Sans moyen de transport à sa portée, accéder à son lieu de travail est un défi quotidien. Selon une enquête du Laboratoire de la mobilité inclusive du 18 janvier 2017, près de 23 % des sondés ont déjà renoncé à un emploi ou à une formation, faute de pouvoir s’y rendre.« Aujourd’hui, 7 millions de Français rencontrent des difficultés de mobilité. Les transports en commun ne sont pas adaptés aux plus précaires. Certains ne savent pas les utiliser et n’osent pas sortir de leur quartier. C’est le premier frein d’accès à l’emploi », relève Florence Gilbert, directrice générale de la plateforme Wimoov et présidente du Laboratoire de la mobilité inclusive.
Un accompagnement sur mesure
Présents dans les plateformes de mobilité, qui se sont développées à la fin des années 2000 et qui sont portées par des associations, des collectivités territoriales ou encore des structures de l’insertion (missions locales, par exemple), les conseillers mobilité aident les publics en insertion sociale et professionnelle à devenir autonomes dans leurs déplacements. Ils interviennent auprès des plus fragiles (non diplômés, demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minimas sociaux), qui auront été orientés par leurs référents Pôle Emploi, une assistante sociale… « Pour beaucoup, être mobile, c’est avoir le permis de conduire. Mais cet examen est onéreux et difficile à obtenir. Notre rôle est de leur montrer qu’il existe d’autres moyens de transports. Nous travaillons avec eux pour lever tous les freins à la mobilité et ainsi élargir leur périmètre de recherche d’emploi », indique Romain Lemonier, conseiller mobilité chez Wimoov.
À partir d’un diagnostic individualisé, les conseillers élaborent un parcours d’accompagnement personnalisé, composé d’entretiens individuels, de formations collectives, de mises en situation réelle. Selon les difficultés et les capacités des usagers, ils leur apprennent à lire un plan, à se déplacer dans une ville, à utiliser les modes de transports (bus, train, covoiturage, vélo), à organiser un itinéraire sur Internet. Ils peuvent aussi animer des séances de soutien au Code de la route. « Certaines personnes ne maîtrisent pas la langue ou n’ont jamais été scolarisées. Pour les aider à monter en compétences, les conseillers adaptent leur pédagogie au niveau de chacun », insiste Valérie Godzik, chef de service de la plateforme mobilité du centre communal d’action sociale (CCAS) de Grenoble.
Un travail en réseau
Pour faciliter leurs déplacements, les professionnels informent les publics des aides financières auxquelles ils peuvent prétendre et les aiguillent vers les garages solidaires, les auto-écoles sociales ou encore les opérateurs de transports, qui proposent des solutions adaptées à leurs besoins (achat, prêt, réparations de véhicules à tarif social). « Les conseillers ont une bonne connaissance des dispositifs existants. Ils sensibilisent les acteurs du territoire à la problématique et mobilisent leur réseau autour des personnes en difficulté », souligne Florence Gilbert.
Un diplôme de formation continue
Pour leur apporter une reconnaissance, un diplôme interuniversitaire (DIU) de conseiller mobilité insertion, de niveau III, a vu le jour en février dernier. Déployée par l’École d’urbanisme de Paris et la chaire de l’économie sociale et solidaire de l’université Paris-Est Créteil, la formation continue (126 heures d’enseignement, de février à novembre) s’adresse aux professionnels de l’aménagement du territoire, du secteur des transports et de l’insertion sociale, justifiant de deux années d’expérience. « Alors que les besoins en mobilité sont prégnants, c’est important de professionnaliser ce métier. Auparavant, il n’existait pas de référentiel de compétences, ce qui les bloquait dans leur évolution de carrière », explique Marie-Hélène Massot, professeure à l’École d’urbanisme de Paris et responsable pédagogique. Pour faire avancer le sujet de la mobilité inclusive et mieux mailler le territoire, François Hollande avait annoncé en 2015 la création de 100 plateformes de mobilité en zones périurbaines et rurales.
Adeline Farge
Point de vue
Stéphanie Mormiche, directrice de la mission locale Nivernais-Morvan, à Château-Chinon (Nièvre)
« En 2007, la mission locale a ouvert une plateforme mobilité. Grâce à ce service, les conseillers insertion proposent aux jeunes accompagnés des solutions plus adaptées à leurs besoins. Si l’un d’eux a un entretien d’embauche, nous pouvons lui prêter un véhicule rapidement. Il aura ainsi l’opportunité d’élargir ses horizons professionnels. Pour faciliter l’accès à l’emploi et à la formation en zone rurale, il faut prendre en compte la situation globale du jeune. Et la mobilité est un axe majeur du parcours d’insertion. Pour faire remonter les difficultés et organiser des formations sur mesure, le conseiller participe aux réunions d’équipe, apportant son expertise et sa connaissance fine des offres de transports présentes sur le territoire. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 153 - mai 2017