La nomination de professionnels « référents » ou « ressources douleur » est assez fréquente dans le secteur sanitaire, en lien avec des instances spécialisées telles que les comités de lutte contre la douleur (Clud). Si la prise en charge des douleurs chroniques, aiguës ou liées aux soins est aussi une mission obligatoire des établissements médico-sociaux [1], sa mise en œuvre y semble moins formalisée. « Une telle dynamique est pourtant nécessaire au regard de l’aggravation de la dépendance et des pathologies des résidents dès l’entrée, insiste Cécile Penaud, directrice de la Résidence Les Iris, établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) situé à Givrand (Vendée), et administratrice de l’Inter-Clud de Vendée. Les équipes de direction pensent souvent que désigner un référent requiert d’avoir son propre Clud et un budget important pour le former au préalable, mais ce n’est pas indispensable selon moi. »
Promotion des bonnes pratiques
Dans les structures pour personnes âgées ou handicapées, cette fonction peut être assurée par un aide-soignant ou un infirmier. Elle consiste à diffuser une « culture douleur » auprès du personnel, en lui transmettant des recommandations de bonnes pratiques. Le référent fait notamment le lien avec les équipes et les groupes d’expertise locaux de prise en charge de la douleur (Clud d’un centre hospitalier voisin, unité mobile de soins palliatifs…) avec lesquels l’établissement coopère ou dont il fait partie. « C’est un relais pour ses collègues. Il n’est pas question d’agir à leur place, mais de les soutenir, explique Christine Berlemont, responsable de la commission professionnelle infirmière de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFTED). Il passe les informations qu’il reçoit lors de réunions de travail ou de conférences, redistribue des outils (pour l’évaluation de la douleur par exemple). Il peut aussi lancer des diagnostics internes et faire remonter certaines difficultés auprès de la direction ou d’un Clud. » Il ne doit pas être confondu avec l’infirmier « ressource douleur » : nécessairement titulaire d’un diplôme universitaire ad hoc complémentaire [2], ce dernier peut intervenir dans un centre antidouleur par exemple.
Des temps réservés à la mission
L’Ehpad du centre hospitalier de la Tour du Pin (Isère) a lancé en 2007 la formation de l’ensemble des agents sur la thématique de la douleur, puis deux référents volontaires ont été nommés. « Quand un renouvellement est nécessaire, nous sollicitons l’équipe pour savoir qui est partant. Il nous arrive aussi de nous tourner vers ceux que nous sentons particulièrement sensibles à la question, explique Nathalie Genin, cadre supérieure de santé du Groupement hospitalier du Nord Dauphiné (GHND). Aides-soignants ou infirmiers, leurs compétences et connaissances fondamentales suffisent. La personne doit en sus avoir envie de jouer un rôle moteur sur le sujet. » Elle est placée sous la responsabilité directe du cadre de santé de proximité, qui lui fait signer une fiche de poste : « C’est une manière de s’assurer de son adhésion aux missions qui lui sont confiées. Et chaque année, nous faisons le point avec elle », précise Nathalie Genin.
Prodiguer des conseils et consigner les difficultés des soignants peut se faire à l’occasion des temps de relève, de réunions internes… Mais l’établissement doit aussi être prêt à libérer le professionnel pour des durées plus longues, afin de rencontrer des acteurs locaux ou encore d'organiser une séance de sensibilisation du personnel.
[1] Code de la santé publique, article L1112-4
[2] Référentiel d’activité infirmier ressource douleur (IRD), commission « Douleurs et soins infirmiers » de la SFETD, novembre 2007
Aurélia Descamps
Point de vue
Cécile Penaud, directrice de la Résidence Les Iris, à Givrand (Vendée)
« Adhérer à l’Inter-Clud Vendée (pour comité de lutte contre la douleur) nous a permis de mettre en place des actions concrètes en faveur de la prise en charge de la douleur. Notre projet d’établissement contient aujourd’hui un volet spécifique en la matière et nous organisons chaque année une évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Il y a un an, nous avons désigné un référent douleur infirmier. Il contribue à l’élaboration des protocoles dans ce domaine, assiste aux éventuels colloques et prend part aux réunions de l’Inter-Clud. Ensuite, c’est à lui de diffuser au reste de l’équipe les outils et les recommandations. Nous projetons aussi de lui confier l’organisation de deux séances annuelles de sensibilisation des soignants. Grâce à cette dynamique, nous sommes encore plus crédibles face aux médecins traitants, quand il s’agit d’obtenir de leur part des prescriptions (parfois anticipées) de médicaments antidouleur. Globalement, nous agissons davantage de manière préventive. Par exemple, le recours – décidé en urgence – à des morphiniques injectables est devenu rare dans notre établissement. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 149 - janvier 2017