TCAPSA. Ce sigle singulier dissimule un professionnel encore méconnu du secteur : le technicien coordinateur de l’aide psychosociale à l’aidant. Sa mission ? Évaluer les difficultés et les ressources des aidants de personnes en situation de dépendance, souffrant de troubles psychiques, de maladies chroniques invalidantes… Mais aussi les écouter, les conseiller et les orienter vers les réseaux et solutions adéquats. Un accompagnement essentiel pour des proches parfois au bord de l’épuisement, phagocytés dans leur rôle de soutien, perdus dans un dédale socio-administratif inextricable lorsque la dépendance de leur parent s’accroît.
Un aiguilleur du système
« J’interviens à la demande des aidants eux-mêmes, de médecins ou d’autres dispositifs en Gironde, explique Sarah Mayorgas, TCAPSA dans l’équipe de soutien des aidants à domicile (Esad) de la Fondation Bagatelle, partie du prenante du dispositif Paerpa [1] à Bordeaux. Je réalise une première visite au domicile pour comprendre la situation, puis, selon celle-ci, je peux orienter les personnes vers l’assistante sociale ou le psychologue de l’Esad, mais également les adresser en externe à des services à domicile ou de soins infirmiers. » Selon elle, le TCAPSA est avant tout une personne ressource pour le couple aidant-aidé : « Tout en intégrant d’autres professionnels au processus, j’en demeure la référente. Mon intervention n’est pas limitée dans le temps, l’aidant peut me solliciter à tout moment. »
Près de 400 cas ont été traités par l’Esad depuis 2014, preuve de l’acuité de la question des aidants, selon Olivier Frezet, directeur du service Domcare de la Fondation Bagatelle qui abrite l’Esad : « Le TCAPSA est complémentaire d’une assistante sociale et d’un psychologue. C’est un aiguilleur pour l’aidant, il est à ses côtés pour lui permettre d’ouvrir les bonnes portes, en le laissant libre de ses choix. » À partir de l’évaluation conduite via divers outils et échelles de mesure du « fardeau » de l’aidant, le TCAPSA pourra aider le couple à construire un projet commun. « Nombre de problématiques ne sont pas d’ordre médical mais psychosocial, note Olivier Frezet. Le TCAPSA va dans ces interstices pour y mettre du lien et du liant. »
Une seule licence pro
Pour l’heure, seule l’université de Bordeaux propose une licence professionnelle de TCAPSA. « Celle-ci est née du constat que de nombreux établissements sont au contact d’aidants sans avoir de personnel s’adressant véritablement à eux, soulève Hélène Amieva, responsable de la formation. En sept ans d’existence, l’université a formé une centaine de professionnels. Après un semestre de cours et un autre de stages, le TCAPSA peut exercer tant en établissement social et médico-social (ESMS) qu’en équipe mobile ou en centre local d’information et de coordination gérontologique (Clic). Voire explorer d’autres champs innovants (lire l’encadré). Sa rémunération nette est d’environ 1 500 euros par mois à temps plein. « Ce professionnel trouve naturellement sa place dans l’équipe d’un établissement », souligne Hélène Amieva… qui admet néanmoins que cela se heurte à la difficulté de voir financer de tels postes.
[1] Personnes âgées en risque de perte d’autonomie
Aude Mallaury
DomAssist 500, une expérimentation pour les aidés et les aidants
Récent, le métier de TCAPSA permet de prendre part à des projets innovants, telle la plateforme d’assistance domiciliaire DomAssist 500, à Bordeaux. Expérimentée depuis fin 2015 auprès de personnes de plus de 75 ans vivant seules, elle implique deux TCAPSA. « Le domicile de la personne est équipé de capteurs de mouvement à détection thermique et d’une tablette servant de tableau de bord, qui alerte si des comportements inhabituels sont repérés : réfrigérateur resté fermé toute la journée, porte anormalement ouverte…, explique Pauline Fontagné, TCAPSA de l’équipe Phoenix de l’institut de recherche Inria qui gère l’expérimentation. Une autre tablette, avec une interface développée par des chercheurs en vieillissement cognitif, favorise les interactions, via l’utilisation d’Internet, de jeux, d’appels vidéo, selon les besoins de l’usager. » Dans ce dispositif à la croisée du médico-social, des sciences humaines et de l’informatique, le rôle du TCAPSA est central. « Nous déterminons les personnes éligibles et coordonnons l’action autour du projet, en incluant tant les aidants familiaux que professionnels, précise Maëlle Joulin, autre TCAPSA de l’équipe. Si l’expérimentation est encore en cours, les premiers constats sont positifs, avec un sentiment de sécurité pour les aidants, une amélioration de sa relation avec la personne aidée, rendue possible par une préservation des liens sociaux et de son autonomie. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 150 - février 2017