Hervé Morandeau, intervenant à l’IRTS Ile-de-France, à l'INSHEA et l’Etsup
Ils ont débuté leur carrière dans l’industrie, l’artisanat ou encore dans le bâtiment, avant de s’orienter, dans un deuxième temps, vers les filières médico-sociales. Les éducateurs techniques spécialisés (ETS) sont « à la fois éducateurs et spécialistes d’une technique professionnelle qu’ils transmettent aux personnes dont ils ont la charge, détaille la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Ils sont ainsi spécialistes de l’adaptation ou de la réadaptation professionnelle des personnes handicapées jeunes ou adultes ».
Ces experts utilisent leurs compétences techniques comme support dans le travail d’insertion des publics qu’ils accompagnent. On les retrouve essentiellement dans les établissements et services d’aide par le travail (Esat), les entreprises adaptées (EA), d’insertion (EI), les centres de rééducation professionnelle (CRP), les hôpitaux ou les centres d’adaptation à la vie active, mais aussi auprès d’adolescents dans les instituts médico-professionnels (IMPro) ou encore thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep).
Pas de promotion depuis deux ans en Ile-de-France
Difficile d’évaluer leurs effectifs aujourd’hui. En 2017, ils étaient cependant 1700, travaillant dans les Esat et les EA, selon la dernière enquête emploi de l’Observatoire du fonds de formation Unifaf, soit 59 % de plus qu'en 2012. Pourtant, leur nombre dans les centres de formation afin de décrocher le diplôme d’État d’éducateur technique spécialisé (DEETS), passé du niveau III au niveau II et au grade licence depuis septembre, ne cesse de baisser, selon les chiffres de la Drees.
Le nombre d’inscrits est ainsi passé de 847 en 1996, à 996 en 2006 et, finalement, à 601 en 2016. « En Ile-de-France, depuis deux ans, nous n’avons pas ouvert de promotion car il n’y a pas assez d’inscrits et aucune aide de la Région sur cette filière, regrette Hervé Morandeau, intervenant dans la seule formation francilienne existante, réunissant l’Institut régional de travail social (IRTS) Ile-de-France, l’Institut national supérieur de formation et recherche - handicap et enseignements adaptés (INSHEA) et l’École supérieure de travail social (Etsup). Dans les deux prochaines années, il n’y aura donc pas de nouveaux éducateurs techniques spécialisés diplômés sur la région. C’est un métier en péril. » Et en pleine mutation.
Plus de projets, moins dans les ateliers
Le profil même de ces experts doublement qualifiés évolue. L’avènement de l’économie de services entraîne l’arrivée de nouveaux métiers, comme celui des informaticiens. Mais quel que soit le secteur d’origine, « l’éducateur technique spécialisé va utiliser son savoir-faire pour amener les personnes qu’il accompagne à se mettre dans une logique de travail et à s’insérer, leur transmettre – notamment – des règles de savoir-être », décrit Hervé Morandeau. Des professionnels diplômés qui, avec le passage de leur diplôme au niveau II, pourront plus facilement se tourner vers des masters et poursuivre leurs études, mais dont les salaires, qui peuvent s’échelonner entre 1600 euros lorsqu’ils débutent à plus de 3000 euros brut en fin de carrière, sont plus importants que ceux de leurs collègues moniteurs d’ateliers dans les Esat. Ces derniers, chargés de l'encadrement de personnes en situation de handicap ou d'inadaptation accueillies dans des structures de travail protégé, étaient près de 17 000 en 2017, soit 15 % de plus qu’en 2012 selon les chiffres d’Unifaf. « De plus en plus d’Esat emploient des moniteurs d’atelier à la place des éducateurs techniques spécialisés faute de budget, analyse Hervé Morandeau. Les missions des ETS sont désormais davantage tournées vers la coordination de projets (un nouvel atelier, la création de partenariats avec l’extérieur pour de nouveaux contrats, etc.) ou la supervision des moniteurs d’atelier. Ils sont donc beaucoup moins présents dans les ateliers de production car ils ne peuvent pas être partout ! » Une situation propre aux Esat. Dans les structures accompagnant les adolescents vers le travail, les éducateurs techniques spécialisés restent les contacts privilégiés des jeunes.
Flore Mabilleau
Point de vue
Laurent Boix, éducateur technique spécialisé dans un Itep, à Bièvres (Essonne)
« Après un bac en hôtellerie et un premier poste de chef de cuisine, j’ai découvert le métier d’éducateur technique spécialisé à l’âge de 30 ans. J’ai donc suivi une formation. Ce qui m’a tout de suite plu, c’était de transmettre mon savoir et de prendre soin des jeunes en prenant comme appui mon métier de cuisinier. Actuellement, j’accompagne 20 jeunes de 13 à 19 ans en utilisant deux référentiels métiers, le CAP cuisine et celui d’agent polyvalent de restauration. Mais je travaille dans une structure médico-sociale, pas dans un centre de formation. Les jeunes peuvent ensuite continuer dans cette voie, mais ce n’est pas toujours le cas. La cuisine est avant tout un support qui leur permet de faire un pas de côté afin de repartir vers les apprentissages. Je me vois comme un éducateur spécialisé, avec quelque chose en plus. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 170 - décembre 2018