Olivier Drunat, gérontopsychiatre
La gérontopsychiatrie, ou la psychogériatrie (autrement dit la psychiatrie du sujet âgé), est une approche pluridisciplinaire qui a pour objet de comprendre, de soigner, d’apaiser les personnes âgées souffrant de problèmes psychologiques ou de troubles psychiatriques caractérisés. Bien que cette spécialité ne soit pas encore considérée en France comme une discipline médicale à part entière (au même titre que la pédopsychiatrie par exemple), le vieillissement de la population a conduit un certain nombre de spécialistes à s’y intéresser, à se former et à monter des unités spécialisées.
Des DU de spécialisation
« Il n’existe pas de réponse homogène organisée par les agences régionales de santé (ARS). Mais on trouve des expérimentations locales intéressantes en gériatrie, comme des plateformes de services intégrant des psychiatres. Et une offre de soins mobiles se développe, constate Olivier Drunat, chef de service neuropsychogériatrie à l’hôpital Bretonneau, à Paris, et enseignant dans plusieurs diplômes universitaires (DU). En revanche, ces initiatives sont plus rares en psychiatrie. Il y a pourtant un vrai enjeu à adapter l’offre de soins. Les nombreuses demandes de formation témoignent des besoins du terrain et de l’intérêt pour cette approche. » Différents DU de gérontopsychiatrie ou de psychogériatrie sont proposés par plusieurs universités (Paris Descartes, Limoges, Franche-Comté, etc.) aux médecins, psychiatres et gériatres souhaitant se spécialiser. Les cursus comportent une centaine d’heures de cours théoriques et pratiques pour apprendre à dépister, évaluer, traiter, prévenir les pathologies psychiatriques du patient âgé, comprendre les interactions entre les facteurs gériatriques et psychiatriques, adopter des bonnes pratiques et une réflexion partagée entre professionnels.
Des équipes mobiles en soutien des Ehpad
Le gérontopsychiatre intervient en équipe, à domicile, à l’hôpital et en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Il est compétent pour traiter les troubles psychocomportementaux tels que l’anxiété, les démences, les psychoses de l’âge avancé, les pathologies psychiatriques chroniques du sujet âgé, les troubles de l’humeur, les maladies d'Alzheimer et syndromes apparentés. « Avec l’âge, les problèmes psychiques et somatiques deviennent indissociables. Toute pathologie organique peut induire des troubles mentaux et réciproquement, et les maladies neurodégénératives s’accompagnent de symptômes nécessitant une compétence psychiatrique », indique Carole Gleyzes, directrice adjointe du centre hospitalier de Thuir, dans les Pyrénées-Orientales. Cet établissement a créé depuis dix ans une équipe mobile pluridisciplinaire de psychogériatrie qui intervient à domicile et dans 15 Ehpad du département sur la base de trois demi-journées par mois. « Le gérontopsychiatre évalue, pose un diagnostic, peut faire des propositions de traitement au médecin référent, peut travailler sur les habiletés sociales à travers une psychothérapie, explique Carole Gleyzes. Il intervient aussi en appui des soignants pour répondre à leurs questions concernant les comportements violents, les manifestations de douleur ou de détresse psychique, afin d’améliorer la prise en charge. » L’ARS Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées a constaté que les consultations de cette équipe mobile en Ehpad ont permis d’éviter des hospitalisations, de faciliter les accompagnements et de réduire le stress des professionnels. Elle a donc décidé pour 2016 de financer ces interventions dans dix structures supplémentaires.
Ailleurs, à défaut de bénéficier d’un tel service, les directeurs d’établissements peuvent former leur personnel médical par un DU, ou faire appel à un gérontopsychiatre libéral pour une consultation régulière (lire l'encadré), ou encore, tenter de monter des partenariats avec le secteur de la psychiatrie.
Mariette Kammerer
Point de vue
Jean-Claude Bernadat, ex-directeur de la Résidence Madeleine Verdier, à Montrouge (Hauts-de-Seine)
« Les Ehpad sont confrontés à une augmentation des troubles connexes à la dépendance, qui rendent la prise en charge plus difficile. Pour y répondre, nous faisons intervenir un gérontopsychiatre deux fois par mois dans l’établissement. L’équipe identifie des situations problématiques telles que la dépression ou des fugues répétées, et le médecin coordonnateur liste les personnes à voir en consultation. En lien avec ce dernier et l’équipe soignante, ce spécialiste aide à trouver un traitement qui stabilise le comportement du résident, minimise les troubles et facilite la prise en charge par le personnel. Permettant parfois d’éviter une hospitalisation. Il s’agit d’une consultation en libéral, avec la carte vitale du patient, mais c’est le médecin qui se déplace, ce qui est très pratique. À défaut d’avoir cette compétence en interne, c’est une bonne solution. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 139 - février 2016