« Il ne faut pas être grand clerc : les financements publics seront de plus en plus contraints. Il me semblait donc essentiel de pouvoir capter des fonds privés complémentaires afin de conserver une force militante et développer des expérimentations et des projets innovants », expose Patrick Debieuvre, directeur général de l’Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales (Adapei) Var-Méditerranée (618 salariés) qui a recruté, il y a deux ans, une chargée de communication, dont un tiers du temps de travail est consacré à la collecte de financements privés.
Un poste à autofinancer
Le challenge du dirigeant ? Parier sur un autofinancement rapide du poste, au profil recherché précis : une forte expérience dans l’organisation événementielle et les campagnes de communication, doublée des qualités intrinsèques du candidat pour porter les valeurs de l'organisation. Une de ses missions consiste ainsi à développer le « fundraising » et le mécénat de compétences. « C’est un poste incontournable si l'on veut se développer. Aujourd’hui, dès qu’on atteint une certaine taille, par exemple une vingtaine d’établissements, autour de 500 salariés, il faut se poser sérieusement la question », ajoute-t-il.
Les très grandes associations, notamment nationales, possèdent déjà une expérience sur le sujet, avec parfois un service de collecte étoffé comme les Petits Frères des pauvres. Celle-ci a investi en 2015 près de 4 millions d’euros pour en lever… 20 millions. « Le poste doit être rentable. Lorsque la collecte sur Internet s'est développée il y a huit ans, nous avons lancé plusieurs opérations. Ce n’est que lorsque nous avons dépassé le seuil de 100 000 euros récoltés que nous avons défendu auprès du conseil d’administration le recrutement d'un collaborateur dédié », se souvient Olivier Loock, directeur de la collecte de fonds.
Des spécialistes en comm’ et marketing
Le fundraising recouvre plusieurs réalités : direction de la collecte, marketing, marketing direct, grands donateurs, legs… Les responsables peuvent se spécialiser selon le public cible. La diversité des spécialisations se retrouve dans le montant des salaires. Les fourchettes vont du simple au double, voire au triple, même sur des postes de directeurs de collecte. Certains commencent à 35 000 euros de salaire annuel, d’autres gagnent plus de 90 000 euros. Tout dépend de la structure et du périmètre de la levée de fonds. Plus le volume est important, plus l’expérience avérée est nécessaire.
Une formation spécialisée a été créée par l’Association française de fundraising (AFF) : le certificat français du fundraising (CFF), réalisé en partenariat avec l’Essec. D’autres écoles de commerce ont monté des modules au sein de différents cursus comme l’EM Lyon, l’ESG à Paris ou l’ESC Lille. Mais selon les professionnels, le profil idéal détient d’abord d’une solide expérience en marketing et en communication, notamment pour développer le fundraising auprès des grands donateurs, des partenariats avec des entreprises ou donateurs privés. La connaissance du digital, du marketing direct et des réseaux sociaux est un plus. Elle permet de créer et d’animer une communauté, et ouvre à toutes les collectes sur Internet et le crowdfunding [1].
La force de conviction
Parmi les qualités requises ? « Il faut des capacités rédactionnelles fortes : le marketing postal reste encore aujourd’hui 80 % la source de la collecte, indique Patrick Magnan, directeur de la communication et du développement des ressources de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), qui fait appel à la générosité du public depuis 2014. Une bonne connaissance de chaîne graphique est nécessaire. Tout comme l’esprit d’analyse, car il permet de segmenter les publics et d’évaluer leur capacité à faire un don. » L’organisation est ainsi passée de 60 à 2 000 donateurs.
Outre ces compétences techniques, la qualité la plus essentielle reste la combativité et la force de conviction. Offrir constamment la possibilité aux donateurs de donner, en gardant toujours la bonne distance dans les codes de l’institution que le fundraiser représente.
[1] Lire Direction[s] n° 114, p. 34
Brunot Crozat
Point de vue
Aline Rol, responsable de la communication de l’Adapei Var-Méditerranée
« Mon poste est polyvalent. Je m’occupe de la communication (interne et externe, digitale), des relations avec la presse, de l’événementiel pour les adhérents et les publics extérieurs. Quant à la levée de fonds, c’était une activité nouvelle pour moi. J’ai donc suivi une formation de quatre jours avec un expert. Lorsque je suis arrivé à l’Adapei, cela coïncidait avec le lancement d’un fonds de dotation. Il fallait définir son nom (Handi’Dot), son public et les partenaires à chercher. En 2015, nous avons posé les jalons de notre recherche de fonds : quels prescripteurs ? quelles cibles prioritaires ? Cette année, notre travail porte ses fruits. Nous visons les grandes fondations d’entreprise qui financent l’exclusion, l’enfance et le handicap. Elles fonctionnent par appels à projets. Il faut donc présenter un beau dossier et le défendre car plusieurs centaines de milliers d’euros sont en jeu. Passer par le crowdfunding est prévu pour le second semestre 2016. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 145 - septembre 2016