Équithérapie, hippothérapie, équitation adaptée, équicie… Il existe de nombreuses manières de pratiquer la médiation équine. Pour le moment, seul le métier d’équicien a obtenu une reconnaissance officielle de l’État : il est inscrit au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), au niveau III. Cette profession encore émergente (on dénombre une cinquantaine d’équiciens en France) est centrée sur la mise en relation du cheval avec la personne accompagnée, qu’elle soit en situation de handicap ou de fragilité.
Un métier transdisciplinaire
« Nous avons très vite constaté l’intérêt de la relation du cheval avec les enfants et les adultes en situation de handicap que nous accompagnons », raconte Catherine Morgenthaler, directrice générale adjointe en charge des ressources humaines (RH) de l'association Kervihan, dans le Morbihan, qui a recruté une équicienne en juin 2016 (lire l'encadré). « Contrairement au moniteur d’équitation, l’équicien ne dispense aucun apprentissage équestre. Sa mission consiste à permettre la rencontre entre le cheval et la personne, de tisser des liens inter-espèces », explique Isabelle Claude, présidente de la Fédération nationale Handi Cheval et directrice d’Équit’aide. Cette association lorraine est la seule école dispensant la certification d’équicien qui peut être obtenue via une formation initiale post-bac (trois ans), en formation continue, ou encore via la validation des acquis de l’expérience (VAE).
Le métier rassemble des compétences médico-sociales et équines. S’il est nécessaire d’être un cavalier confirmé, il faut aussi posséder de solides connaissances en anatomie, psychologie et éthologie (science du comportement et de l’observation des espèces animales). « Je compare souvent cette profession à une fleur, indique Isabelle Claude qui a créé le mot « équicien » et s’est battue pour le faire reconnaître. L’équicien est la somme de plusieurs compétences empruntées à l’ergothérapeute, à l’éducateur spécialisé, au kiné, au moniteur d’équitation, au psychologue… C’est un métier profondément transdisciplinaire. »
Souvent prestataire indépendant
L’accompagnement proposé par l’équicien s'appuie sur la méthodologie de projet en action sociale. Il répond à la commande d’un prescripteur (établissement ou service social et médico-social) et vise des objectifs prédéterminés qui peuvent être à vocation éducative, sociale ou thérapeutique. Son intervention peut s’effectuer en séance individuelle ou en petits groupes. Même s’il est possible qu'ils soient recrutés en interne, la plupart exercent comme indépendants et collaborent avec les structures en tant que prestataires de services.
Possédant 29 chevaux, Marjorie Vaissière pratique l’équicie depuis cinq ans dans les Landes : « Je travaille avec des foyers de vie, des foyers d'accueil médicalisé (FA, un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Itep), une maison d'enfants à caractère social (Mecs), un centre éducatif fermé (CEF) et un hôpital psychiatrique, témoigne-t-elle. Lorsqu’un établissement fait appel à moi, je rencontre les personnels pour préciser mon intervention, l’inscrire dans les projets personnalisés, déterminer des objectifs annuels, intermédiaires, les outils d’évaluation… Je construis mon action avec les professionnels. C’est pour cela que je me considère comme une travailleuse médico-sociale à part entière. »
Aurélie Vion
Point de vue
Catherine Morgenthaler, directrice générale adjointe de l'association Kervihan, à Bréhan (Morbihan)
« Promenades en carriole aménagée et adaptée pour les personnes en fauteuil, activités de pansage, des jeux… Dès 1994, l’association proposait des activités avec des chevaux (nous en possédons cinq). Deux professionnels se chargeaient alors de ces activités : un éducateur technique, qui avait une formation de cocher-meneur, et une éducatrice spécialisée, formée au tourisme équestre. Mais nous avons souhaité structurer cette activité afin qu’elle s’articule étroitement avec les projets personnalisés des usagers. Recrutée en juin 2016, l’équicienne travaille autour des mêmes axes que les autres professionnels (autonomie, socialisation, confiance, valorisation, communication), mais différemment. Elle est un partenaire à part entière des équipes éducatives et thérapeutiques. Elle accompagne 18 enfants, adolescents et adultes, dans le cadre de séances individuelles hebdomadaires programmées sur une année scolaire, auxquelles s’ajoutent des cessions collectives Des évaluations sont réalisées chaque année, afin d'en mesurer précisément les bénéfices. Ce qui est très important pour nous car nous ne nous appuyons plus uniquement sur le ressenti. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 162 - mars 2018