Camille Colnat, directeur qualité et GDR au siège du Groupe Saint-Sauveur
Elle était jusqu’à présent découpée par thématiques, et répartie sur différents services : les risques professionnels aux ressources humaines (RH), les risques sanitaires au référent hygiène, ceux liés au bâti au chef de service entretien… Depuis quelques années, une vision plus globale de la gestion des risques (GDR) se développe dans le secteur social et médico-social. Qui voit apparaître, au niveau des sièges, de nouveaux postes : chargé de mission GDR, « préventeur », risk manager…, souvent couplés avec le responsable qualité. Une fonction ingrate, mais indispensable pour éclairer chaque décision.
La mouche du coche
« Lorsque j’ai été recruté à ce poste, le directeur général m’avait présenté comme la mouche du coche », résume en souriant Camille Colnat, directeur qualité et GDR au siège du Groupe Saint-Sauveur, à Mulhouse (Haut-Rhin). Risques sur les bâtiments, gestion des déchets, contrats de travail, maintenance, environnement, respect des normes et réglementations, accompagnement des usagers, risques psychosociaux… « L’activité des établissements et services ainsi que les contraintes réglementaires croissantes font peser une multitude de risques sur les gestionnaires : humains, juridiques, financiers, techniques…, souligne Éric Zolla, directeur général adjoint du Comité d’études, d’éducation et de soins auprès des personnes polyhandicapées (Cesap), à Paris. Chaque action prise ayant des conséquences dans les autres domaines, il apparaît indispensable de se doter d’une vision transversale. » Le périmètre confié au risk manager varie pourtant selon les organisations : « Ici, les risques professionnels demeurent du domaine des RH », témoigne Hélène Bulcke, chargée de mission qualité et GDR au Cesap.
En alerte
La fonction requiert des compétences techniques, juridiques, rédactionnelles et relationnelles. « La veille réglementaire occupe une grande part de mon temps. Ensuite, j’adapte les informations aux différents types de structures, avant de les rediffuser aux directeurs de terrain », explique Hélène Bulcke. « Il faut savoir repérer les signaux faibles, trouver les meilleurs compromis, et surtout avancer pas à pas, pour permettre l’appropriation du risque par les équipes de terrain, sans effrayer personne », décrit Camille Colnat.
Associé à tous les projets en amont et pilote dans la gestion des crises, le responsable de la GDR doit se trouver « au plus proche du centre de décision », considère Éric Zolla. Comme Hélène Bulcke, Camille Colnat dispose ainsi d’un grade de chef de service, tout en étant directement rattaché à la direction générale. À cette différence près : un titre de directeur qui lui donne « davantage de poids face aux interlocuteurs extérieurs ».
Faute de diplôme spécifique (le master 2 créé en 2015 par l’institut régional du travail social – IRTS – Ile-de-France et l’université d’Évry n’ayant jamais fait le plein), les profils recrutés présentent deux types de parcours. Certains, comme Camille Colnat, ancien cadre infirmier, sont issus du secteur et se sont formés à la GDR. « Ma connaissance du soin et du fonctionnement des structures renforce ma légitimité », estime-t-il. D’autres proviennent plutôt du milieu sanitaire ou de l’industrie et maîtrisent les outils, à charge pour l’employeur d’assurer leur acculturation au champ. « Le plus déroutant pour eux étant peut-être de devoir passer par une phase de conviction avant que les professionnels acceptent de suivre les consignes », s’amuse Éric Zolla. Qui espère tout de même l’émergence prochaine de diplômes universitaires spécialisés.
Flavie Dufour
Point de vue
Katia de Oliveira, responsable qualité, sécurité et gestion des risques de Cap' devant !, à Paris
« Voilà trois ans que je travaille au siège de l’association Cap' devant !, après huit ans comme responsable qualité dans une clinique privée. J’accompagne surtout les directeurs. Je visite chacun des 18 établissements et services de l'association deux fois par an. Est-ce que les livrets de consignes de sécurité sont à jour ? La maintenance obligatoire des équipements bien effectuée ? Les exercices d’évacuation réalisés ? Les protocoles de soins, rédigés et suivis ?… Je vérifie aussi tous les deux ans les affichages obligatoires, et j’aide les directeurs à préparer le passage de la commission de sécurité. Une fois par trimestre, je réunis tout le monde en comité de pilotage Sécurité/gestion des risques, pour présenter des points de législation ou des outils. Sur le long terme, je m’efforce de diffuser une culture du risque qui ne se limite pas à la mise en conformité, mais qui permette de s’interroger sur nos pratiques et notre positionnement par rapport aux personnes accompagnées. »
Aller plus loin
La gestion des risques dans les ESSMS, Éric Zolla, éd. Dunod, nouvelle édition à paraître en 2017
Publié dans le magazine Direction[s] N° 152 - avril 2017