Jérôme Dumont, conseiller en précarité énergétique au CCAS de Malaunay
La hausse des factures d'énergie, liée à la mauvaise qualité thermique du parc des logements français, aux mauvais usages, mais aussi à l'augmentation des tarifs, a pris de l'ampleur. Elle apparaît comme le second motif des demandes d'aide financière adressées aux centres communaux d'action sociale (CCAS). En effet, sont considérés en situation de précarité énergétique les ménages qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses d'énergie, soit environ 5 millions de foyers, parfois contraints de se priver des besoins élémentaires [1]. Afin d'accompagner ce public et d'agir en prévention, des CCAS et des associations se dotent d'un conseiller en précarité énergétique, une fonction à cheval entre le technique et l'humain.
Des visites sociotechniques
On retrouve sur ce poste différents profils : des travailleurs sociaux formés [2] à ce problème, des jeunes recrues en service civique ou encore des personnes ayant exercé un métier technique, reconverties dans le secteur social. Avec une rémunération qui varie selon le statut. Des conseillers sont également en activité au sein des agences locales de l'énergie et du climat (Alec, au statut associatif), organismes qui ont un rôle de conseil auprès des collectivités et des foyers en précarité énergétique. C'est le cas de Florent Coquio, en poste à Éner'gence, Alec du pays de Brest, qui, après une école d'ingénieur en environnement et un service civique chez les Compagnons bâtisseurs, a souhaité s'investir dans « un travail utile auprès d'un public en difficulté ».
La mission du conseiller en précarité énergétique s'articule autour des visites socio-techniques au domicile. Les ménages ont généralement été repérés par des professionnels, par exemple les assistantes sociales du département. « Nous effectuons un important travail en amont pour sensibiliser les partenaires prescripteurs », insiste Catherine Bruyère, directrice de la Fondation Agir contre l'exclusion (Face) de la Loire.
L'intervenant fait un tour complet de la situation des personnes : factures impayées, demandes de tarifs de solidarité effectuées, conditions de logement, recensement des équipements énergivores, examen de l'isolation, habitudes de vie… La visite, souvent longue, nécessite un sens aigu de l'écoute face à des personnes précarisées. Elle peut se dérouler avec un travailleur social, afin de faciliter la prise de contact. En partant des données recueillies, le conseiller va proposer l'installation de petits matériels (mousseurs pour robinets, joints, survitrage isolant…), qu'il pose lui-même et, surtout, sensibiliser le foyer aux éco-gestes qui permettront de réaliser des économies. Ainsi, le CCAS de Saumur a fait le choix d'organiser trois visites espacées de six mois par foyer « afin de s'assurer que de nouvelles habitudes sont bien en place », précise Yves Leprêtre, son directeur. Avant de quitter les lieux, le conseiller pose des préconisations, notamment des travaux sur le bâti, avec pour objectif d'obtenir l'accord du propriétaire s'il s'agit d'une location.
Travail en réseau
Parfois, l'intervenant peut détecter une situation non redressable, voire d'insalubrité. « Certains logements sont de véritables gouffres énergétiques. On orientera alors vers une solution de relogement », explique Yves Leprêtre. Le conseiller travaille ainsi nécessairement en réseau, comme le confirme Florent Coquio : « Je sensibilise aux économies d’énergie, j’oriente les personnes vers des associations comme les points d'information médiation multi-services (PIMMS) pour mettre en place les tarifs sociaux de l’énergie, ajuster l’abonnement, ainsi que vers des acteurs de santé et de solidarité pour faciliter l'accès aux droits. » Le conseiller peut d'ailleurs découvrir un cas d'urgence, qui le conduira à alerter les acteurs sociaux. Enfin, il peut être chargé d'actions de sensibilisation aux éco-gestes auprès d'un plus large public.
[1] Selon la loi du 12 juillet 2010 sur l’environnement, « est en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».
[2] Les CCAS ont formé leurs travailleurs sociaux avec le Cler, réseau pour la transition énergétique, association agréée pour la promotion de l'environnement.
Sophie Le Gall
Point de vue
Jérôme Dumont, conseiller en précarité énergétique au CCAS de Malaunay (Seine-Maritime)
« Dans notre mission, il faut avoir de l'ambition, viser la qualité plus que la quantité. À quoi sert de poser des mousseurs dans 100 foyers sans chercher à faire évoluer leur situation globale ? Mon intervention peut aller jusqu'au relogement dans des cas d'insalubrité grâce aux partenariats noués avec les bailleurs sociaux. Je me déplace avec du matériel pointu, comme une caméra thermique, mais le dialogue est mon premier outil de travail. Il faut convaincre des personnes, parfois dans le déni, de changer leurs habitudes ou de la priorité de certains travaux. Ce qui n'est pas toujours simple. Je suis fier d'intervenir au nom du service public, gratuitement, pour marquer la différence avec des entreprises qui proposent des diagnostics afin de vendre des travaux, qui plus est à des personnes fragiles. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 156 - septembre 2017