfiance et interrogations, la fonction a longtemps plafonné à une vingtaine de postes, financés selon les bonnes volontés locales. Ce n’est qu'en 2007 que le dispositif a été inscrit dans la loi sur la prévention de la délinquance. En septembre 2013, le gouvernement a annoncé le doublement du nombre de postes en trois ans - de 170 à 340 - en ciblant les zones de sécurité prioritaires et les quartiers de la politique de la ville. Un objectif repris dans le plan 2014-2016 de lutte contre les violences faites aux femmes et dans la convention d’objectifs pour les quartiers populaires.
En immersion
Intégré dans la vie du commissariat, l’ISCG travaille avec les policiers et gendarmes, qui lui indiquent des situations problématiques ou lui adressent des victimes ou auteurs de délit au moment d’un dépôt de plainte. « Notre rôle est d’apporter une écoute et un soutien immédiat dans des cas d’urgence, en respectant les règles éthiques et déontologiques du travail social », résume Laurence Mercier, ISCG au commissariat d’Ermont (Val-d'Oise). Par exemple ? Escorter une femme victime de violences pour récupérer ses affaires au domicile, lui trouver un hébergement pour la nuit et passer le relais à une association spécialisée. Au cours d'un ou deux échanges, l’ISCG évalue la situation, propose des pistes de solutions et trouve les interlocuteurs compétents. Il entretient donc des contacts privilégiés avec de nombreux partenaires (préfecture, conseil général, services sociaux, bailleurs, centres d’hébergement, de soins, caisse d'allocations familiales…), qu’il peut solliciter pour une intervention rapide, toujours avec l’accord de la personne concernée. Il peut également choisir d’assurer lui-même le suivi. « Ce métier offre une grande autonomie d’action. Mais il présente un risque d’isolement car nous ne sommes pas toujours reliés à une équipe sociale », souligne Laurence Mercier.
Une indépendance technique et hiérarchique
Une majorité d’intervenants sont employés par des associations et des conseils départementaux, les autres par des communes ou communautés de communes. « L’employeur direct n’est jamais la police ou la gendarmerie, cela permet de garantir une indépendance technique et hiérarchique », explique Paule d’Authenay, chargée de mission à l’Association nationale des ISCG (ANISCG). Les trois quarts sont des travailleurs sociaux diplômés, dont 55 % d’assistants de service social. Le métier est néanmoins accessible à d’autres profils (juristes, psychologues, sociologues). Les professionnels suivent un stage d’intégration dans les différents services de police ou de gendarmerie. L’ANISCG propose également une formation. « Longtemps décriée, tant du côté de la police que des travailleurs sociaux, cette fonction est aujourd’hui reconnue par son utilité en matière de prévention, rapporte Nicole Chambon. Elle permet de repérer et de traiter un grand nombre de situations inconnues des services sociaux, facilite le croisement d’informations, garantit une qualité d’accueil et une meilleure prise en charge des victimes. »
Mariette Kammerer
Avis d’expert
Paule d’Authenay, chargée de mission à l’ANISCG
« La fonction d’intervenant social en commissariat et gendarmerie est reconnue mais les statuts restent à être unifiés. De grandes inégalités existent entre ceux employés par des conseils départementaux – fonctionnaires territoriaux – et ceux recrutés par des associations, plus précaires et moins payés. Pour une même fonction les salaires varient de 1000 euros à 2300 euros. Un quart des contrats sont temporaires et le turn-over est important. Cette précarité rend difficile l'embauche de professionnels expérimentés. Le financement des postes, bi ou tripartite, est lui aussi disparate, et dépend des priorités politiques locales. L’annonce d’un doublement du nombre de postes est une bonne chose. Reste que le gouvernement n’a pas prévu d’augmentation du budget, seulement une réaffectation de certains crédits vers des zones prioritaires. »
En savoir plus
Association nationale des ISCG (ANISCG) : www.aniscg.org
Les intervenants sociaux en commissariat et en gendarmerie, guide pratique, janvier 2009, éd. de la DIV, ministère de la Ville, à télécharger sur www.ville.gouv.fr, rubrique Repères
Publié dans le magazine Direction[s] N° 131 - mai 2015