Jean-Marie Vauchez, président de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (Ones)
C’est le deuxième métier le plus représenté du secteur privé à but non lucratif de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass) [1] : 58 400 éducateurs spécialisés y travaillent, dont plus de 26 000 dans le champ du handicap et plus de 20 000 dans le champ de la protection de l’enfance. « Une minorité des éducateurs spécialisés travaillent dans le secteur public » observe Jean-Marie Vauchez, président de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES), et essentiellement dans la fonction publique territoriale ou d’État.
La profession, réglementée, nécessite une formation théorique et pratique de trois ans, sanctionnée par l’obtention d’un diplôme d’État (DEES). Nouveauté de cette rentrée 2018, ce sésame passe du niveau III au niveau II et au grade licence, facilitant l’inscription dans un parcours universitaire et la poursuite d’études. Une reconnaissance qui ne satisfait cependant pas certains représentants de la profession. « Seuls ceux qui sont entrés dans leur formation en septembre seront diplômés d’un niveau II, tonne Jean-Marie Vauchez. Des éducateurs spécialisés vont donc effectuer le même travail, mais tous n’auront cependant pas le même statut, pas forcément le même salaire, etc. C’est vraiment aberrant ».
Un pilier de l'accompagnement
Les nouveaux référentiels de compétences ne modifient cependant pas les piliers du métier. « Ils permettent même de recentrer le diplôme sur l’accompagnement, observe Jean-Marie Vauchez. C’est une clarification que nous avions demandée ». La mission de l’éducateur spécialisé ? Concourir à l’éducation d’enfants et d’adolescents ou à l’accompagnement d’adultes présentant un handicap, des troubles du comportement ou encore des difficultés d’insertion. Ce professionnel de l’action sociale et médico-sociale aide les personnes en difficulté à restaurer ou à préserver leur autonomie, à développer leurs capacités de socialisation, d’intégration et d’insertion ; il favorise également les actions de prévention. Le métier, qui nécessite des aptitudes au travail d’équipe, à l’écoute ou encore à la prise de recul, s’exerce traditionnellement dans une relation socio-éducative de proximité, même s’il s’est transformé ces vingt dernières années. « Les missions de coordination se développent sur une partie du temps de travail, parfois même à temps plein dans certaines institutions, analyse Jean-Marie Vauchez. Sur ces postes de coordinateur, le travail de l’éducateur spécialisé vise à mettre en musique les interventions des différents professionnels (du paramédical, de la rééducation, du scolaire, etc.) auprès d’un usager, en cohérence avec le projet personnalisé apparu en 2002. De ce fait, les professionnels s’éloignent du terrain ».
Un profil qui attire moins
Le métier, qui a vu disparaître de nombreux acteurs de la prévention spécialisé ces dix dernières années – et donc ceux que l’on appelle « les éducateurs de rue » – faute de financements publics, attire moins les candidats qu’auparavant. Après une augmentation continue des effectifs dans les centres de formation de 2002 à 2011, le nombre d’inscrits baisse, passant de 14 398 étudiants en 2011 à 13 593 en 2016, selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) [2]. La profession, où les rémunérations s’échelonnent de 1600 euros brut par mois au début, jusqu’à 3100 euros, selon les conventions collectives, permet pourtant des évolutions de carrière. L’éducateur spécialisé a ainsi la possibilité de s’orienter vers des fonctions de chef de service ou de direction d’établissements. La moitié des personnes qui préparent le certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale (Caferuis) ont d’ailleurs un diplôme d’éducateur spécialisé, selon une étude de l’Observatoire du fonds de formation Unifaf.
[1] Selon l'enquête emploi 2017 de l'Observatoire Unifaf.
[2] « Une baisse de 7 % des étudiants inscrits en formations sociales entre 2010 et 2015 », Études et résultats n° 986, Drees, décembre 2016
Flore Mabilleau
Point de vue
Dulcinia Carneiro, éducatrice spécialisée et médiatrice familiale, à Troyes (Aube)
« Ma formation d’éducatrice spécialisée m’a permis d’occuper différents postes. J’ai notamment travaillé, durant 17 ans, au sein d’une maison d’enfants à caractère social (Mecs) où je suis rapidement devenue coordinatrice d’un petit espace filles, puis responsable d’un foyer de 12 jeunes de 12 à 18 ans. Je gérais l’équipe (une maîtresse de maison, une lingère, quatre éducateurs spécialisés), assurais les admissions, représentais l’établissement auprès du juge, etc. Mais je m’arrangeais toujours pour garder un pied sur le terrain ! J’ai ensuite participé à la création d’une unité pour les familles, où l’on proposait notamment un tiers lieu d’accueil parents-enfants. J’ai alors quitté mon poste de responsable pour redevenir éducatrice spécialisée à temps plein. C’est à ce moment que j’ai décidé de suivre une formation de médiatrice familiale car j’étais très intéressée par la gestion du conflit. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 169 - novembre 2018