Mathieu Vergnault (SFP-APA), enseignant en activité physique adaptée
L’enseignant en activité physique adaptée (APA) intervient dans le secteur sanitaire, social et médico-social auprès de personnes de tous âges, dont les aptitudes physiques, psychologiques ou les conditions sociales réduisent leur niveau d’exercice. Notamment les publics en situation de handicap, de vieillissement pathologique, atteints de maladies chroniques, ou en difficulté d’insertion sociale. Dans des structures du type établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), d’aide par le travail (Esat), instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep), médico-éducatifs (IME), foyers de l'Aide sociale à l'enfance (ASE)…, le professionnel conçoit et anime un programme d’activités sportives ou d’expression corporelle adaptées aux capacités, aux besoins et aux souhaits des pratiquants. Il travaille en lien avec l'équipe et son intervention s’inscrit dans le projet global de l'établissement – socialisation, réadaptation, autonomie, etc.
À chacun son activité
« L’enseignant se situe dans le “prendre soin” et dans une approche d’adaptation et d’inclusion en lien avec la santé, explique Mathieu Vergnault, secrétaire de la Société française des professionnels en APA (SFP-APA). Il peut choisir des sports en fonction d’indications médicales ou éducatives : renforcement musculaire, autonomie, estime de soi. » Les pratiques en APA ont des objectifs d’ordre physiologique (endurance, coordination motrice, concentration), psychologique (capacité d’effort, confiance en soi), social et relationnel (capacité d’entraide et de coopération). « En maison de retraite, il peut travailler l’équilibre avec un sport de combat adapté, ou proposer une danse de salon pour le côté convivial, ajoute-il. Avec des ados en foyer de la Protection judiciaire de la jeunesse, on choisira plutôt des sports de réussite individuelle, comme le tir à l’arc, ou de dépassement de soi, comme l’escalade. »
Il conduit les séances, évalue, réajuste. Avec les usagers du centre d’accueil de jour de Soisy-sous-Montmorency, Émilie Sureau, enseignante APA, met l’accent sur le bien-être, la découverte et les rencontres à l’extérieur, en individualisant au maximum les activités. « On garde la logique interne du jeu en le simplifiant et on adapte les règles, l’accessoire (ballon en mousse) ou l’environnement (hauteur du panier de basket) », explique-t-elle.
Un métier en voie de structuration
Une trentaine d’unités de formation et de recherche (UFR) proposent une licence en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), mention APA Santé (de niveau II). « S’étalant sur trois ans, la formation comprend des modules sur les pathologies, les aspects psychologiques, la motivation… Et combine des apports en sciences de l’éducation, pédagogie et didactique de l’intervention », indique Mathieu Vergnault. Les enseignants sont rattachés au Code du sport et titulaires d’une carte professionnelle. La licence ouvre sur différents masters et débouchés professionnels. « Par rapport à une formation d’éducateur sportif ou au diplôme d’État Apsa (de niveau III), la licence apporte une vraie plus-value en termes de connaissance des handicaps, d’intégration dans une équipe pluridisciplinaire, et de niveau de réflexion », estime Michel Franck, chef de service qui a recruté ce profil pour le centre d’accueil de jour pour adultes déficients intellectuels de Soisy-sous-Montmorency (Val-d’Oise).
Quoique ce concept d’activité ludique inclusive existe en France depuis les années 1980, la profession commence seulement à se structurer. « Nous avons créé l’association SPF-APA dans ce but et nous avons construit un référentiel de compétences publié en août 2015, explique Mathieu Vergnault. Le métier est reconnu au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), reste à ce qu’il le soit aussi dans les conventions collectives nationales (CCN). » Les professionnels en APA sont le plus souvent recrutés comme enseignants en activité physique et sportive, une classification de niveau licence dans les CCN de 1951 et de 1966. Leur salaire varie de 1400 à 1800 euros net. Le nombre d’enseignants en exercice est estimé à 6 000.
Mariette Kammerer
Point de vue
Mourad Oussaid, enseignant en APA à l'IME Mont-Riant, à Marseille
« J’interviens auprès d’enfants et adolescents déficients intellectuels moyens et profonds âgés de 6 à 20 ans. Ils ne sont pas tous scolarisés et certains ne parlent pas. J’ai construit le projet d’APA avec le psychomotricien et l’éducatrice. Celle-ci participe aux séances pour faciliter la communication, au moyen d’images, de signaux sonores ou tactiles. Les enfants n’ont pas de limitation physique, hormis des problèmes d’obésité, pour lesquels la natation ou le vélo sont particulièrement adaptés. On travaille l’autonomie, le respect des consignes et du matériel avec une activité individuelle comme l’escalade, qui les valorise. Pour la socialisation, on propose le judo et le ping-pong. Avec toujours des adaptations : au ping-pong, on fait rouler la balle sur la table, le lancer de disque est remplacé par un anneau, les passes avant sont autorisées au rugby. Ma formation me donne une vision globale de toutes les activités possibles. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 141 - avril 2016