Valérie Gheeraert, animatrice du réseau Andes Nord-Pas-de-Calais/Picardie
En France, les 8,7 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté peuvent bénéficier d'une aide alimentaire et d'un accompagnement social de la part des épiceries sociales et solidaires. Pour soutenir ces dernières, l’Association nationale de développement des épiceries sociales et solidaires (Andes) s’appuie depuis 2008 sur des animateurs de réseau, aussi appelés animateurs territoriaux de l’aide alimentaire. « Ces professionnels créent du lien entre les épiceries, le réseau national et les partenaires. Ils les aident à développer leurs activités et à trouver des financements. Le but est d’assurer le meilleur approvisionnement possible et de professionnaliser les équipes », indique Romuald Corlou, responsable Ressources humaines à l’Andes.
Diffuser les bonnes pratiques
Répartis par zone géographique, les animateurs gèrent le réseau des 280 épiceries adhérentes en organisant une fois par trimestre des rencontres régionales. Objectif ? Inviter les responsables à échanger sur leurs actions et à travailler ensemble. « Nous les accompagnons au quotidien. Les épiceries qui rencontrent des difficultés ont besoin d’être conseillées. Nous véhiculons les bonnes pratiques », note Valérie Gheeraert, animatrice du réseau Nord-Pas-de-Calais/Picardie. Qui, comme ses collègues, forme les équipes sur l’hygiène, la traçabilité, la cohésion, l’accueil du public, la conduite d’ateliers… Visiter les épiceries oblige Valérie Gheeraert à passer de longues heures sur les routes. En dehors des déplacements, elle effectue des activités de reporting ou d’évaluation. Les animateurs sont embauchés par l’Andes en CDI et à 35 heures, ils perçoivent une rémunération mensuelle de 2 200 euros brut environ et son libres de gérer leur planning. En outre, l’Andes leur fournit une voiture, un ordinateur et un téléphone.
Une formation sur mesure
Au-delà des qualités d’autonomie, de rigueur et de disponibilité, des connaissances sur l’hygiène et la sécurité alimentaire, le secteur sanitaire et social, les publics en situation de précarité sont requises. « Il faut savoir communiquer et animer des formations. On doit aussi s’adapter à l’équipe. Aucune épicerie ne fonctionne de la même façon. Leur seule obligation est de respecter les valeurs de l’association », ajoute Valérie Gheeraert.
Pour épauler les dix animateurs réseau et renforcer sa visibilité, l’Andes recrute des jeunes en emploi d’avenir. Après une première promotion de douze assistants animateurs en 2013, à la rentrée 2014 ce sont 18 jeunes de 19 à 34 ans qui ont été embauchés. Trois semaines par mois, ils sont en immersion dans les épiceries et sont encadrés par leurs tuteurs : l’animateur réseau et le responsable de l’épicerie. Leurs missions : coanimer une formation, mener un atelier cuisine, rencontrer des partenaires, contrôler le respect des normes alimentaires. « J’apprécie la diversité des activités et le contact avec des interlocuteurs différents. Le plus compliqué est de trouver sa place auprès des équipes et des partenaires », confie Alexane Rombouts, assistante animatrice réseau. Pour les initier à ce métier émergent, l’Andes a créé une formation sur mesure et un organisme ad hoc : Potentia. « Dans le secteur de l’aide alimentaire, ce métier n’existe que chez nous. Il n’y a pas de diplôme. La plupart des animateurs ont une formation de conseiller en économie sociale et familiale (CESF). Nous avons donc créé ce cursus qualifiant », justifie Romuald Corlou.
Des compétences diverses
La formation est dispensée en alternance à raison d’une semaine par mois pendant dix mois, soit 350 heures. Les assistants animateurs acquièrent des notions sur le secteur de l’aide alimentaire, la gestion et conduite de projets, le développement des partenariats, l’animation de réseau, l’accompagnement social. « La majorité des jeunes sont peu diplômés. Nous leur prouvons qu’on peut apprendre avec plaisir. Le programme s’adapte à leurs besoins. Ils sont acteurs de leur formation », précise Jocelyne Bac, coordinatrice pédagogique. Si à l’issue de leur contrat d’une durée maximale de trois ans, ils peuvent occuper un poste permanent d’animateur territorial, les compétences sont transposables à d’autres champs comme l’animation ou la distribution. « Leur emploi d’avenir est un tremplin, souligne Romuald Corlou. Avec la mission locale, nous les accompagnons dans la réalisation de leur projet professionnel. »
Adeline Farge
Point de vue
Lysiane Thery, responsable de l’épicerie sociale et solidaire de l'association Droit au travail, à Lens (Pas-de-Calais)
« Créer une épicerie solidaire demande de solides compétences. Depuis 2009, nous sommes membre de l’Andes. Avec ce réseau, nous sommes épaulés. L’animatrice de l’aide alimentaire est à l’écoute de nos besoins. Nous pouvons la solliciter par mail ou par téléphone pour développer une nouvelle activité, démarcher des partenaires ou gérer un conflit. Régulièrement, elle vient rencontrer l’équipe qui échange avec elle en toute liberté. Parfois, elle participe aux réunions, notamment pour élaborer la charte des bénévoles. L’animatrice prend le temps de les former. Cette année, une jeune en emploi d’avenir travaille à mi-temps dans l’épicerie. C’est un apport supplémentaire. Grâce à son regard extérieur et à ses suggestions, nous avons amélioré notre fonctionnement. Elle a toute sa place parmi nous. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 133 - juillet 2015