Professionnel encore mal identifié, le chargé des relations entreprises s’écartèle entre le secteur social et médico-social et les lois du marché. Recruté par des structures du milieu adapté ou de l’insertion, il prospecte des entreprises susceptibles d’être partenaires et mène des actions de promotion. Il suit aussi les personnes accompagnées et peut même, à l’occasion, s’improviser ergonome pour faciliter leur intégration dans le milieu ordinaire.
Son rôle est devenu incontournable dans une société qui se veut de plus en plus inclusive. « Au départ, on parlait plutôt de "chargé d’insertion", mais ce n’était pas très vendeur », se souvient Jérôme Mazy, chargé des relations entreprises au Centre La Mollière de l’Union pour la gestion des établissements des caisses de l’assurance maladie (Ugecam) Nord-Picardie (lire l'encadré). Or, l’enjeu du poste est bien là : il s’agit de séduire le tissu économique local pour pouvoir trouver des terrains de stage et d’emploi. Tel un commercial, il est responsable d’un « portefeuille » d’entreprises (qu’il doit entretenir, voire agrandir), se déplace sur les lieux de production, présente la réglementation liée à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) en matière de handicap et, le cas échéant, propose des solutions.
Des professionnels atypiques
Si bien que les réseaux d’établissements se mettent, eux aussi, à embaucher ces professionnels atypiques. « Il n’y a pas de diplôme ou de cursus dédié, précise Katia Mautino, directrice générale de la CoopSoc, une coopérative d’établissements et services d'aide par le travail (Esat) basée dans les Bouches-du-Rhône [1]. Pour ce type de poste, nous recherchons des personnes qui ont un bac +2 ou +3, une connaissance des lois, du monde de l’entreprise et un bon relationnel. Mais pas des commerciaux. » Et, pour cause, ce « VRP » du milieu adapté et de l’insertion a surtout « un rôle de conseil », insiste Laëtitia Laurent, coordinatrice réseau au sein du Collectif du travail protégé et adapté (CTPEA).
Si aucune formation ad hoc n’existe, le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) recense toutefois deux titres qui peuvent déboucher sur ce métier : celui de coordinateur de l'intervention sociale et professionnelle et celui de chargé d'insertion et du développement local. D’un niveau bac +2, ces cursus comportent, tous deux, un volet insertion et un volet développement économique. Mais bon nombre des offres d’emploi ne mentionnent pas ces titres professionnels. « Pour ma part, je suis titulaire d’un master en communication des entreprises, avec une spécialisation RH. En outre, j’ai été conseillère à l’emploi, commente Nadia Fadil, chargé des relations entreprises pour l’Esat de Châtillon (92) géré par l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées Adapt. D’autres collègues n’ont pas de diplôme universitaire mais cumulent dix ans d’expérience dans l’insertion professionnelle. » Certains établissements, comme le Gesat dans une récente petite annonce, réclament quant à eux un « bac+5 avec une expérience professionnelle de 5 à 10 ans [et] une fibre commerciale alliée à une dimension de conseil, idéalement sur des sujets liés aux achats ou au handicap. »
Des évolutions possibles
Apparu au fil des années dans le secteur adapté, l’intitulé de son poste ne figure toujours pas dans les annexes des conventions collectives nationales (CCN) du secteur. À tel point que le statut auquel il renvoie reste très variable. Quand la CCN de 1951 est choisie, il est ainsi classé dans les métiers de l’insertion. En revanche, quand la structure relève de celle de 1966, il est rémunéré comme un technicien supérieur ou qualifié (selon son diplôme et son expérience). Autre option : la simple référence au Code du travail. « Il n’a pas forcément un statut de cadre, souligne Katia Mautino. Mais il peut l’être car, parfois, les missions du chargé des relations entreprises sont assurées par le directeur adjoint de l’établissement ou du réseau. » Ce poste peut d’ailleurs offrir des évolutions. En atteste Laëtitia Laurent qui, avant de devenir coordinatrice réseau, avait été embauchée en tant que chargée des relations entreprises : « Le fond du métier reste même, mais les perspectives sont plus larges. »
[1] Lire Direction[s] n° 141, p.10
Marjolaine Dihl
Point de vue
Jérôme Mazy, chargé des relations entreprises au Centre La Mollière, Ugecam Nord-Picardie, à Berck-sur-Mer (Nord)
« J’interviens sur la suite du parcours des personnes accompagnées par le centre, après qu’elles ont effectué leur recherche de stage avec le chargé d’insertion. Mon travail a trois volets : accompagner les stagiaires (CV, recherche d’emploi, lettre de motivation, préparation d’entretien d’embauche), développer les partenariats (avec Pôle emploi, Cap Emploi ou encore avec la MDPH) et fidéliser notre réseau d’entreprises. Sur ce dernier point, il s’agit notamment de dédramatiser le handicap et de repérer les aides utiles à l’entreprise (pour adapter le poste de travail par exemple via des financements Agefiph. Nous sommes un peu des Ovni dans le médico-social. Ce poste existe depuis 10 ou 15 ans dans les centres de réadaptation. »
Références
• Annexe II de la CCN du 15 mars 1966
• Fiches 15361 et 16575 du RNCP
Publié dans le magazine Direction[s] N° 148 - décembre 2016